Vous avez dit "saison" ?

En guise d'introduction

En réglant le problème de la dérive de la date de Pâques, la réforme grégorienne a, du même coup, calé les saisons sur des périodes identiques d'une année à l'autre. La durée moyenne de l'année grégorienne est pratiquement identique à celle de l'année tropique.

Encore faut-il, pour mieux comprendre de quoi on parle, savoir ce qu'est exactement l'année tropique et ce que nous entendons par saison(s) :

Parle-t-on de la même chose quand on dit «ce n'est pas un temps de saison», «la saison des fraises». Pire, quand on regarde un almanach des postes et qu'on lit pour 2007 «été : le 21 juin à 18h 06», on est en droit de se demander ce qui se passe ce jour là à cette heure là pour qu'on puisse affirmer qu'on est passé du printemps à l'été.

Pour ma part, j'ai beau regarder autour de moi le 21 juin, je ne vois aucune différence entre ce jour et la veille. Il ne se passe pas plus de choses entre le 20 et le 21 juin qu'il ne s'en passe dans une boite de petits pois entre la veille et le jour de la date limite de consommation indiquée sur le couvercle.

Au fil de notre étude, nous allons essayer de savoir à quoi correspondent ces dates si précises des quatre saisons notées sur les calendriers, de vérifier si ces 4 saisons constituent bien l'année tropique, de savoir à quoi correspondent les saisons au sens où nous l'entendons dans la vie quotidienne et de faire un tour de la planète pour savoir si ces 4 saisons se retrouvent dans tous les pays et contrées.

Les saisons astronomiques

À tout seigneur tout honneur. Puisque ce site est consacré au temps et aux calendriers, prenons notre almanach du Facteur 2007. Nous y lisons que le 21 mars à 0h7m UT, c'est le printemps, que le 21 juin à 18h6m UT, c'est l'été, que le 23 septembre à 9h50m UT, ce sera l'automne et que le 22 décembre à 6h7m UT, ce sera l'hiver.

Et nous nous posons les questions suivantes :

C'est l'astronomie qui va nous aider à répondre à ces questions.

Non, non !! Ne partez pas !! Je ne suis pas plus astronome que vous. Aussi, nous allons faire simple sans nous gargariser plus qu'il ne faut de termes astronomiques et de calculs compliqués. Notre seul but est de comprendre ce que sont ces saisons dont nous parle notre calendrier. On y va ?

Bienvenue donc à ceux qui restent et poursuivent la lecture de cette page. Nous allons essayer d'avancer étape par étape.

Et nous noterons tout de suite que toutes les dessins de cette page sont faux en ce qui concerne les proportions.

Première étape : révolution et excentricité

La Terre tourne autour du Soleil sur un plan, dans le sens direct (sens inverse des aiguilles d'une montre), en une année.

Plusieurs précisions doivent être apportées à cette phrase :

1) En fait, ce n'est pas la Terre prise en son centre qui se déplace sur le plan de l'écliptique (ligne blanche pointillée) mais bien le centre de gravité du système Terre-Lune.

Ce centre de gravité Terre-Lune est appelé barycentre et se situe à environ 4 700 km du centre géométrique de la Terre, sur une ligne imaginaire joignant le centre de la Terre et le centre de la Lune.

Cela crée un balancement du mouvement terrestre, de l'avant à l'arrière, durant chaque cycle lunaire (ligne jaune continue dans le diagramme de gauche).

Le rapport de masse du système Terre-Lune est de 81 : 1, le centre de gravité du système Terre-Lune est donc 81 fois plus éloigné du centre de la Lune que du centre de la Terre.

Notons qu'il est souvent considéré que le centre de la Terre se situe au niveau du barycentre Terre-Lune. Cette approximation peut avoir quelquefois des conséquences non négligeables quant aux dates et heures de certains événements astronomiques. Nous en reparlerons un peu plus bas.

2) La révolution de la Terre autour du Soleil ne se fait pas selon un cercle mais selon une ellipse

Toute ellipse comporte deux foyers qui sont situés sur son grand axe appelé ligne des apsides. Le Soleil occupe un de ces foyers.

