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Dates de Chavouot
Chavouot (aussi écrit Shavou'ot) est prévu aux dates suivantes :
- mercredi 12 et jeudi 13 juin 2024
- lundi 2 et mardi 3 juin 2025
- vendredi 22 et samedi 23 mai 2026
Cette fête a lieu le 6 du mois de Sivan dans le calendrier hébreu.
Chavouot, la Pentecôte : d’une fête agraire au don de la Torah
Aussi écrit : Chavuot, Shavouot, Shavuot.
Chavouot, qui signifie en hébreu « Semaines », est célébrée le 6 Sivan, une date qui tombe au mois de mai ou de juin du calendrier grégorien. Si, dans la Bible, il s’agit d’une fête de la moisson, elle est devenue dès l’Antiquité une commémoration du Don des tables de la Loi.
Une fête de la Moisson du blé
Comme beaucoup de fêtes dont l’observance est réputée prescrite par Dieu à son peuple par l’intermédiaire de Moïse et consignées dans la Torah1, Chavouot marquait initialement un temps fort du calendrier agricole au Proche-Orient ancien, la moisson. Cette origine est d’ailleurs explicite dans le nom originel de la fête, lorsque celle-ci est mentionnée pour la première fois dans le Livre de l’Exode.
Exode 23,16 : « Tu observeras la fête de la Moisson, des premiers fruits de ton travail, de ce que tu auras semé dans les champs. »
Dans ce verset, il n’est précisé ni de quelle moisson il est question, ni à laquelle date précise cette fête doit être célébrée. La première incertitude est levée un peu plus loin dans le même texte :
Exode 34,22 : « Tu célébreras une fête des Semaines pour les prémices de la moisson du froment. »
Chavouot a donc été introduite comme une offrande collective des prémices du blé et porte également le nom de « fête des Semaines ». Le sens à donner à cette formulation est à son tour éclairé par un autre passage de la Torah, cette fois-ci tiré du Lévitique.
Lévitique 23, 15-17.21 : « Vous compterez sept semaines à partir du lendemain du sabbat […] ; les sept semaines seront complètes ; jusqu’au lendemain du septième sabbat, vous compterez donc cinquante jours et vous présenterez au Seigneur une offrande de la nouvelle récolte ; où que vous habitiez, vous amènerez de chez vous pour le rite de présentation deux pains faits de deux dixièmes d’épha de farine et cuits en pâte levée : c’est Les Prémices pour le Seigneur […] Pour ce jour précis, vous ferez une convocation et vous tiendrez une réunion sacrée ; vous ne ferez aucun travail pénible. C’est une loi immuable pour vous d’âge en âge, où que vous habitiez. »
Le nom usuel de la fête est donc tiré d’un décompte calendaire : elle doit être observée 7 semaines après le « lendemain du sabbat » ; c’est d’ailleurs également l’origine du nom français de la fête, la Pentecôte, qui signifie en grec « 50 » jours après le « sabbat » en question.
Le sens de cette formulation n’est pas explicite. Dans la mesure où ce passage figure dans un chapitre qui dresse un calendrier rituel dans l’ordre chronologique, il est certain que le point de départ du décompte est lié aux deux fêtes qui viennent d’être évoquées, Pessah et les Azymes. La détermination de la date de Chavouot dépend donc du sens que l’on donne à l’expression « lendemain du sabbat » et notamment au mot « sabbat » qui peut signifier différentes choses dans la Bible. Ce point était l’objet d’un débat intense dans l’Antiquité, et la date à laquelle était célébrée Chavouot semble avoir évolué en conséquence.
A certaines époques, les prêtres du temple de Jérusalem en charge de la fixation du calendrier festif considéraient que le « lendemain du sabbat » signifiait le dimanche – le sabbat étant le samedi – suivant la fin de la fête des Azymes2. Cette interprétation fait tomber Chavouot au milieu du mois Sivan, comme c’était le cas dans la communauté de Qumrân où Chavouot était célébrée le 15 Sivan3. D’autres interprétations existent4.
De leur côté, les rabbins du Talmud considèrent que le terme « sabbat » utilisé dans le verset du Lévitique est un synonyme de « fête » comme c’est le cas ailleurs dans la Bible5 et identifient cette fête avec Pessah. Comme la date de Pessah est précisément fixée à la nuit du 14 au 15 Nissan, les rabbins commencent le décompte le 16 Nissan : Chavouot est donc célébrée à date fixe, le 6 Sivan.
La commémoration du don de la Torah
Le Deutéronome souligne que Chavouot est une fête de réjouissance et lui confère une dimension commémorative liée à la mémoire de la captivité des Hébreux en Égypte6. A partir de l’époque hellénistique Chavouot devient progressivement une fête de la Loi et est étroitement associée à la mémoire du don de la Torah à Moïse7.
Dans le Livre des Jubilées, composée à la fin du IIe siècle avant notre ère, un ange envoyé à Moïse présente la fête des Semaines comme une « célébration de l’Alliance »8. Dans la tradition rabbinique, la fête est explicitement interprétée comme une commémoration de la révélation du Sinaï9 :
Talmud de Babylone, Pesahim 68b : « Shavouot est le jour du Don de la Torah. »
Talmud de Babylone Shabbat 86b : « Le 6 Sivan, les Dix commandements ont été donnés au people juif ».
Dans cette optique, la tradition juive fait de Chavouot une occasion privilégiée pour les dédicaces du Temple, les cérémonies de renouvellement de l’Alliance, les apparitions divines et les montées au Ciel10.
Des rites essentiellement synagogaux
L’offrande collective des prémices de la nouvelle récolte du blé est définie dans le Deutéronome comme un pèlerinage au temple de Jérusalem11 et s’accompagnait de nombreux sacrifices publics et individuels, détaillés à plusieurs reprises dans la Torah12.
