Les instruments de mesure du temps - Partie II

Découpage de cette étude

Les instruments d'observation des ombres

Inutile, je pense, de vous dire que cette page sera essentiellement consacrée aux cadrans solaires dans l'acception la plus large de ces termes sans perdre de vue que notre but est de suivre l'évolution des instruments de mesure du temps. Il n'est ni de faire l'inventaire des cadrans solaires dans le monde ni de savoir comment on les construit.

Nous ferons quand même une petite entorse au titre de cette page en y incluant les instruments basés sur l'observation d'un point lumineux ou d'une tache lumineuse.

Dernière précision avant de poursuivre notre étude : si vous avez oublié vos notions d'astronomie, je vous conseille d'aller vous rafraîchir les idées ici. C'est fait ? Alors, c'est parti pour un voyage au royaume des ombres.

Les cadrans solaires

Quand le bâton devient gnomon

Plantons un bâton verticalement dans le sable d'une plage plane. Je dis plage parce que c'est plus facile à faire, mais si vous voulez planter ce bâton dans la dalle en béton de votre terrasse, je n'y vois aucun inconvénient.

Maintenant, observons l'ombre de ce bâton produite par le soleil sur le sable et marquons l'extrémité de cette ombre à différentes heures de la journée. Et nous venons de réussir notre premier tour de magie : le bâton s'est transformé en gnomon.

Pendant que nous en sommes là, terminons-en une fois pour toutes avec la définition du gnomon :

Littré : Gnomon (lat. Gnomon, du grec) sm. : Espèce de grand style dont les astronomes se servent pour connaître la hauteur du soleil. L'aiguille ou style du cadran solaire.

Le Petit Robert : Gnomon (1547, mot latin du grec) : Ancien instrument astronomique composée d'une tige verticale (style) faisant ombre sur une surface plane.

Dictionnaire de l'Académie française, 5e édition 1798 : GNOMON. s. m. Terme d'Astronomie. Espèce de grand style dont les Astronomes se servent pour connaître la hauteur du Soleil, principalement au Solstice. Les Gnomons des Anciens étaient des espèces d'obélisques surmontés d'une boule.
On appelle aussi Gnomon, Le style d'un cadran solaire.

Dictionnaire de l'Académie française, 8ème édition : GNOMON. n. m. T. d'Astronomie. Tout instrument qui marque les heures par la direction de l'ombre qu'un corps solide porte sur un plan ou sur une surface courbe.

J'ajoute que gnomon vient du grec et signifie indicateur.

Bref, le gnomon est parfois le «bâton», parfois «l'instrument ». Quel instrument ? faisons simple et disons qu'il est composé d'un faiseur d'ombre et d'un récepteur d'ombre.

La tendance actuelle est de nommer gnomon un style (faiseur d'ombre) droit et style un gnomon incliné. À moins que le gnomon soit un style incliné !! Pour notre part, nous appellerons simplement style l'objet qui produit l'ombre.

Quelle différence entre un gnomon (au sens de «instrument») et un cadran solaire ? Souvenons-nous de cette vieille devinette éculée, «quelle est la différence entre le tennis et le ping-pong ?». Au tennis, on joue sur la table !! Le gnomon instrument est au cadran solaire ce que le tennis est au tennis de table. D'ailleurs on appelle table le «récepteur d'ombre» en gnomonique (art de construire des cadrans solaires) ou chez les cadranistes (constructeurs de cadrans solaires).

Bon. Mine de rien, j'ai casé toutes mes définitions (ou presque) et nous pouvons en venir aux choses sérieuses.

Retournons à notre bâton et observons bien, sur une journée, son ombre portée sur le sable. Nous constatons que cette ombre varie aussi bien en position qu'en longueur. Lorsque l'ombre est la plus courte, il est midi et le soleil indique le sud dans l'hémisphère nord (ne dit-on pas qu'on descend dans le midi ?).

