Le calendrier républicain

Histoire et calendrier

Pour une fois, et contrairement aux autres pages de ce site sur les différents calendriers, nous n'allons pas commence par un brin d'histoire. Comme la naissance du calendrier républicain s'est déroulée rapidement et sur plusieurs mois, il m'a paru plus judicieux d'assister à cette naissance chronologiquement en ne la dissociant pas des autres événements.

Les prémices du calendrier républicain

Avant de prendre en marche le train de la révolution, il nous faut quand même parler d'un événement qui s'est produit en 1788 : au début de cette année-là, un certain Sylvain Maréchal publie un Almanach des Honnêtes Gens. Dans ce calendrier, les noms des saints sont remplacés par ceux de savants et hommes de lettres, «bienfaiteurs de l'humanité», à la date de leur naissance (n) ou de leur mort (m).

Portrait de Sylvain Maréchal, tiré de son livre publié en 1807 (posthume), De la vertu
Portrait de Sylvain Maréchal, tiré de son livre publié en 1807 (posthume), De la vertu © iisg.nl

Cet Almanach fait suite à deux autres publications :

Cet almanach des honnêtes gens eut-il une influence sur le futur calendrier républicain ? Difficile de le dire, mais on peut constater que le ver anticlérical était déjà dans le fruit et que le culte de la Vertu allait avoir de beaux jours devant lui.

Quant à Sylvain Maréchal (1750-1803), son Almanach fit un flop scandalisé qui lui valut trois mois de prison à Saint-Lazare. Si vous voulez en savoir plus sur lui c'est ici.

L'almanach des honnêtes gens, an premier du règne de la Raifon, mars à aoust.
L'almanach des honnêtes gens, an premier du règne de la Raifon, mars à aoust. © Médiathèque Pierre Fanlac de Périgueux
L'almanach des honnêtes gens, an premier du règne de la Raifon, septembre à février.
L'almanach des honnêtes gens, an premier du règne de la Raifon, septembre à février. © Médiathèque Pierre Fanlac de Périgueux

Recto et verso de l'Almanach des Honnêtes Gens de Sylvain Maréchal. On remarque les noms donnés au mois (...Quintile, Sextile...). La date du 15 août ne comporte aucun nom : c'était la date de naissance de Sylvain Maréchal. Modestie ou ambition ?

La naissance du calendrier républicain

De 1788, nous allons nous propulser rapidement vers 1793 en marquant au passage les événements importants. Ceux concernant le calendrier sont en gras.

5 mai 1789 : ouverture des États généraux.

17 juin 1789 : le Tiers-Etat se proclame Assemblée nationale.

9 juillet 1789 : L'Assemblée nationale devient Constituante

14 juillet 1789 : Prise de la Bastille
Dès le lendemain, l'usage est pris d'appeler 1789 an I de la Liberté.

26 août 1789 : Déclaration des droits de l'homme.

12 juillet 1790 : Constitution civile du clergé.

14 juillet 1790 : Fête de la Fédération à Paris
Le moniteur porte la mention : " 1erjour de la deuxième année de la Liberté"

21 juin 1791 : arrestation de la famille royale à Varennes.

1 octobre 1791 : ouverture de l'Assemblée législative.

14 octobre 1791 : Décret instituant le Comité d'Instruction publique. Ce Comité, formé de 24 membres (mathématiciens et astronomes comme Romme, Monge ou Lakanal, peintres comme David, poètes comme Chénier...), jouera un rôle majeur dans l'élaboration du nouveau calendrier.

29 novembre 1791 : Décret de l'Assemblée législative contre les prêtres réfractaires.

2 janvier 1792 : L'Assemblée législative décrète : "Tous les actes publics, civils, judiciaires et diplomatiques porteront l'inscription de l'ère de la Liberté. L'an IV de l'ère de la Liberté a commencé le 1er janvier 1792".

10 août 1792 : Le château des Tuileries est pris d'assaut. Le roi et sa famille cherchent refuge auprès de l’Assemblée qui abolit la royauté et incarcère la famille royale au Temple. Convocation d'une Convention nationale.

20 septembre 1792 : Première séance de la Convention. Victoire de Valmy.