Plus la distance entre les foyers (appelée distance focale) est grande et plus l'ellipse est aplatie. Le rapport de cette distance par rapport à la longueur du grand axe est le coefficient d'excentricité. Donc, e = distance focale / longueur du grand axe. Elle varie entre 0 et 1 et le degré d'aplatissement de l'ellipse est d'autant plus grand que e se rapproche de zéro comme on peut le voir dans l'image ci-dessous.

En ce qui concerne la Terre, l'excentricité de son orbite était de 0,0167086342 au 1 janvier 2000 (elle varie entre 0 et 0,07 par cycle de 95 000 ans). C'est dire à quel point la première image de cette page était plus proche de la réalité.

Quoi qu'il en soit, le fait que l'orbite du barycentre Terre-Lune soit elliptique fait que la distance entre la Terre et le Soleil présente une valeur minimale (le périhélie) et une valeur maximale (l'aphélie). Ces distances valent actuellement respectivement 147 100 000 km et 152 100 000 km environ.

Le passage de la Terre au périhélie se produit actuellement au début du mois de janvier et son passage à l'aphélie au début du mois de juillet*. Non, non, ce n'est pas une erreur : au moment où les jours sont des plus chauds dans notre hémisphère, la distance Terre-Soleil est à son maximum.

* La Terre est passée à son aphélie le 6 juillet 2007 à 23h 52m UTC soit le 7 juillet à 1h 52m TLF (temps légal français). La distance Terre-Soleil était alors de 152 097044,24 km. Source IMCCE.

3) Nous avons dit au début de cette étape que la révolution de la Terre autour du Soleil se faisait en une année.

C'est vrai mais il existe plusieurs types d'années. Le principe est toujours le même et simple : on prend comme point de départ un instant remarquable dans la position de la Terre et on décompte le temps qu'il faut pour que cet position se retrouve.

D'après ce que nous venons de voir jusqu'à maintenant, nous pouvons déjà en définir deux.

a) L'année sidérale : c'est l'intervalle de temps qui sépare deux passages de la Terre dans une même direction fixe (par rapport aux étoiles) . Sa durée est égale à 365,2566 jours (soit 365 jours 6h 9m 10s).

Notons cependant que :

b) L'année anomalistique : on va, cette fois, prendre pour repère le passage du barycentre Terre-Lune sur le périhélie. La durée de l'année anomalistique correspond au temps écoulé entre deux passages. Quelle est cette durée ?

La première réponse qui vienne à l'esprit est qu'elle serait égale à celle de l'année sidérale.

Mais, la Terre n'est pas seule dans le système solaire et les autres planètes et la masse du Soleil font que... la ligne des apsides tourne lentement et dans le même sens que la rotation de la Terre.

La conséquence de ce mouvement est que le périhélie d'une année survient plus tard que celui de l'année précédente.

Du coup, l'année anomalistique est plus longue que l'année sidérale. Elle est actuellement de 365,2596 jours (soit 365 jours 6h 13m 53s).

Avant d'en terminer avec cette étape de notre découverte des saisons pointées dans notre almanach du Facteur 2007, accordons nous un petit bonus qui nous servira plus tard et dont nous avons déjà parlé dans notre page sur les notions d'astronomie :

Selon la deuxième loi de Képler, la durée entre P1 et P2 est égale à celle entre P3 et P4. En d'autres termes, la Terre se déplace moins rapidement quand elle est loin du Soleil.

À l'aphélie, sa vitesse est d'environ 29,3 km/s contre 30,3 km/s au pérahélie. Cette variation de vitesse de rotation de la Terre aura son importance pour définir l'année tropique.

Deuxième étape : rotation et obliquité

Ce n'est un secret pour personne, la Terre tourne sur elle-même autour d'un axe (axe des pôles) dans le sens inverse des aiguilles d'une montre d'ouest en est. On peut aussi définir un plan équatorial terrestre qui est le plan perpendiculaire à l'axe des pôles et passant par le centre de la Terre. Par conséquent, l'intersection de ce plan avec la Terre est l'équateur terrestre.

L'axe des pôles est-il perpendiculaire au plan de l'écliptique ? La réponse est NON, ce qui nous fait nous approcher de la notion de saison astronomique que nous cherchons à comprendre.