Sur plusieurs années, on peut constater qu'une ou deux fois par an l'ombre de la pointe du gnomon dessine une ligne droite durant une même journée. L'ombre au lever et l'ombre à midi forment un angle de 90 degrés. Idem pour le soir ou le soleil se couche exactement à l'ouest. Ce sont les jours de l'équinoxe.

Il suffit de repérer sur le sable ou ailleurs ces moments privilégiés pour avoir marqué les équinoxes, midi, le sud, l'est et l'ouest.

Considérons comme plat l'endroit où nous sommes avec notre bâton. En nous tournant sur nous-mêmes, nous parcourons visuellement un cercle qui correspond à l'horizon et le ciel ressemble à une demi-sphère. Représentons un peu cette situation dans un dessin.

Nous sommes au centre O du cercle constitué par l'horizon.

À la verticale du bâton se situe un point Z qui est le zénith. À l'opposé N se situe le nadir.

Le demi plan passant par la droite ZN et par le soleil S s'appelle le vertical de S. Il coupe notre cercle horizontal en S'.

Sur ce même plan horizontal, nous avons déterminé un point R en direction du sud.

On appelle azimut de S l'arc RS' (angle S'OR) et hauteur l'arc SS' (angle SOS')

Comme nous l'avons vu plus haut, azimut et hauteur varient tous deux en permanence en dépendant de la latitude du lieu, de la déclinaison du soleil (date) et de l'heure.

Si, pour un lieu donné, nous tenons compte de la position de l'ombre entière pour mesurer le temps, nous allons construire un gnomon azimutal.

Si, on contraire, nous tenons compte de la longueur de l'ombre en marquant sa pointe, nous allons construire un gnomon de hauteur.

De tels gnomons existent au moins depuis 2 000 ans avant notre ère. Mais ils sont certainement plus anciens surtout si on ne tient pas compte de la distinction entre instrument de mesure et instrument d'observation.

Il aurait existé en Inde, dès le IVe siècle av. J.-C. des tables d'ombres basées sur le principe du gnomon de hauteur où le style était l'individu lui-même. Il suffisait de mesurer l'ombre d'un individu et, à l'aide de la table, de connaître l'heure. Le premier cadran portatif !

Gnomon et obélisques

Nous venons de voir que l'observation de l'ombre portée d'un simple bâton suffit à commencer à se repérer dans le temps. Avant d'aborder les problèmes posés par le style vertical, posons-nous clairement cette question qui nous trotte dans la tête : puisqu'un objet vertical peut nous servir à construire un «cadran solaire», les obélisques égyptiens n'étaient-ils pas les styles de cadrans solaires ?

C'est très peu probable pour différentes raisons :

Avec de tels instruments, on peut tout au plus repérer les solstices et les équinoxes avec plus ou moins de bonheur. Ce serait faire insulte à l'intelligence des Égyptiens de l'époque que de penser qu'ils n'auraient pas utilisé d'autres moyens plus fiables s'ils en avaient connu le principe.

Ceci dit, au moins un des obélisques égyptiens a été construit en cadran solaire. Fut-il utilisé comme tel ? Il le fut à Rome, dans la partie septentrionale du champ de Mars, provenant d' Héliopolis, amené en 10 av. J.-C. sur ordre d'Auguste et érigé au V ème s. av. J.-C.

© C. Jadot / Université de Caen Normandie
L'obélisque sur la Piazza di Montecitorio, Rome
L'obélisque sur la Piazza di Montecitorio, Rome teldridge+keldridge, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons

L'Horologium Augusti : reconstitution ci-dessus. À droite, aujourd'hui l'Horologium sur la Piazza Montecitorio.

Polos et scaphé

Comme nous l'avons vu plus haut, l'azimut et la hauteur dépendent de trois variables qui sont la latitude du lieu, la déclinaison et l'heure. Pour un cadran d'azimut, sauf à midi, l'ombre de notre style vertical ne sera jamais dans la même direction. Pas question donc de diviser notre cadran en parties égales fixes pour mesurer les heures.

