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Dates du jeûne des premiers-nés
Le jeûne des premiers-nés est prévu aux dates suivantes :
- lundi 22 avril 2024
- samedi 12 avril 2025
- mercredi 1er avril 2026
Cette fête a lieu le 14 du mois de Nissan dans le calendrier hébreu.
Le jeûne des premiers-nés, un prélude à la fête de Pessah
Le jeûne des premiers-nés (en hébreu, taanit bekhorim) est observé juste avant la fête de Pessah, soit durant la journée du 14 Nissan, qui tombe en mars ou en avril du calendrier grégorien. Apparu entre la fin de l’Antiquité et le début du Moyen Âge, il commémore la 10e plaie d’Egypte, la mort des premiers-nés qui, d’après la Bible, épargna les Hébreux. C’est le seul jeûne public du judaïsme qui ne concerne qu’une partie des fidèles.
La mort des premiers-nés égyptiens et la sortie d’Egypte des Hébreux
D’après la Torah1, alors que les Hébreux se trouvaient en captivité en Egypte, Dieu infligea aux Egyptiens une série de calamités successives pour contraindre Pharaon à libérer ses esclaves. La 10e de ces plaies est la mort des premiers-nés qui frappa tous les Egyptiens, y compris le propre fils de Pharaon, ainsi que leurs serviteurs et leur bétail. En revanche, la plaie épargna les Hébreux qui, suivant les instructions divines, avait placé un signe de reconnaissance sur le linteau de leur maison et célébraient au même moment la fête de Pessah2 :
Exode 12,5-8 et 12-13 : « Vous aurez une bête sans défaut, mâle, âgée d’un an. Vous la prendrez parmi les agneaux ou les chevreaux. Vous la garderez jusqu’au quatorzième jour de ce mois. Toute l’assemblée de la communauté d’Israël l’égorgera au crépuscule. On prendra du sang ; on en mettra sur les deux montants et sur le linteau des maisons où on la mangera. On mangera la chair cette nuit-là. On la mangera rôtie au feu, avec des pains sans levain et des herbes amères. […] Je traverserai le pays d’Egypte cette nuit-là. Je frapperai tout premier-né au pays d’Egypte, de l’homme au bétail. Et je ferai justice de tous les dieux d’Egypte. C’est moi le Seigneur. Le sang vous servira de signe, sur les maisons où vous serez. Je verrai le sang. Je passerai par-dessus vous, et le fléau destructeur ne vous atteindra pas quand je frapperai le pays d’Egypte. »
Exode 12,29-31 : « A minuit, le Seigneur frappa tout premier-né au pays d’Egypte, du premier-né du Pharaon, qui devait s’asseoir sur son trône, au premier-né du captif dans la prison et à tout premier-né du bétail. Le Pharaon se leva cette nuit-là, et tous ses serviteurs et tous les Egyptiens, et il y eut un grand cri en Egypte car il ne se trouvait pas une maison sans un mort. Il appela de nuit Moïse et Aaron et dit : "Levez-vous ! Sortez du milieu de mon peuple, vous et les fils d’Israël. Allez et servez le Seigneur comme vous l’avez dit."».
Une commémoration de la protection accordée par Dieu à son peuple est prévue dans le chapitre suivant : c’est le rite du rachat des premiers-nés mâles :
Exode 13,13-15 : « Tout premier-né d’homme parmi tes fils, tu le rachèteras. Alors, quand ton fils te demandera demain : “Pourquoi cela ?”, tu lui diras : “C’est à main forte que le Seigneur nous a fait sortir d’Egypte, de la maison de servitude. En effet, comme le Pharaon faisait des difficultés pour nous laisser partir, le Seigneur tua tout premier-né au pays d’Egypte, du premier-né de l’homme au premier-né du bétail. C’est pourquoi je sacrifie au Seigneur tout mâle qui ouvre le sein maternel, mais tout premier-né de mes fils, je le rachète.” ».
Cette cérémonie de rachat, qui a lieu le 31e jour après la naissance, se pratique toujours aujourd’hui dans certaines communautés juives3.