L'axe des pôles (et donc le plan équatorial terrestre) est actuellement incliné de 23°26' (23,45°) par rapport au plan de l'écliptique : c'est l'inclinaison écliptique ou obliquité.

Si nous nous souvenons de nos leçons de géométrie dans l'espace, nous savons que deux plans qui se coupent forment une ligne. Concernant le plan de l'écliptique et le plan équatorial terrestre, cette ligne est la ligne des équinoxes.

Une parenthèse : la précession

Parce que c'est dans le calendrier des postes que nous avons trouvé 4 dates correspondant aux saisons que nous essayons de comprendre, parce que ce calendrier dure une «année tropique» et que cette durée prend en compte un phénomène précis, il nous faut bien en parler un peu. Parlons donc de la précession. Et oublions un autre phénomène qui porte le nom de nutation (voir la page astronomie pour faire sa connaissance).

Si nous regardons l'image ci-dessus, nous notons l'inclinaison écliptique entre l'axe des pôles et la perpendiculaire au plan de l'écliptique. En revanche, ce que nous ne voyons pas, c'est que le premier tourne autour du second. Nous n'allons pas entrer dans les détails du pourquoi de cette lente rotation (26 000 ans) qui ont pour nom Soleil, Lune... Mais nous allons noter que cette rotation se fait dans le sens des aiguilles d'une montre, qu'un jour lointain l'étoile polaire ne sera plus dans le prolongement de l'axe des pôles et, surtout (du moins pour nous dans le cadre de cette étude), que la ligne des équinoxes tourne lentement sur le plan de l'écliptique. Les choses sont bien faites puisque ce mouvement a pour nom... précession des équinoxes.

Troisième étape : les saisons «astronomiques»

Avant d'oublier, notons une bonne fois pour toutes que ce qui va suivre sur les «saisons» concerne l'hémisphère nord et qu'il faut inverser les choses (longueur des jours, ensoleillement) dans l'hémisphère sud.

Oublions un instant, sans grandes conséquences pour ce qui nous concerne que le barycentre Terre/Lune n'est pas au centre de la Terre et faisons comme si. De nos constatations précédentes, nous pouvons retenir que, du fait de l'obliquité, le plan de l'écliptique (par rapport au centre de la Terre) et le plan équatorial se coupent sur la ligne des équinoxes.

Nous pouvons facilement repérer quatre points sur l'ellipse que constitue l'orbite terrestre :

- les deux premiers lorsque la ligne des équinoxes passe par le centre du Soleil. Lorsque le point de cette ligne situé sur la surface terrestre se trouve entre le centre du Soleil et le centre de la Terre, c'est l'équinoxe de mars. Ce point a aussi pour nom point vernal (symbolisé par la lettre gamma), ce qui a pour intérêt de polariser la ligne des équinoxes. On parle aussi souvent d'équinoxe de printemps, terme très ambigu qui se rapporte directement à l'hémisphère nord (ou boréal) alors que pour les populations de l'hémisphère sud (ou austral) c'est l'équinoxe... d'automne.

Et, puisqu'on y est, l'équinoxe de septembre (ou équinoxe d'automne) se produit lorsque la ligne des équinoxes passe par le centre du Soleil dans le sens Soleil-Centre de la Terre-Point vernal.

- les deux autres lorsque le segment Terre-Soleil est perpendiculaire à la ligne des équinoxes. À ce moment, un des deux pôles terrestres se trouve orienté de façon maximale par rapport au Soleil. Si c'est le pôle nord, nous avons affaire au solstice de juin (ou solstice d'été dans l'hémisphère nord. Si c'est le pôle sud, c'est le solstice d'hiver.

Schématisons ce que nous venons de voir :

Mars, juin, septembre, décembre, ça ne vous dit rien ? Oui, justement. Ce sont bien les mois que nous avions repérés dans notre almanach des postes. Donc, deux dates correspondent aux deux équinoxes et deux autres aux deux solstices.

Il ne nous reste plus qu'à nous demander ce qui se passe lors de ces quatre dates et ce qui se passe entre elles pour savoir, d'une part, ce que sont les saisons astronomiques et, d'autre part, ce qui se passe à ces occasions dans notre calendrier.