Si, avec un style droit, l'ombre du bâton est toujours au même endroit à midi (image du haut), il n'en est pas de même pour les autres heures du jour (image du bas)

Pour un cadran de hauteur, la pointe de l'ombre ne sera jamais au même endroit. Pas question donc de tracer une ligne et d'y marquer les heures.

Le scaphé va nous aider à régler ce problème. Il daterait de près de 3 000 ans, mais comme les premiers instruments connus avec certitude datent de 600 ans av. J.-C. en Grèce, nous retiendrons plus modestement cette date. Nous ne parlerons pas de leur ancêtre le Polos qui, bien qu'ayant certainement existé, ne nous est pas parvenu.

Le principe du scaphé est aussi simple que remarquable : représenter la demi-sphère céleste que nous voyons sur notre plage de sable dans une demi-sphère creusée (scaphé signifie barque) dans un bloc de pierre et représenter le soleil par l'ombre portée d'un boule placée en son centre. Après, il ne reste plus qu'à tracer quelques lignes pour nous permettre de mesurer le temps.

Il y eu deux sortes de scaphé : le scaphé grec où la demi-sphère est entière et le scaphé romain qui ne comporte qu'une partie de la demi-sphère. Nous verrons que le principe est le même et que tronquer la demi-sphère ne change rien à son utilisation.

À gauche : Scaphé grec. Au centre : principe du scaphé grec. À droite : Scaphé romain

Scaphé romain du Ier ou II siècle après J.-C., présenté au Musée Dauphinois de Grenoble
Scaphé romain du Ier ou II siècle après J.-C., présenté au Musée Dauphinois de Grenoble Patafisik, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Du fond du scaphé grec s'élève un style droit en direction du zénith du lieu. Il est souvent terminé par une boule. À l'intérieur de la sphère, côté nord, les Grecs gravaient trois lignes parallèles représentant les deux solstices (2 lignes) et les deux équinoxes (1 ligne). Puis les heures étaient matérialisées par 11 lignes plus les deux bords du scaphé qui vont découper la demi-sphère en 12 tranches.

Comme, bien entendu, l'ombre de la boule évoluera forcément entre les deux lignes extrêmes représentées par les deux solstices, on comprend pourquoi les Romains se sont contentés d'une demi-sphère tronquée à la limite de ces deux lignes. Autre changement caractéristique du Scaphé romain : le style est horizontal au-dessus de la ligne de midi ce qui permet d'utiliser toute son ombre comme indicateur.

Le scaphé, instruments de mesure du temps ? On peut répondre OUI à la question même s'il n'indique pas l'heure avec précision. Il permet à tout le moins de se positionner dans l'année (saisons) et la partie du jour.

Notons aussi l'invention par les Grecs Eudoxe de Cnide et Apollonios de l'Arachné, un cadran d'azimut dont les courbes horaires dessinées sur la table rappellent une toile d'araignée, d'où son nom. Cette découverte remonterait aux environs de 400 av. J.-C.

Un tournant décisif : le style polaire

Reprenons notre bâton du début, mais, cette fois, au lieu de le planter verticalement, faisons-le pointer vers l'étoile Polaire. Il est donc parallèle à l'axe de la terre ou ligne des pôles. Que se passe-t-il avec l'ombre portée ?

Avec un style polaire, l'ombre du bâton est toujours au même endroit à midi (image du haut), comme aux autres heures du jour (image du bas)

Cette fois, l'ombre de notre bâton, si elle toujours variable en longueur, est toujours à la même position quel que soit le jour de l'année.

Pourquoi ?

Parce que, cette fois, nous sommes dans un système de coordonnées horaires. L'équateur céleste est tout simplement le plan de l'équateur terrestre prolongé par le pensée.

La perpendiculaire en O à ce plan constitue la ligne des pôles PP'. Le plan formé par cette ligne et la ligne ZN (verticale du lieu) constitue le plan du méridien du lieu O. Le demi-plan PSP' qui passe par la ligne des pôles et S est appelé cercle horaire de S. Il coupe l'équateur en S'

L'arc ES' (ou angle EOS') est l'angle horaire de S L'arc SS' (ou angle SOS') est la déclinaison de S

Le cadran à style solaire mesure l'angle horaire qui ne dépend pas de la date.

