Date et origine du Mawlid

Dates d'Al Mawlid

Al Mawlid est prévu aux dates suivantes :

La date peut être décalée d'une journée, selon la prise en compte ou non du croissant de lune marquant le début du mois.

Al Mawlid

Aussi orthographié : Maoulid , Mouloud, Mawloud , Maouloud, Maoulide, Mouled.

La fête du Mawlid an-nabaoui ou Naissance du Prophète est célébrée le 12 rabîʿ al awal (troisième mois du calendrier musulman). Absente des textes canoniques, car elle ne se fonde ni dans le Coran ni dans la Sunna, tradition prophétique, l’anniversaire de Mohamed n’a jamais été célébré de son époque, ni par ses compagnons, ni par les musulmans des premiers siècles.

Une fête et des pratiques « controversées »

Fête extra-canonique et tardive, la commémoration du Mawlid serait d’inspiration chiite. Elle a vu le jour au sein de la cour des califes fatimides (909-1174), chiites appartenant à la branche ismaélienne. Cette célébration palatine entre dans le cadre des six mawlids qui commémorent Ahl al bayt (proches du Prophète). En plus de la naissance du Prophète, les Fatimides célèbrent aussi les naissances de Fatima (fille du Prophète, épouse de ʿAli qui est aussi le cousin du Prophète), de ʿAli (cousin et gendre du Prophète et époux de Fatima), d’al Hasan (fils de Fatima et ʿAli et petit fils du Prophète) et enfin d’al Husayn (fils de Fatima et ʿAli et petit fils du Prophète).

La fête du Mawlid est absente des livres des ʿibâdât (études sur les pratiques cultuelles). La première mention de sa célébration daterait du XIIe siècle. D’après le théologien et juriste Ibn Khallikan (1211-282) et l’historien Ibn Kathîr (1301-1373), cette fête fut instaurée bien plus tard, vers 1207, par Moudhaffar ad-Din Gökburi (m.1233), prince d’Erbil (ville du Kurdistan actuel) et beau-frère de Salâh ad-Dîn, Saladin, qui organisait tous les ans une fête caractérisée par une procession de cierges, un grand banquet et une grande veillée religieuse.

Néanmoins cette pratique a engendré de nombreuses controverses et continue encore à susciter des divergences au sein des savants musulmans. Pour les opposants, elle relève d’une bidʿa, innovation blâmable, qui intègre des pratiques polythéistes comme l’imploration du secours du Prophète mais aussi des pratiques réprouvées comme le chant dans les cérémonies qui accompagnent la fête. Par ailleurs cette commémoration s’appuie sur une date n’ayant aucun fondement du point de vue historique. L’année de la naissance du Prophète est fort controversée. Les historiens ont répertorié de nombreuses dates différentes renvoyant à la naissance du Prophète.

Le 20e siècle verra son officialisation. Depuis 1910, il est devenu fête nationale dans l’Empire ottoman. Dans la grande majorité des pays musulmans, c’est un jour férié et une cérémonie officielle, à laquelle assiste le chef du gouvernement, est célébrée dans l’une des mosquées de la capitale.

Poèmes, pèlerinages et processions

Il n’y a pas de prière spécifique à cette fête comme celle de ʿÎd al-Fitr ou ʿÎd al-Adhâ. Néanmoins des rencontres et des conférences, qui rappellent la vie du Prophète, sont organisées au sein des mosquées ou des zaouias (édifice religieux musulman tenu par une confrérie). Au centre de ces cérémonies se situe la récitation d’un mawlid. La célébration du Mawlid met à l’honneur des poèmes relevant du genre littéraire arabe le panégyrique, al madh. En référence à cette fête, on les appelle aussi mawlidiyyat (sing. mawlidiyya, poème composé en l’honneur du Prophète à l’occasion de l’anniversaire de sa naissance). Ces récits suivent généralement une même séquence : louanges à Dieu comme introduction, invocations, avant de passer à la naissance du Prophète qui est précédée d’un récit de l’annonce miraculeuse faite à sa mère, Âmina qu’elle porte en son sein un Prophète.

L’un des poèmes les plus connus est Qasidat al-Burda (Le poème du manteau), écrit sous la plume de Sharaf Muhammad al-Din al-Busîri (1211-1294) à la gloire du Prophète. Al Busîrî était atteint de paralysie quand il vit le Prophète en rêve plaçant son manteau sur les épaules ; quand il s’éveilla il était guéri de son mal. Il est de coutume de réciter ce burda, ou « poème du Manteau » d’al Busîrî qui se compose de dix chapitres, dans les mosquées pendant le Mawlid. Au Sénégal, où ce poème s’appelle Bourdou, on déclame un chapitre de ce poème durant les dix jours qui précèdent al Mawlid.