Quatrième étape : caractéristiques des saisons astronomiques

Caractéristique 1

Regardons de près les quatre images de la Terre dans l'image ci-dessus. Je sais, c'est un peu petit mais comme la géométrie 3D n'a pas de secrets pour nous, on va s'en sortir. Les mirauds peuvent aller voir de plus près sur la page astronomie du site.

Tout cela étant expliqué en long et en large dans la page astronomie, nous allons conclure en disant que la première des caractéristiques des saisons astronomiques est la longueur des jours. Caractéristique d'ailleurs relativement peu importante par rapport à notre sujet «saisons».

Caractéristique 2

Cette caractéristique est la hauteur maximale du Soleil au-dessus de l'horizon qui a pour conséquence directe une différence d'ensoleillement selon les périodes de l'année. Tout le monde a remarqué que plus le Soleil est haut dans le ciel, plus il nous tape sur la tête et plus il fait chaud.

On appelle éclairement énergétique l'intensité de l'énergie que le rayonnement solaire apporte à un point de la Terre ou de l'atmosphère terrestre. Elle se mesure en W/m2.

Et, plus le Soleil est bas sur l'horizon, plus la surface chauffée par un même faisceau de lumière (ayant donc le même éclairement énergétique) est importante. Et plus cette surface est importante... moins il fait chaud.

Il ne faut pas perdre de vue que la durée des jours n'est pas responsable des apports énergétiques aux différentes saisons. Seule l'incidence des rayons solaires a une importance et, par conséquent, la hauteur du Soleil qui dépend de l'obliquité de l'axe des pôles.

Comme nous pouvons le constater la distribution de ce qu'on peut appeler le «flux solaire» varie selon les saisons astronomiques et elle ressemble à ce qui est représenté dans l'image ci-dessous (en haute atmosphère pour ne pas tenir compte des phénomènes d'albédo et/ou d'absorption atmosphérique) .

Pour terminer, nous allons découper la Terre (hémisphère nord seulement ; pour l'hémisphère sud les courbes doivent être inversées) en tranches tenant compte de l'obliquité et tracer quelques courbes pour chaque tranche en notant la durée du jour et la hauteur du Soleil aux différentes périodes de l'année en fonction des repères saisonniers fournis par les calculs astronomiques. Encore une fois, n'oublions pas que la durée des jours n'a pas une grosse incidence directe sur les saisons.

A) la découpe

L'équateur est à zéro degré de latitude. À 23,27° de latitude (qui correspond à l'obliquité), on trouve le tropique du cancer pour une latitude positive et le tropique du capricorne pour une latitude négative.

À 90° de latitude, on trouve les pôles. À 90° - 23,27° = 66,32° de latitude positive ou négative, on trouve respectivement les cercle polaire arctique et cercle polaire antarctique.

B) les tranches
Localisation Hauteur Soleil Durée du jour
1 Au pôle Nord
2 Entre le pôle et le Cercle polaire
3 Au cercle polaire arctique
4 Entre le Cercle polaire et le tropique du Cancer
5 Au tropique du Cancer
6 Entre le tropique du Cancer et l'équateur.

On constate que ce n'est pas au solstice d'été que le Soleil est à sa hauteur maximum.
7 À l'équateur.

On constate que ce n'est pas au solstice d'été que le Soleil est à sa hauteur maximum.

Nous allons commenter ces courbes quand nous évoquerons la nécessité de la mention des saisons dans le calendrier (après tout, ce site est consacré aux calendriers) que nous utilisons tous les jours.

Mais, avant, nous allons nous poser une question qui est celle de la longueur de l'année.

Cinquième étape : quatre saisons font une année

La durée d'un cycle de saisons composé de deux équinoxes et de deux solstices porte le nom d'année tropique et correspond à une année de notre calendrier.

Notons au passage, sans insister parce que ce n'est pas important pour notre vie quotidienne, que les saisons n'ont pas la même durée dans une même année et d'une année à l'autre.

De combien est la durée d'une année tropique ? Nous ne parlons, bien entendu, que de durée moyenne et non de durée réelle.