Nous n'allons pas voir par le détail tous les types de cadrans à style vertical possibles. Cette partie de la gnomonique sort du cadre de notre étude.

Il suffit que nous sortions de chez nous pour nous rendre dans les villes et villages proches et ce serait bien une malchance si nous ne découvrions pas, sur la façade d'une maison ancienne ou d'une église un cadran à style polaire. Ce sont, en effet, les plus nombreux. Attention quand même à ne pas les confondre avec des cadrans canoniaux (voir plus loin).

De quand datent les premiers cadrans à style polaire ?

Difficile de répondre avec précision. Le polos était-il un scaphé à style polaire comme son nom semble l'indiquer ? Certains le pensent, mais nous n'en avons aucune certitude.

À défaut, nous allons faire remonter le style polaire à 300 av. J.-C. qui correspond à l'âge d'un cadran grec à style polaire découvert en 1975 en Afghanistan. Cette date correspondrait avec celle des expéditions d'Alexandre le Grand.

On ne les voit apparaître que beaucoup plus tard en Europe puisque le plus ancien date seulement de 1477. Il se trouve sur un cloître à Alpirsbach en Forêt noire.

Le plus ancien connu en France est celui de la cathédrale de Strasbourg et daterait de 1493.

Réplique du cadran solaire d'Alpirsbach.
Réplique du cadran solaire d'Alpirsbach. © Christian Illing, Deutsches Museum
Cadran à style polaire de la cathédrale de Strasbourg. L'avant-bras gauche du personnage reposant sur le dessus de la table du cadran tient (tenait) le style dans sa main
Cadran à style polaire de la cathédrale de Strasbourg. L'avant-bras gauche du personnage reposant sur le dessus de la table du cadran tient (tenait) le style dans sa main Coyau / Wikimedia Commons

Les plus «purs» des cadrans solaires à style polaire sont le cadran horizontal et le cadran vertical méridional (appelé encore «plein sud»)

Sans entrer dans le détail, sachons que :

Comme tous les murs ne sont pas forcement plein sud, on va voir apparaître de nombreuses variantes pour «rattraper» cette position du mur par rapport au plein sud :

Et d'autres suivirent

L'histoire des cadrans solaires ne se termine pas avec le style polaire puisqu'elle se poursuit encore aujourd'hui. D'autres types suivirent que nous n'étudierons pas parce qu'entre-temps d'autres instruments arrivèrent.

Avec le cadran solaire à style polaire, nous tenons un véritable instrument de mesure du temps dont la précision n'est limitée que par le compromis qu'il faut faire avec une lecture aisée. Rien n'empêcherait, sinon, de graver les minutes.

Trop précis, notre cadran à style polaire ? Peut-être, puisqu'il existe une différence entre le temps vrai local qu'il donne et le temps moyen que nous recherchons dans la continuité. L'analemme va nous permettre d'apporter les corrections nécessaires. Voir à ce sujet la page sur les échelles du temps.

Avant d'en terminer avec cette page par l'étude des taches, nous allons, pour le plaisir, étudier un cadran marqueur d'événements, le cadran canonial. Puis nous essayerons de dresser une chronologie de l'apparition des différents instruments que nous avons étudiés.

Un marqueur d'événements : la cadran canonial

Ce cadran remonterait aux Égyptiens vers 300 av. J.-C. En Chine, ce serait vers 1 100 av. J.-C.

Autant le dire tout de suite, c'est un cadran à style droit. Mais alors, allez-vous dire, pourquoi en parler ? D'abord, comme je l'ai dit, pour le fun. Ensuite, parce qu'il a rythmé la vie de certains de nos ancêtres pendant près de 1 500 ans.

Son rôle est essentiellement de marquer les moments des prières au cours de la journée. On le trouve donc essentiellement sur les murs de couvents, des églises ou des cathédrales.

Inutile de dire que ces «moments» de prière, du fait du style droit, étaient décalés dans la journée, mais peu importe. Comme a dit quelqu'un dans d'autres occasions «l'essentiel est de participer»...