22 septembre 1792 : La Convention nationale décrète : «Tous les actes publics sont désormais datés à partir de l'an I de la République».

Et nous voilà en 1793 dont Louis XVI ne verra pas la fin puisqu'il sera coupé en deux le 21 janvier par l'outil dont il avait contribué à l'amélioration. À partir de maintenant nous allons oublier la «grande histoire» pour nous intéresser à celle de notre calendrier républicain.

L'année 1793 commence par un décret du 2 janvier : «La seconde année de le république commence le 1er janvier 1793»

En regardant en arrière, on peut constater que nous avons connu d'abord l'ère de la Liberté dont on ne sait si le début de la première année était au 14 juillet, puis l'ère de la République qui, pour le moment, commence le 1 janvier de chaque année.

La Convention nationale a chargé le Comité d'Instruction publique de préparer un nouveau calendrier. Le Comité, lui, a nommé un groupe de travail constitué par Romme (rapporteur), Dupuis, Guyton, Ferry, Lagrange et Monge pour réfléchir à un projet.

Mais pourquoi créer un nouveau calendrier ? La preuve que le calendrier grégorien est «techniquement bon», c'est qu'il est d'un usage presque mondial aujourd'hui.

Pour la première fois dans l'histoire des calendriers, nous allons assister à la naissance d'un calendrier due à une volonté purement idéologique : il faut en finir avec les pouvoirs de l'Église et son symbole, le calendrier grégorien, avec ses fêtes des saints, son jour du seigneur va en faire les frais. Il faut y substituer des valeurs rationnelles.

Un encrier du temps de la Révolution : il fallait en finir avec les pouvoirs temporels de l'Église. La création d'un nouveau calendrier faisait partie du projet.

Le groupe dont Romme est rapporteur travaille donc en ce sens et Romme est en mesure de présenter le projet au Comité d'Instruction publique le 14 septembre 1793.

Gravure de Romme dans l'Album du centenaire, 1889
Gravure de Romme dans l'Album du centenaire, 1889 Public domain, via Wikimedia Commons

Charles Gilbert ROMME (1750-1795)
Mathématicien, il a été formé au collège des oratoriens de Riom. Il est envoyé par le Puy-de-Dôme à l'Assemblée législative puis à la Convention où il siège sur les bancs de la Montagne. Condamné à mort, il se suicidera avant son exécution.

Le Comité approuve le projet et Romme le présente devant la Convention le 20 septembre 1793.

Séance de la Convention nationale du 20 septembre 1793

Je ne vais pas reproduire ici le texte complet qui est relativement long et comporte plusieurs tableaux. Je vous en cite les éléments les plus importants :

Une petite introduction sur le pourquoi d'un nouveau calendrier : "l'ère vulgaire fut l'ère de la cruauté, du mensonge de la perfidie et de l'esclavage ; elle a fini avec la royauté, source de tous nos maux. La révolution a retrempé l'âme des Français, chaque jour elle les forme aux vertus républicaines. Le temps ouvre un nouveau livre à l'histoire ; et dans sa marche nouvelle, majestueuse et simple comme l'égalité, il doit graver d'un burin neuf et pur les annales de la France régénérée."

La longueur de l'année : "Les Égyptiens, depuis la plus haute antiquité, et les babyloniens 746 ans avant l'ère vulgaire, se rapprochèrent des vrais principes, en faisant leur année de 365 jours, distribués en 12 mois égaux de 30 jours et 5 épagomènes."

Le début de l'année : "[...] le 22 septembre fut décrété le 1er de la République ; et le même jour à 9 heures 18 minutes 30 secondes du matin, le Soleil est arrivé à l'équinoxe vrai, en entrant dans le signe de la Balance. Ainsi l'égalité des jours égaux aux nuits était marquée dans le ciel, au moment même où l'égalité civile et morale était proclamée par les représentants du peuple français comme le fondement sacré de son nouveau gouvernement. [...] Nous nous proposons de décréter que le jour de l'équinoxe vrai d'automne, qui fut celui de la fondation de la République, est l'ère des Français et le premier de leur année, et d'abolir en même temps, l'ère vulgaire pour les usages civils."