L’un des mawlids en arabe les plus largement récités actuellement est celui qu’a composé Jaʿfar b. Hasan al-Barzanjî (m.1119/1765) connu sous le titre ʿÎqd al-jawâhir. Le plus populaire des mawlids en turc (appelé Mevlid) est celui de Süleymân Celebi (m.825/1421) qui est toujours récité dans les mosquées de toute la Turquie lors de la célébration de l’anniversaire du Prophète. On retrouve ces récits dans les différents pays musulmans où le Mawlid se décline en plusieurs langues : arabe, peul, persan, wolof, bengali, swali, albanais…

C’est au sein des différentes confréries rattachées au soufisme (mystique musulmane) que la commémoration du Mawlid à une place de choix. À part les chants et les danses, cette fête s’accompagne aussi de pèlerinages et de processions. C’est le cas de la confrérie Tijâniyya répandue au Maghreb (Maroc et Algérie) et en Afrique subsaharienne (Sénégal et Mali). Considérée comme l’une des villes saintes de ce mouvement mystique au Sénégal, la ville de Tivaoune attire lors d’al Mawlid de nombreux disciples de la Tijâniyya pour commémorer la naissance du Prophète. Le terme gamou qui désigne en wolof le mois de rabîʿ al awal renvoie aussi au pèlerinage d’al Mawlid. Ici cette date inclut la célébration du Mawlid mais c’est aussi la réunion annuelle de ses membres.

La ville de Salé au Maroc est connue pour son moussem (fête annuelle qui associe une célébration religieuse à des activités festives et commerciales) des cierges de Moulay Abdallah Benhassoun qui a lieu lors du Mawlid. Cette tradition remonte au règne du Sultan saâdien Ahmed El Mansour Addahbi (1578-1603), qui lors de son séjour en Turquie avait été très impressionné, par les festivités marquant al Mawlid an-nabaoui, particulièrement par la procession des cierges. Il décida alors de consacrer et faire valoir cette tradition ottomane d’Istanbul. Le Sultan chargera le soufi Sidi Abdellah Benhassoun (1515-1604) de veiller au bon déroulement de ce moussem, devenu par la suite l’apanage de sa descendance.

La fête du Mawlid s’exprime aussi par des mets spécifiques qui sont mis à l’honneur ce jour-là. À cette occasion ʿassîdat zgougou, (mets à base de graines d’Alep farine sucre, œufs lait eau de rose) est préparée en Tunisie alors que tamina (préparation à bases de semoule, miel et beurre) est consommée en Algérie. Au Maroc, les familles préparent un couscous qu’ils déposent devant les mosquées pour que les fidèles et les indigents installés aux abords de ces lieux puissent le partager.

Soraya El Alaoui

Références

  1. Cyril Classé, Dictionnaire encyclopédique de l'Islam, Bordas, Paris, 1991, Cf. Entrée Burdah, p. 70

  2. Michel Coirault, Les fêtes juives, chrétiennes et musulmanes, Éditions Cerf, Paris, 1986, Cf. Entrée Le Mouloud, pp. 126-128

  3. Encyclopédie de l'Islam, E. J. Brill Leyde, G.-P. Maisonneuve et Larose S.A. Paris, 1990, Cf. Entrée Mawlid, pp. 886-889, et Entrée Mawlidiyya, p. 889, tome VI

  4. Encyclopédie des religions, Universalis, 2002, Cf. Toufic Fahd, « Les pratiques musulmanes », p. 558

  5. Éric Geoffroy, Le soufisme en Égypte et en Syrie. Sous les derniers mamelouks et les premiers ottomans. Orientations spirituelles et enjeux culturels, Presses de l'Institut français du Proche-Orient, Damas, 1996

  6. Nabil Mouline, Aux origines de la fête d'al-mawlid, archive en ligne http://www.huffpostmaghreb.com/nabil-mouline/aux-origines-de-la-fete-d_b_13580398.html

  7. Nabil Mouline, l'introduction du Mawlid au Maroc, son évolution et les différentes pratiques qui lui sont associées, archive en ligne http://www.huffpostmaghreb.com/nabil-mouline/aux-origines-de-la-fete-d_b_13580398.html

  8. Procession des cierges cf. article édité par la Commune de Salé https://fr.villedesale.ma/procession-des-cierges/

Pour aller plus loin…

  1. David Robinson, Jean-Louis Triaud, La Tijâniyya. Une confrérie musulmane à la conquête de l'Afrique, Paris, Karthala, 2000
  2. Jean-Louis Triaud, « La Tidjaniya, une confrérie musulmane transnationale », Politique étrangère, vol. 4, 2010, pp. 831-842
  3. Sidi Sharafeddin Al-Boussiry, La qasida « Al Bourda », traduite de l'arabe par Silvestre De Sacy

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