Pourquoi canonial ? Tout simplement parce que, au IXe siècle, l'office divin était fixé à 8 moments d'oraison et composé de prières définies par des canons (des règles).

Elles sont d'abord fixées au nombre de cinq par Benoît de Nursie vers 530 : Matines (lever du soleil), Tierce (milieu de la matinée), Sexte (midi), None (milieu de l'après-midi), Vêpres (coucher du soleil).

Ensuite, elles passent à huit : Matines, Laudes, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres, Complies.

Et maintenant, observons quelques cadrans canoniaux.

Cadran canonial gravé sur un mur sud de l'église de Notre-Dame-de-Porporières à Mérindol-les-Oliviers dans la Drôme. Il est pompeusement qualifié d'horloge par l'inscription qui le surmonte : OROLOGII et date du XII ème ou XIII ème siècle.
Cadran canonial gravé sur un mur sud de l'église de Notre-Dame-de-Porporières à Mérindol-les-Oliviers dans la Drôme. Il est pompeusement qualifié d'horloge par l'inscription qui le surmonte : OROLOGII et date du XII ème ou XIII ème siècle. © Serge Gregori

Copie (à gauche) et original (à droite) de l'Adolescent au cadran de la cathédrale de Strasbourg. Il aurait été sculpté entre 1225 et 1235. On peut distinguer sur le cadran canonial lui-même sept lignes horaires.

Cadran canonial de localisation inconnue. Les heures des prières sont marquées d'un tiret

Chronologie de l'apparition des instruments de mesure

Les instruments d'observation des taches

Le scaphé à œilleton

On peut voir au Musée du Louvre un scaphé d'une conception différente de celle que nous avons vue plus haut. Il s'agit du scaphé romain, d'un diamètre de 73 cm, datant du Ier ou IIe siècle de notre ère.

Sa différence avec les autres scaphés est qu'il ne comporte pas de style. Celui-ci est remplacé par un œilleton par lequel pénètrent les rayons du soleil qui créent une tache claire au fond de l'instrument. À l'origine, la taille de cette tache était certainement réduite par une plaque de bronze trouée.

Sur la photo de gauche, on peut voir le scaphé presque en position «de travail». Sur sa partie supérieure, on peut distinguer en partie le trou par lequel pénètre la lumière.

Photo d'un scaphé à oeilleton, le scaphé (ou scaphè) de Carthage.
Photo d'un scaphé à oeilleton, le scaphé (ou scaphè) de Carthage. Aubry Gérard, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Sur la photo centrale, on voit l'intérieur du scaphé qui, pour être dans sa vraie position doit reposer sur la partie plane qu'on voit en bas. Le trou qu'on voit sur cette partie devait certainement servir à fixer une tige de soutien verticale. En haut, l'orifice par laquelle pénètre la lumière et, en bas sur la gauche, la tache de lumière projetée par le soleil à travers cet orifice. Au fond, on distingue les traditionnelles lignes horaires et les cercles représentant les différentes déclinaisons du soleil. Cette partie est agrandie sur la photo de droite pour mieux apercevoir les tracés.

L'anneau astronomique

Nous allons terminer cette étude sur les instruments de mesure du temps version cadrans solaires par celui que, pour ma part, je considère comme le plus séduisant à bien d'un titre : pureté des formes, longue histoire, qualité de fabrication et gravure, matériaux employés (cuivre, laiton, argent, or) et enfin par sa représentation parfaite de ce que nous avons vu plus haut, les coordonnées horaires.

Cet instrument, c'est l'anneau astronomique, devenu plus tard anneau équinoxial.

Son histoire commence avec le plus grand astronome de l'Antiquité, Hipparque de Nicée (ou Hipparque de Rhodes, premier quart du IIe siècle après 127 avant J.-C.).