Divisions de l'année

Le mois : "Les peuples connus, exceptés peut-être les Romains ont divisé l'année en 12 mois. [...] ON s'est, sans doute, déterminé pour le nombre 12 parce que c'est lui qui exprime combien de fois la Lune passe devant le Soleil, pendant que la Terre fait une révolution. Cette division est commode et ne peut être combattue solidement. Mais ce que la raison réprouve et doit faire enfin rejeter de notre calendrier, c'est l'inégalité bizarre des mois qui fatigue l'esprit par des difficultés sans cesse renaissantes, pour savoir si un mois est de 30 ou de 31 jours. [...] Les Égyptiens les plus éclairés de la haute antiquité, faisaient leurs mois égaux, tous de 30 jours, auxquels ils ajoutaient cinq épagomènes à la fin de l'année. Cette division est simple, elle présente de grands avantages pour les usages domestiques et civils, elle convient donc au nouveau calendrier des Français."

La semaine : "Vous avez senti tous les avantages de la numérotation décimale. Vous l'avez adoptée pour les poids et mesures de toute espèce, ainsi que pour les monnaies de la République : nous vous proposons de l'introduire dans la division du mois, qui, étant de 30 jours, sera divisé en trois parties de 10 jours chacune et qu'on pourra appeler décade. [...] Le jour de la décade indiquera constamment les mêmes jours du mois et de l'année. On ne peut obtenir cet avantage de la semaine".

Le jour : à part quelques considérations sur le début du jour dans différents pays ou sous différentes civilisations anciennes, aucune proposition n'est faite par Romme.

Division du jour : "La division de l'heure en soixante minutes et de la minute en soixante secondes, est très incommode dans les calculs. [...] Le perfectionnement sera complet lorsque le temps sera soumis à la règle simple et générale de tout diviser décimalement. [...] Cependant, comme les changements qu'elle demande dans l'horlogerie ne peuvent se faire que successivement, nous vous proposons de ne rendre cette division obligatoire que pour les usages civiles, qu'à dater de la troisième année de la République".

Intercalation d'un sixième jour épagomène (Romme parle de «l'Olympiade») : "Si la raison veut que nous suivions la nature plutôt que de nous traîner servilement sur les traces erronées de nos prédécesseurs, nous devons fixer invariablement notre jour intercalaire au moment où la position de l'équinoxe le comportera. Après une première disposition, que la concordance avec les observations astronomiques rend nécessaire, la période sera toujours de 4 ans.[...] Nous vous proposons de l'appeler l'Olympique".

Voilà pour la partie «théorique» du nouveau calendrier républicain telle qu'elle a été présentée par Romme à la convention. Nous verrons plus tard que le système d'intercalation imaginé était incompatible avec le début de l'année qui était fixé à minuit, temps vrai de l'observatoire de Paris, qui précède l'équinoxe d'automne.

Nous allons maintenant aborder la partie «pratique» de ce nouveau calendrier selon le projet présenté par Romme : c'est la partie nomenclature.

"Nous vous proposons une nouvelle nomenclature qui n'est, ni céleste, ni mystérieuse; elle est toute puisée dans notre révolution dont elle présente ou les principaux événements ou le but et les moyens."

Suit une histoire de la révolution d'où certains noms sont extraits pour représenter le nom des mois. Je vous en livre le début pour vous permettre de vous faire une idée :

"Les Français fatigués de 14 siècles d'oppression, et alarmés des progrès effrayants de la corruption dont une cour, depuis longtemps criminelle donnait et provoquait l'exemple, sentent le besoin d'une régénération. Les ressources de la cour étaient épuisées, elle convoque les Français, mais leur réunion fit leur salut..."

Même principe pour les jours épagomènes : "Les cinq derniers jours répondent aux 17, 18, 19, 20 et 21 septembre et pourront être consacrés à des fêtes nationales. Nous croyons que leurs noms peuvent être pris dans l'exposé succinct du but moral de nos nouvelles institutions. [...] Ils seront examinés comme artistes ou soldats, et ils recevront les récompenses qui leur sont dues, la paternité sera encouragée et considérée, la vieillesse sera honorée. [...]".