On est tentés de dire que cette durée est celle de l'année sidérale, soit 365,2566 jours. Mais, il ne faut pas oublier le phénomène de précession des équinoxes qui fait que l'année tropique est en fait plus courte que l'année sidérale puisque pour l'époque J2000 sa durée est de 365,2422 jours.

Autre problème : comment définir l'année tropique ? Dire que c'est la durée d'un cycle de 4 saisons est quand même un peu léger.

On a souvent lu (et on lit encore, même sur le site de l'IMCCE !) que l'année tropique est l'intervalle de temps séparant deux passages successifs du Soleil à l'équinoxe de printemps (ou équinoxe vernal).

Mais, comme nous l'avons vu, la vitesse de la Terre, du fait de la deuxième loi de Kepler, n'est uniforme tout le long de son orbite. Du coup, la durée de l'année tropique est variable selon l'origine choisie. Par exemple,

Origine durée de l'année
Équinoxe vernal 365,2424
Solstice d'été 365,2416
Équinoxe d'automne 365,2421
Solstice d'hiver 365,2427
Moyenne 365,2422

La moyenne des valeurs correspond bien à la durée moyenne de l'année tropique. Mais, on ne peut pas employer une définition faisant référence à l'équinoxe vernal et l'affubler de la valeur moyenne.

Selon l'IMCCE, la définition de l'année tropique moyenne est "le temps que met la Terre pour faire une révolution autour du Soleil dans un repère tournant lié à la ligne des équinoxes, c'est donc la période liée à la différence entre la longitude moyenne du Soleil et la précession des équinoxes". Euuuhhh... voui.... très clair.

Des «saisons» astronomiques aux saisons climatiques : pour en finir avec les saisons astronomiques

Que ce soient notre almanach du facteur ou les différents médias (journaux, TV...), on nous présente les dates aux environs des 21 mars, 21 juin, 21 septembre et 21 décembre comme si elles étaient les dates officielles et universelles des différentes saisons. Notre calendrier des postes sous le bras, allons expliquer à un Nuer d'Afrique ou à un Inuit de l'Arctique qu'il y a quatre saisons qui débutent aux dates indiquées dans ce calendrier. Doutons qu'ils ne nous rient pas au nez.

À part être un amateur d'astronomie (et tout le monde ne l'est pas, loin de là), pourquoi vouloir nous faire croire que l'été commence le 21 juin, l'automne le 21 septembre etc. ? La seule chose qui existe à ces dates, ce sont deux solstices et deux équinoxes.

On a vu que la seule caractéristique des «saisons» astronomiques est la hauteur du Soleil. C'est aussi réducteur que de vouloir connaître une automobile en étudiant seulement son moteur. Ce qui nous intéresse nous, pas forcement fanas d'astronomie, c'est qu'on puisse retrouver d'une année à l'autre, en un même lieu, une certaine homogénéité des tendances du temps (températures, pluviométrie, ensoleillement) et considérer que nous sommes, à ce moment précis, au printemps, en été, etc.

Bref, notre vie de tous les jours est immergée dans des saisons climatiques et on nous assène des saisons astronomiques.

Certes, c'est plus facile de ne considérer qu'une donnée du phénomène saison (la hauteur du Soleil) en oubliant tous les autres phénomènes que l'activité solaire induit comme la circulation atmosphérique et les contrastes thermiques, l'albédo planétaire, l'absorption atmosphérique et bien d'autres.

Certes, c'est plus facile de «baliser» les saisons à la minute près mais qu'est-ce qui empêche de déterminer des dates fixes pour le début des saisons dans un lieu (ou pays) donné ?

Pourquoi nos calendriers ne sont-ils que des éphémérides qui nous donnent des indications astronomiques comme le lever, le coucher du Soleil et de la Lune, les dates et heures des solstices et des équinoxes ?

Il est grand temps de rendre aux saisons climatiques la place qu'elles méritent et de cesser de nous laisser abreuver avec des notions purement théoriques.

Puisque notre calendrier est muet sur le sujet, disons deux mots sur les saisons climatiques, plus proches de nous et de notre vie quotidienne.