Vers 150 av. J.-C. il invente la sphère armillaire, instrument qui ressemble à celui que nous voyons ci-dessus à gauche. Mais la sienne atteint deux à trois mètres de diamètre. Elle est composée d'un assemblage de cinq anneaux (les armilles). Les deux premiers : l’écliptique et le méridien contenant les solstices (colure), se coupent à angle droit. Deux cercles mobiles autour de l’axe perpendiculaire au centre de l’écliptique sont reliés au colure (l’un à l’extérieur, l’autre à l’intérieur). Ces quatre anneaux portent la graduation babylonienne, introduite en Grèce par Hipparque : 360 degrés, chacun d’eux étant subdivisé, compte tenu du système sexagésimal mésopotamien, en 60H de 60J. Un cinquième anneau, enfin, portant deux pinnules (voir image de droite) aux extrémités de son diamètre, s’inscrit dans le cercle intérieur au colure et pivote dans son plan. Un cadre soutient l’ensemble du montage qui tourne sur deux chevilles latérales, celles-ci perçant l’anneau du colure aux pôles célestes. Le système permet de mesurer les coordonnées écliptiques des astres : longitudes célestes des astres, obtenues par le déplacement des anneaux reliés au colure ; latitudes, par visées au moyen de l’anneau-alidade. C'est plus un instrument d'observation qu'un instrument de mesure du temps, mais le ver est dans le fruit.

Il y reste jusqu'au XVe siècle où un autre astronome, Allemand cette fois, Johannes Müller, dit Regiomontanus (1436-1476) décrit en 1471 une sphère armillaire équatoriale (annulus sphaericus) composée de trois anneaux. Un dernier astronome, le Hollandais Gemma Frisius (1508-1555), en 1534, publie son Usus annuli astronomici qui fixe les normes de fabrication de l'anneau astronomique.

D'abord à trois anneaux (représentant de l'extérieur vers l'intérieur : méridien, équateur, déclinaison) les anneaux astronomiques vont, pour des facilités de conception, devenir anneaux équinoxiaux avec deux anneaux (méridien, équateur) et règle graduée (axe du monde).

L'anneau ci-dessus à gauche, conçu par Paul d’Albert de Luynes et fabriqué par Jacques-Nicolas Baradelle pour son Éminence Monseigneur le Cardinal de Luynes, Archevêque de Sens vers 1760-1774 est une petite merveille du genre.

On ne manque pas de remarquer la similitude entre la photo et le dessin en ce qui concerne les armilles (anneaux) et les cercles.

Celui de droite, Anneau équinoxial, ne comporte que deux anneaux, l'anneau des déclinaisons ayant été remplacé par une règle graduée. On peut voir, au centre de la règle un curseur mobile comportant, au centre, une ouverture par laquelle pénètre la lumière du soleil.

Le fonctionnement de ces anneaux est, théoriquement simple. L'instrument est suspendu verticalement par un crochet ou un anneau (bélière) après que la latitude du lieu ait été réglée en faisant glisser l'anneau extérieur gravé en degrés dans la bélière.

L'anneau intérieur est positionné parallèlement à l'équateur (voir figure de droite). Cet anneau comporte des graduations horaires.

La règle centrale comporte des graduations correspondant aux jours des mois. Elle doit être orientée Nord Sud. On distingue d'ailleurs sur la photo du bas les lettres N et S.

Il suffit maintenant tourner l'instrument sur lui-même de façon à ce que la lumière du soleil pénètre par l'orifice du curseur et vienne frapper le cercle équatorial sur lequel on peut lire l'heure.... sauf midi parce qu'à ce moment la lumière du soleil frappera la partie externe de l'anneau équatorial qui l'empêchera de pénétrer par le trou du curseur. On verra donc tout simplement l'ombre de l'anneau sur l'œilleton du curseur.

Comme maintenir l'instrument dans la bonne position était délicat, des anneaux sur piétement furent conçus.

Clin d'œil : de la chine à la lune

On trouve le gnomon aussi bien en Chine dès 2 600 av. J.-C. que sur la lune lors de la mission Apollo XVII pour déterminer la position des échantillons et calibrer les instruments. On distingue une charte photographique sur le bras gauche.

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