Quant aux noms des jours de la décade, "Tout citoyen, tout ami de la patrie et des arts qui la font fleurir, doit s'entourer journellement des attributs de l'industrie et de la liberté"

Je récapitule dans le tableau suivant toute cette nouvelle nomenclature avec le symbole représenté par le nom des jours de la décade :

Rang Correspondance Nom Décade Symbole
1 22 sept.-21 oct. La République Jour du Niveau Egalité
2 22 oct.-20 nov. L'Unité Jour du Bonnet Liberté
3 21 nov.-20 dec. La Fraternité Jour de la Cocarde Couleurs nationales
4 21 dec.-19 jan. La Liberté Jour de la Pique Arme de l'homme libre
5 20 jan.-18 fév. La Justice Jour de la Charrue Instrument de nos richesses terriennes
6 19 fév.-20 mars L'Egalité Jour du Compas Instrument de nos richesses industrielles
7 21 mars-19 avr. La Régénération Jour du Faisceau Force qui naît de l'union
8 20 avr.-19 mai La Réunion Jour du Canon Instrument de nos victoires
9 20 mai-18 juin Le Jeu de Paume Jour du Chêne emblème de génération ; vertus sociales
10 19 juin-18 juil. La Bastille Jour du Repos
11 19 juil.-17 août Le Peuple
12 18 août-19 sept. La Montagne
Epagomènes Correspondance Nom
1 17 sept. L'Adoption
2 18 sept. L'Industrie
3 19 sept. Les Récompenses
4 20 sept. La Paternité
5 21 sept. La Vieillesse
6 intercalaire Le Jour Olympique

Notons que ce projet était le deuxième d'une série qui en comportait sept. Le premier était très «neutre» puisqu'il se contentait de numéroter les jours et les mois.

Le cinquième projet était «pour tout le Globe» ce qui prouve l'ambition des créateurs du nouveau calendrier. Les noms des jours de la décade y étaient «latinisés» (Prime-di, Deux-di, tri-di, etc). Les épagomènes étaient numérotés et les noms des mois étaient ceux des signes du zodiaque.

Le décret instituant le nouveau calendrier fut voté par la Convention le 5 octobre 1793. Le voici :

Décret de la Convention nationale, concernant l'ère des Français

Du 5 octobre 1793, l'an second de la République française, une et indivisible.

La Convention nationale, après avoir entendu son comité de l'instruction publique, décrète ce qui suit:

ARTICLE PREMIER
L'ère des Français compte de la fondation de la république, qui a eu lieu le 22 septembre 1792 de l'ère vulgaire, jour où le soleil est arrivé à l'équinoxe vrai d'automne, en entrant dans le signe de la balance à 9 heures 18 minutes 30 secondes du matin, pour l'observatoire de Paris.

II. L'ère vulgaire est abolie pour les usages civils.

III. Le commencement de chaque année est fixé à minuit, commençant le jour où tombe l'équinoxe vrai d'automne pour l'observatoire de Paris.

IV. La première année de la République française a commencé à minuit le 22 septembre 1792, et a fini à minuit, séparant le 21 du 22 septembre 1793.

V. La deuxième année a commencé le 22 septembre 1793 à minuit, l'équinoxe vrai d'automne étant arrivé, pour l'observatoire de Paris, à 3 heures 7 minutes 19 secondes du soir.

VI. Le décret qui fixait le commencement de la seconde année au 1er janvier 1793, est rapporté. Tous les actes datés de l'an 2 de la république, passés dans le courant du 1er janvier au 22 septembre exclusivement, sont regardés comme appartenant à la première année de la république.

VII. L'année est divisée en douze mois égaux de trente jours chacun, après lesquels suivent cinq jours pour compléter l'année ordinaire, et qui n'appartiennent à aucun mois; il sont appelés les jours complémentaires.

VIII. Chaque mois est divisé en trois parties égales de dix jours chacune, et qui sont appelées décades, distinguées entre elles par première, seconde et troisième.

IX. Les mois, les jours de la décade, les jours complémentaires sont désignés pour les dénominations ordinales premier, second, troisième, etc. mois de l'année; premier, second, troisième, etc. jour de la décade; premier, second, troisième, etc. jour complémentaire.