Concernant les communautés juives établies loin de Jérusalem et qui ne s’y rendaient que très exceptionnellement, voire jamais, des informations nous sont fournies par le Livre de Tobit13. Dans ce récit, vraisemblablement composé au IIe siècle av. notre ère, un juif installé dans l’empire assyrien - c’est-à-dire 5 siècles plus tôt – célèbre Chavouot dans la ville de Ninive en prenant un « déjeuner copieux » avec sa famille14. Par ailleurs, dans l’Antiquité tardive est apparu le principe du redoublement des jours de fête majeurs en Diaspora15, lequel s’est maintenu jusqu’à nos jours : en dehors d’Israël, la fête dure donc deux jours – les 6 et 7 Sivan – au lieu d’un seul.
Beaucoup de communautés ont coutume de consommer lors des repas de fête des produits lactés16. Pour le reste, l’essentiel de la célébration est intégré à la liturgie synagogale, où on lit les passages de la Torah portant l’institution de la fête ainsi que sur la révélation du Sinaï. La plupart des rituels accomplis sont similaires à ceux de la plupart des fêtes de réjouissance majeures, notamment l’allumage de bougies et la récitation du Hallel. Outre la veillée d’étude pratiquée dans certaines communautés, un rite est spécifique à Chavouot : la lecture intégrale du Livre de Ruth17.
En Israël, une fête champêtre
En Israël, où le jour de Chavouot est férié, la fête a pris depuis le début du XXe siècle une dimension champêtre mettant en avant les productions agricoles. Des processions de villages et de kibboutz sont donc organisées, modelées sur la description d’une cérémonie d’offrande des prémices au Temple tirée du Talmud18. De nombreux spectacles sont également organisés.
Références
La Torah est l’ensemble des 5 premiers livres de la Bible – Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome – réputés écrits par Moïse.
On connaît ce décompte par la littérature rabbinique, qui l’attribue aux sadducéens et aux boéthusiens, des courants du judaïsme antique ; voir par exemple Mishna Menahot 10,3 ; Tosefta Menahot 10,23 ; Talmud de Babylone 65a. On la trouve également attestée par les annotations des manuscrits anciens de la traduction grecque de la Torah réalisée par les juifs d’Alexandrie au IIIe siècle av. J.-C.
Yigal Yadin, « The Temple Scroll », The Biblical Archaeologist 30/ 4, 1967, p. 135-139.
La traduction syriaque du Lévitique indique que certains interprétaient commençaient le décompte le lendemain du dernier jour des Azymes ; voir cf. David J. Lane, The Syriac Peshitta Bible with English translation: Leviticus, Piscataway, Gorgias Press, 2015, p. 152. Quant aux karaïtes, ils prennent comme point de départ le dimanche qui tombe pendant la semaine des Azymes ; sur le karaïsme, voir Simon Szyszman, Le karaïsme : ses doctrines et son histoire, Lausanne, L'Age d'homme, 1980
Lévitique 23,24.32.
En Deutéronome 16,12, le verset « Tu te souviendras qu’en Egypte tu étais esclave, tu garderas ces lois et tu les mettras en pratique » est inséré dans le dispositif de la fête.
Cette association s’appuie sur une coïncidence calendaire : en Exode 19,1, il est précisé que les Israélites arrivèrent au Sinaï le « troisième mois », c’est-à-dire le mois où tombe Sukkot selon les dispositifs bibliques ; voir Sejin Park, Pentecost and Sinai. The festival of Weeks as a celebration of the Sinai event, New York, T & T Clarck 2008.
Jubilés 6,15-22. Le Livre des Jubilés est un apocryphe biblique vraisemblablement composés par des prêtres du temple de Jérusalem en désaccord avec les souverains du Judée ; voir La Bible. Écrits intertestamentaires, publiée sous la direction d'A. Dupont-Sommer et M. Philonenko, Paris, Gallimard, collection Pléiade, 1987.
Voir aussi Midrash Rabbah sur Exode 31,16. Sur les modalités et la chronologie de l’association de Chavouot à la théophanie du Sinaï dans la littérature rabbinique et sa réception dans la littérature chrétienne, voir Daniel Stöckl-Ben Ezra, « Parody And Polemics On Pentecost: Talmud Yerushalmi Pesahim On Acts 2? » in Albert Gerhards et Clemens Leonhard (ed), Jewish and Christian liturgy and worship: new insights into its history and interaction, Leyde, Brill, 2007, p. 279-294.
Voir Sejin Park, Pentecost and Sinai, p. 128-175.
Deutéronome 16,11.16.
Lévitique 23,18-20 ; Nombres 28,26-30.
Ce livre n’est pas été retenu dans la Bible hébraïque telle qu’elle a été fixée au début de notre ère. En revanche, sa version grecque figure dans l’Ancien Testament des chrétiens catholiques et orthodoxes. On appelle « deutérocanoniques » les écrits juifs ont été exclus du canon biblique mais conservés dans ceux des catholiques et des orthodoxes.
Tobit 2,1-2.
Talmud de Jérusalem, Pesahim 5,4 ; Yebamot 11,7 ; Nazir 8,1 ; Talmud de Babylone, Betzah 4b-6a. Cette pratique, originellement apparue à cause des incertitudes du calendrier, fut par la suite maintenue pour des raisons théologiques cf. Talmud de Jérusalem, Erubin 3,8-9.
Sur la raison de cette pratique, voir Louis Jacobs, « Shavuot », Encyclopaedia Judaica, éditée par M. Berenbaum et F. Skolnik, 2e édition. vol. 18, Macmillan Reference USA, 2007, p. 422-423.
Soferim 14,3.8.
Mishna Bikkurim.