Selon Méteo France, "Une saison est une partie de l'année au cours de laquelle la conjonction de facteurs astronomiques et environnementaux assure une régularité bien caractérisée aux variables et phénomènes météorologiques concernant une région donnée, et y suscite des processus biologiques, économiques et sociaux dépendants de cette régularité."

Et, de manière générale, les saisons climatiques se répartissent comme suit : printemps (pour l'hémisphère Nord) = mars, avril,mai ; été = juin, juillet, août ; automne = septembre, octobre, novembre ; hiver = décembre, janvier, février.

Ce découpage, valable dans les régions tempérées, n'est pas forcement le meilleur sous d'autres latitudes ou dans des régions intérieures des continents. Ce sont ces variations qui permettent à François Durand-Dastes, professeur de géographie à l’université de Paris VII, d'écrire que " dans chaque lieu, il existe une succession de saisons, qui constitue son climat. Ces combinaisons peuvent être classées selon deux critères : la nature de l'opposition principale entre les saisons (saisons essentiellement thermiques ou essentiellement pluviométriques), et la vigueur de cette opposition. "© Encyclopædia Universalis 2006..

Bien que nous recherchions des périodes de l'année au cours desquelles on peut trouver une certaine homogénéité des tendances du temps, il nous faut bien dire deux mots, sans entrer donc dans le détail, de la classification des climats justement fondée sur les notions de pluviométrie ou de température.

La classification de Köppen

Wladimir Köppen, vers le crépuscule de sa vie
Wladimir Köppen, vers le crépuscule de sa vie © St. Petersburg State University Library Marina Karpova

C'est entre 1900 et 1936 que Vladimir Peter Köppen (météorologue, climatologue et botaniste allemand né à Saint-Petersbourg le 25 septembre 1846, et décédé à Graz, Autriche, le 22 juin 1940) élabore puis améliore son système de classification. Après sa mort, son travail va être poursuivi par Rudolph Geiger (1894-1981) avec lequel il avait coopéré à la rédaction d'un manuel de climatologie en cinq volumes (Handbuch der Klimatologie).

Pour ceux qui veulent en savoir plus sur Vladimir Köppen, c'est ici et pour tout savoir ou presque sur le système de classification et les cartes, c'est ici.

Le système utilise cinq (une sixième a été rajoutée après la création de la classification) lettres pour diviser le monde en cinq (six) régions climatiques principales basées sur les précipitations annuelles moyennes, les précipitations mensuelles moyennes et les températures annuelles moyennes. Cette première lettre donne le type de climat.

Chacun de ces cinq (six) types est ensuite divisé en sous-catégories basées respectivement sur les températures et les précipitations.

Une région du monde peut donc être classifiée par deux ou trois lettres. Voyons un tableau succinct des combinaisons possibles

Quelques précisions pour comprendre le tableau :

Les combinaisons :

et une carte sommaire de la classification des régions du monde

De la classification climatique aux «saisons écologiques»

Sans tenir compte d'autres facteurs que ceux liés à la pluviométrie et aux températures, nous en arrivons avec la classification Köppen à une multitude de combinaisons possibles. Si on y ajoute d'autres facteurs comme la couverture nuageuse ou le vent, les choses se compliquent encore.

Il suffit pourtant qu'une de ces combinaisons se reproduise régulièrement sur une durée assez longue pour qu'elle devienne pour les autochtones une «saison» possible.

Qu'est-ce qui va faire qu'une saison peut être considérée comme telle ? Oublions un peu nos pratiques actuelles qui accordent plus d'attention aux événements sociaux qu'aux événements séquentiels de la nature et regardons ce qu'il en est (ou a été) à une période ou le calendrier n'existait pas encore sous sa forme actuelle et ou il fallait quand même se repérer dans l'année.

Nous n'allons prendre que quelques exemples mais j'avoue qu'il serait intéressant de recenser les saisons dans le monde (noms et nombre) et de les superposer à la classification climatique.

En attendant cet inventaire contentons nous d'essayer de comprendre le pourquoi du nombre et de l'existence de quelques cycles saisonniers ici ou là dans le monde.

Les saisons dans le monde

Je signale que la plupart des exemples qui suivent sont tirés du livre de Martin P.Nilsson, Primitive time-reckoning qui, bien que datant de 1920, est une mine de renseignements.