X. En mémoire de la révolution qui, après quatre ans, a conduit la France au Gouvernement républicain, la période bissextile de quatre ans est appelée la Franciade. Le jour intercalaire qui doit terminer cette période est appelé le jour de la Révolution. Ce jour est placé après les cinq jours complémentaires.

XI. Le jour, de minuit à minuit, est divisé en dix parties; chaque partie en dix autres, ainsi de suite jusqu'à la plus petite portion commensurable de la durée. Cet article ne sera de rigueur pour les actes publics qu'à compter du 1er du premier mois de la troisième année de la république.

XII. Le comité d'instruction publique est chargé de faire imprimer en différents formats le nouveau calendrier, avec une instruction simple pour en expliquer les principes et les usages les plus familiers.

XIII. Le nouveau calendrier ainsi que l'instruction seront envoyés aux corps administratifs, aux municipalités, aux tribunaux, aux juges de paix et à tous les officiers publics, aux instituteurs et professeurs, aux armées et aux sociétés populaires. Le conseil exécutif provisoire les fera passer aux ministres, consuls et autres agents de France dans les pays étrangers.

XIV. Tous les actes publics sont datés suivant la nouvelle organisation de l'année.

XV. Les professeurs, les instituteurs et institutrices, les pères et mères de famille, et tous ceux qui dirigent l'éducation des enfants de la république s'empresseront de leur expliquer le nouveau calendrier, conformément à l'instruction qui y est annexée.

XVI. Tous les quatre ans, ou toutes les Franciades, au jour de la Révolution, il sera célébré des jeux républicains en mémoire de la Révolution française.

Le nouveau calendrier devait entrer en vigueur le lendemain du décret d'application, mais un décret plus tardif (22 octobre 1793) fixa l'époque à laquelle les différentes administrations devraient appliquer ce nouveau calendrier :

Du 1erjour du 2emois de l'an second de la République Française, une et indivisible.

La Convention nationale, après avoir entendu son comité des finances, décrète:

ARTICLE PREMIER
Pour toutes les administrations dont la comptabilité est établie par exercices, celui commencé au 1er janvier 1793, continuera jusqu'au 1erjour du 1ermois de la troisième année de l'année républicaine.

II. Toutes les administrations dont les recettes, dépenses et opérations quelconques, étaient divisées par trimestre, adopteront le calendrier républicain, de manière que le trimestre courant finisse au dernier jour du troisième mois (20 décembre 1793, vieux style).

III. Toutes les administrations dont les recettes, dépenses et opérations quelconques, étaient divisées par mois et portions de mois, adopteront le calendrier républicain, de manière qu'il ait son entier effet le 1erjour du 3emois.

IV. Toutes les administrations dont les recettes, dépenses et opérations quelconques, étaient divisées par semaines, adopteront la division par décades du calendrier républicain, de manière qu'il ait son entier effet le 1erjour de la 1ere décade du 3emois.

Que dire de ces deux textes ? Le deuxième règle des problèmes administratifs destinés à ne pas interrompre des périodes financières. Il n'y a pas grand-chose à en dire de plus.

En revanche, on peut faire quelques observations sur le premier texte par rapport au projet présenté par Romme :

En fait, la nomenclature n'est pas abandonnée, mais fait l'objet de nombreuses discussions au sein même de la Convention nationale si l'on se réfère à l'extrait du Journal des débats et des décrets de la Séance de la Convention du 27ejour du premier mois de l'an II (18 octobre 1793) :

Romme soumet à la Convention une nomenclature pour désigner les noms de la décade.[...] le premier jour serait primile, le second bisile et ainsi de suite.[...] Les oreilles des auditeurs ne paraissent pas agréablement flattées par ces sons. On avait également proposé de dire primedi et ainsi de suite. Cette proposition n'est pas plus heureuse. [...] D'autres membres qu'on assigne aux jours et aux mois des noms qui se lient avec des idées morales, ou présentent des images puisées dans ce que la nature a de plus riant. Pour atteindre ce but, on propose une commission composée de Romme, Fabre d'Eglantine, David, Chénier

Un nouvelle commission chargée d'étudier une nouvelle nomenclature est donc créée le 18 octobre 1793 et on y voit apparaître un nouveau nom (les autres faisaient déjà partie du Comité d'Instruction publique)

Philippe-François-Nazaire Fabre d'Eglantine, huile sur toile vers 1790-1794
Philippe-François-Nazaire Fabre d'Eglantine, huile sur toile vers 1790-1794 © RMN-GP (Château de Versailles) / © Franck Raux

Phillipe FABRE (1750-1794)
Fils d’un marchand drapier de Carcassonne, Philippe Nazaire François Fabre est un auteur-comédien ambulant. Il gagne une fleur d'or aux jeux floraux de Toulouse ce qui lui vaut son surnom de Fabre d'Eglantine.