L’apparition d’un jeûne commémoratif dans l’Antiquité tardive
Néanmoins, le Talmud de Jérusalem4 signale que dans l’Antiquité apparut une forme additionnelle de commémoration de la protection des premiers-nés des Hébreux en Egypte : certains fidèles, et notamment l’éminent rabbin Juda le Patriarche, actif vers 200 de n.è., avaient coutume de jeûner chaque année durant la journée du 14 Nissan, c’est-à-dire la veille de Pessah car les fêtes juives les plus solennelles débutent à la tombée de la nuit. Les motifs de ce jeûne sont débattus :
Talmud de Jérusalem, Pesahim 10,1 (=37b) : « Le motif de l'abstention de Rabbi était sa qualité de fils aîné. R. Mena dit : »R. Yôna mon père, quoique fils aîné, mangeait en ce jour". Selon R. Tanhouma, le motif est tout différent : "c'est que Rabbi était un homme très délicat ; lorsqu'il avait mangé le jour, il ne pouvait plus manger le soir ; aussi, avait-il soin de s'abstenir au jour qui était une veille de fête, afin de conserver l'appétit pour le soir". »
D’après ce passage, il semble donc bien que certains juifs, qui étaient les aînés de leur famille, aient eu coutume de jeûner durant la journée 14 Nissan en souvenir de leurs ancêtres épargnés par la 10e plaie d’Egypte. Néanmoins, cette pratique relevait de la piété personnelle et n’était pas universellement observée, y compris parmi les rabbins ; si certains fidèles évitaient de manger, c’était avant tout afin de pouvoir faire honneur au repas de Pessah auquel ils allaient prendre part le soir-même.Ces deux explications concurrentes sont reprises dans un traité talmudique composé au VIIIe siècle, mais qui présente cette-fois le jeûne des premiers-nés comme une coutume bien établie : tous les premiers-nés observeraient un jeûne commémoratif le 14 Nissan tandis que d’autres fidèles s’abstiendraient de nourriture en prévision du repas festif du soir :
Soferim 21,3 : « On ne jeûnera pas jusqu’à ce que s’écoule le mois de Nissan, hormis les premiers-nés qui jeûnent la veille de Pessah et les personnes délicates, pour qu’elles puissent consommer le pain azyme au soir avec appétit ».
Qui est concerné par le jeûne ?
Si, au cours du Moyen Âge, il devint coutumier pour les juifs premiers-nés de jeûner le 14 Nissan depuis le lever du soleil jusqu’au crépuscule, la définition des personnes soumises à ce jeûne n’est pas unilatérale5. On s’accorde à considérer que tous les hommes de plus de 13 ans qui sont les enfants aînés de leur père ou de leur mère sont censés jeûner. Tant que le fils n’a pas atteint l’âge de 13 ans, c’est son père qui jeûne à sa place ; si le père est lui-même l’aîné de sa famille et est donc par ailleurs soumis au jeûne, c’est la mère qui jeûne pour son fils. Par ailleurs, dans certaines communautés, notamment sépharades, les femmes premières-nées prennent également part au jeûne. Enfin, si le 14 Nissan tombe un samedi, c’est-à-dire un jour de shabbat, le jeûne est déplacé au jeudi précédent, le 12 Nissan.
Une coutume tombée en désuétude
Cependant, les personnes censées jeûner peuvent en être dispensées si elles prennent part à la place à un autre rituel : le siyoum, le repas festif qui marque la fin l’étude d’une section de la Torah, notamment à travers l’étude d’un traité talmudique6. La plupart des synagogues organisent ce repas le matin du 14 Nissan après l’office, ce qui permet à tous les participants d’être dispensés du jeûne s’ils le souhaitent. En conséquence, le jeûne des premiers-nés est de moins en moins observé, y compris dans les communautés juives orthodoxes.
Maureen Attali
Références
La Torah est l’ensemble des 5 premiers livres de la Bible – Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome – réputés écrits par Moïse.
Voir Pessah
Sur cette pratique, on peut consulter l’article de Patricia Hidiroglou, « Pidyon ha-ben. Le rachat du nouveau-né dans la tradition juive », L'Homme, t.28 n°105, 1988, La fabrication mythique des enfants, p. 64-75, consultable en ligne à l’adresse suivante : https://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1988_num_28_105_368935
Le Talmud est un recueil composé par des rabbins de l’Antiquité et dont le but et de clarifier la législation biblique. Il existe deux Talmud : le Talmud de Jérusalem (achevé vers 400) et le Talmud de Babylone (achevé vers 600). Chacun est composé de la Mishna, une compilation mise par écrit vers 200 de notre ère, à laquelle est associée une série de commentaires différenciés nommés Guemarot.
Choulhan Aroukh, Orah Hayim 470,1.
Mishna Berurah 470,10.