Nous sommes maintenant habitués aux saisons longues (trois mois) et régulières qu'à fini par nous imposer une vision purement astronomique. Mais, il a existé et il existe encore beaucoup de «saisons courtes». Elles sont d'une extrême importance puisque ce sont celles qui ont permis, en l'absence de calendrier comme nous en avons parlé, de se repérer dans le temps aussi bien pour les activités quotidiennes (agriculture, chasse pêche...) que pour les relations sociales (date de naissance, fêtes...)

Les Indiens Hidatsa (partie supérieure du fleuve Missouri) donnent le même nom à ces périodes courtes qu'aux périodes saisonnières plus longues : kadu.

Ceux qui ont lu la page consacrée au calendrier d'Hésiode ne doivent pas être trop surpris de l'existence de ces périodes plus ou moins courtes et en prise directe avec la nature. Souvenons-nous, par exemple, du temps des semailles quand on entend le cri de la grue. Souvenons-nous aussi que certaines tâches agricoles ont comme point de repère des événements astronomiques comme les vendanges quand Sirius et Orion sont au plus haut dans le ciel.

Ces déterminations du temps à partir de phénomènes naturels sont encore vivaces dans la paysannerie actuelle. Par exemple, en Scanie (extrémité sud de la Suède) l'orge est semée quand l'aubépine est en fleur. Les Esquimaux, eux, disent que telle ou telle personne est née quand les phoques étaient chassés ou les œufs de el ou tel oiseau éclos.

Certes, tous ces événements naturels ne vont pas donner lieu à l'existence d'une saison mais ils vont y contribuer largement s'ils se reproduisent régulièrement, s'ils ont une durée relativement longue, s'ils sont liés à des conditions climatiques remarquables et s'ils constituent des phénomènes fondamentaux qui, pour une raisons ou une autre, attirent l'attention des individus concernes. Ils vont ainsi quelquefois contribuer à la découpe de «saisons longues» en périodes plus courtes.

Comme l'écrit Nilsson, "les phénomènes naturels à partir desquels les saisons sont définies et nommées varient selon la latitude, la nature du pays et le mode de vie" (ex : peuples vivant de l'agriculture, de la chasse ou de l'élevage)

Si on devait décompter le nombre de saisons «de base», ce serait sans nulle doute le deux qui l'emporterait. Saison chaude, saison froide. Saison sèche ou de mousson sèche, saison humide ou de mousson humide. Et même, quelquefois, saison des bourrasques de vent et saison calme comme aux Îles Marshall.

Bien entendu, ces périodes fondamentales sont sujettes à fluctuation et donnent naissance à des périodes de transition. De plus, il peut y avoir plusieurs périodes identiques (de pluie par exemple) qu'il faut répertorier.

En combinant toutes ces caractéristiques possibles on en arrive à une multitude de saisons écologiques possibles qui peuvent varier de deux à... neuf au moins. Voyons-en quelques unes.

Deux saisons

Trois saisons

Quatre saisons

Même si leur nombre est identique à celles des saisons astronomiques, elles s'en différencient par leur début et leur durée.

Cinq saisons

Six saisons

Huit saisons

Inuits (régions arctiques de la Sibérie et de l'Amérique du Nord. Voir la page consacrée à leur calendrier pour plus d'informations) : Ukiuq (hiver) ; Upirngaksajaaq (Vers le premier printemps) ; Upirngaksaaq (Le premier printemps) ; Upirngaaq (printemps) ; Aujaq (été) ; Ukiatsajaaq (vers l'automne) ; Ukiaksaaq (automne).

Neuf saisons

Tribu Shilluk (Soudan) : yey jeria (reculte du dura rouge) ; anwoch (fin de récolte) ; agwero (récolte dura blanc) ;wudo (poursuite de la récolte) ; leu (saison chaude) ; dodin (pas de travail dans les champs) ; dokot (début des pluies) ; shwer (plantation dura rouge) ; doria (début de la récolte). Heuuu... c'est quoi le dura ??

En guise de conclusion

Alors, vous avez dit «quatre saisons» ? Cyrano aurait répondu "Ah ! non ! c’est un peu court, jeune homme ! "

Nos pages à ne pas manquer