La romance populaire Il pleut, il pleut bergère... est tirée d’une de ses opérettes.

Il est cité aussi comme ayant reçu de l’argent du roi à la veille du 10 août 1792. Après cette journée, il publie un journal mural : il pousse aux massacres de Septembre et tente même de les étendre en province.

Entré au club des Cordeliers, qui deviendra le club des Jacobins, il se lie avec Danton dont il devient le secrétaire au ministère de la Justice en 1792. Il devient ensuite député (de Paris) montagnard à la Convention.

Accusé d’avoir falsifié un décret de la Convention nationale relatif à la liquidation de l’ancienne Compagnie des Indes, il est arrêté le 18 mars 1794, jugé en même temps que Danton, le 30 mars, et guillotiné le 5 avril.

La nouvelle commission se met rapidement au travail et, sans qu'on sache quel est réellement le rôle de chacun dans l'élaboration de la nomenclature (certainement influencée par Fabre et Chénier compte tenu de son caractère «poétique»), est en mesure de présenter son travail à la Convention dès le 24 octobre 1793.

Là aussi, le texte étant extrêmement long je vais vous en citer les passages essentiels :

Séance de la Convention nationale du 3ejour du second mois de l'an II (24 octobre 1793)

"Un membre (Fabre d'Églantine), au nom de la Commission formée pour la nomenclature des mois et des jours [...]"

"[...] Ce vous doit être une heureuse occasion à saisir que de ramener dans le calendrier, livre le plus usuel de tous, le peuple français à l'agriculture."

Suivent de longues lignes anticléricales et on arrive aux explications sur la nomenclature :

"[...] l'idée première qui nous a servi de base est de consacrer, par le calendrier, le système agricole et d'y ramener la nation en marquant les époques et les fractions de l'année par des signes intelligibles ou visibles pris dans l'agriculture et l'économie rurale. [...] Nous avons imaginé de donner à chacun des mois de l'année un nom caractéristique qui exprimât la température qui lui est propre, le genre de production actuel de la terre, et qui tout à la fois fit sentir le genre de saison où il se trouve dans les quatre dont se compose l'année. [...] De telle manière que les noms des mois qui composent l'automne ont un son grave et une mesure moyenne, ceux de l'hiver un son lourd et une mesure longue, ceux du printemps un son gai et une mesure brève et ceux de l'été un son sonore et une mesure large." C'était chiadé, non ? Oh ! Pardon !!

Les noms des mois de l'année sont donc les suivants :

Automne Hiver Printemps Eté
Vendémiaire Nivôse Germinal Messidor
Brumaire Pluviôse Floréal Thermidor
Frimaire Ventôse Prairial Fructidor

À noter que, selon les auteurs du livre Le calendrier républicain (d'où sont extraits les textes), édité par le bureau des Longitudes, dans le texte présenté à la Convention, le second mois de l'été s'appelait Fervidor et non pas Thermidor. Fabre aurait de son propre chef substitué Thermidor à Fervidor entre la lecture du rapport et sa publication. Et, comme le disent justement ces auteurs, "Thermidor a l'inconvénient d'introduire une expression d'origine grecque dans une nomenclature dont tous les autres noms sont latins".

Venons en maintenant aux explications concernant les décades :

"Nous avons pensé que [...] nous devions créer des noms pour chacun des jours de la décade; nous avons pensé encore que puisque ces noms se répétaient chacun 36 fois par an, il fallait les priver d'images [...] Enfin nous nous sommes aperçus que ce serait un grand appui pour la mémoire, si nous venions à bout, en distinguant les jours de la décade des nombres ordinaux, de conserver néanmoins la signification de ces nombres dans un mot composé, de sorte que nous puissions profiter tout à la fois, dans le même mot, et des nombres et d'un nom différent des nombres."

Et, Fabre, en bon «commercial» explique dans tous les sens l'intérêt d'avoir dans la décade un mot qui ne soit pas un nombre, mais qui le rappelle. Il en arrive ensuite au «gros morceau» que constitue la dénomination de chaque jour de l'année et qu'il appelle "le quatrième mouvement, qui est le mouvement annuel."

"C'est ici que nous allons entrer dans notre idée fondamentale, et puiser dans l'agriculture, de quoi reposer la mémoire et répandre l'instruction rurale dans la supputation et le cours de l'année. [...] Nous avons pensé que la Nation après avoir chassé cette foule de canonisés de son calendrier, devait y retrouver en face tous les objets qui composent la véritable richesse nationale, les signes objets, sinon de son culte, au moins de sa culture, les utiles productions de la terre, les instruments dont nous nous servons pour la cultiver et les animaux domestiques, nos fidèles serviteurs dans ces travaux, animaux bien plus précieux, sans doute, aux yeux de la raison, que les squelettes béatifiés tirés des catacombes de Rome"

Je vous laisse apprécier à sa juste valeur la fin de la phrase ! Je ne pense pas dévoiler la fin de l'histoire à quiconque en disant que ce calendrier républicain n'est pas duré longtemps, mais je me demande ce qu'il serait devenu s'il était passé à une postérité universelle. Je vois mal le Coq reconnu par les lapons comme un de leurs animaux familiers. Et l'un de mes amis sera certainement surpris d'apprendre que le chiendent est compté au nombre des «richesses nationales». C'est peut-être pour cette raison qu'on n'a pas encore trouvé un désherbant spécifique contre cette saloperie ! Mais, trêve de plaisanteries et revenons au discours de Fabre.

Il explique qu'à chaque jour est attaché le nom d'une plante "le temps et le jour où la nature en fait présent" Chaque demi-décade est marquée par le nom d'un animal domestique utile à ce moment et chaque décade par le nom d'un outil agricole dont se sert l'agriculteur à ce moment. Fabre explique la présence de ce outil un jour de repos en disant que "le laboureur dans le jour de repos retrouvera l'instrument qu'il doit reprendre le lendemain.« Et il en remet une couche en ajoutant »idée ce me semble touchante qui ne peut qu'attendrir nos nourriciers, et leur montrer enfin qu'avec la République est venu le temps où un laboureur est plus estimé que tous les rois de la terre ensemble..." Pour ma part, je propose que les dimanches portent les noms de Airbus, Caravelle, Concorde... Peut-être que ça nous éviterait quelques grèves ?

Il ne restait plus qu'à baptiser les jours complémentaires :

"Il reste à vous parler des jours d'abord nommés épagomènes, ensuite complémentaires. [...] Nous avons pensé qu'il fallait pour ces 5 jours une dénomination collective, qui portât un caractère national capable d'exprimer la joie et l'esprit du peuple français, dans les cinq jours de fête qu'il célébrera au terme de chaque année. [...] Nous appellerons donc ces cinq jours collectivement pris, les sanculottides. Les cinq jours des sanculottides composant une demi-décade, seront dénommés primdi, duodi, tridi, quartidi, quintidi et dans l'année bissextile, le sixième jour sextidi."

Un nom a été donné à ces six jours de fêtes. Le second devait être «jour des actions» alors que le premier était «fête du génie». Suite à une colère de Robespierre, les actions devinrent vertu et précédèrent le génie. La dénomination définitive fut donc :

Rang Jour Nom
1 Primdi fête de la vertu
2 Duodi fête du génie
3 Tridi fête du travail
4 Quartidi fête de l'opinion
5 Quintidi fête des récompenses
6 Sextidi La Sanculottide

Le texte de la séance du 24 octobre 1793 se termine par le décret suivant :

La Convention nationale, rapportant l'article 9 du décret du 14 du premier mois (5 octobre 193), décrète que la nomenclature, les dénominations et les positions du nouveau calendrier seront conformes au tableau annexé au présent décret.
N.B : par amendement, la Convention décrète que la fête des actions sera célébrée le primdi des sansculottides sous le nom de fête de la vertu, et la fête de l'opinion, le quartidi des sansculottides.

Cette page étant déjà très longue (vous pourrez d'ailleurs lire la suite sur le calendrier républicain sur un autre volet), je n'ai pas voulu vous infliger ici la liste des noms des jours de chaque mois. Mais comme ce n'est pas inintéressant, vous la trouverez ici.

Le nouveau calendrier et sa nomenclature ont donc été adoptés par la Convention.

Quelques amendements sont proposés.

Le 19 brumaire, la Convention décide que tous les décrets sur le calendrier seront fondus en un seul.

Lors d'une séance du Comité d'Instruction publique le 29 brumaire an II (19 novembre 1793) un membre demande qu'il soit nommé deux commissaires pour présenter un système complet de fêtes pour l'année républicaine. David et Romme se voient confier cette tâche.

La refonte du grand décret est présentée par Romme, au nom du Comité d'Instruction publique, à la Convention le 4 Frimaire an II. Elle est adoptée par la Convention.

En voici le texte

Décret de la Convention nationale sur l’Ere nouvelle, le commencement et l’organisation de l’Année, et sur les noms des Jours et des Mois.

Du 4ejour de Frimaire an second de la République française, une et indivisible.

1. L’ère des Français compte de la fondation de la république, qui a eu lieu le 22 septembre 1792 de l’ère vulgaire, jour où le soleil est arrivé à l’équinoxe vrai d’automne, en entrant dans le signe de la balance, à 9 heures 18 minutes 30 secondes du matin pour l’observatoire de Paris.

2. L’ère vulgaire est abolie pour les usages civils.

3. Chaque année commence à minuit, avec le jour où tombe l’équinoxe vrai d’automne pour l’observatoire de Paris.

4. La première année de la république française a commencé à minuit le 22 septembre 1792, et a fini à minuit, séparant le 21 du 22 septembre 1793.

5. La seconde année a commencé le 22 septembre 1793 à minuit, l’équinoxe vrai d’automne étant arrivé ce jour-là, pour l’observatoire de Paris, à 3 heures 11 minutes et 38 secondes du soir.

6. Le décret qui fixait le commencement de la seconde année au I.er janvier 1793, est rapporté ; tous les actes datés l’an second de la république, passés dans le courant du I.er janvier au 21 septembre inclusivement, sont regardés comme appartenant à la première année de la république.

7. L’année est divisée en douze mois égaux, de trente jours chacun ; après les douze mois suivent cinq jours pour compléter l’année ordinaire ; ces 5 jours n’appartiennent à aucun mois.

8. Chaque mois est divisé en trois parties égales, de dix jours chacune, qui sont appelées décades.

9. Les noms des jours de la décade sont : primidi, duodi, tridi, quartidi, quintidi, sextidi, septidi, octidi, nonidi, décadi. (note : primdi devient primidi)

Les noms des mois sont, pour l’automne, vendémiaire, brumaire, frimaire ; pour l’hiver, nivôse, pluviôse, ventôse ; pour le printemps, germinal, floréal, prairial ; pour l’été, messidor, thermidor, fructidor.

Les cinq derniers jours s’appellent les sans-culotides.

10. L’année ordinaire reçoit un jour de plus, selon que la position de l’équinoxe le comporte, afin de maintenir la coïncidence de l’année civile avec les mouvements célestes. Ce jour, appelé jour de la révolution, est placé à la fin de l’année et forme le sixième des sans-culotides. (note : la Sanculottide devient jour de la révolution et sanculottides devient sans-culotides)

La période de quatre ans, au bout de laquelle cette addition d’un jour est ordinairement nécessaire, est appelée la franciade, en mémoire de la révolution qui, après quatre ans d’efforts, a conduit la France au gouvernement républicain. La quatrième année de la franciade est appelée sextile. (note: le mot bissextile utilisé à tort par Fabre dans son rapport du 24 octobre est remplacé par sextile)

11. Le jour, de minuit à minuit, est divisé en dix parties ou heures, chaque partie en dix autres, ainsi de suite jusqu’à la plus petite portion commensurable de la durée. La centième partie de l’heure est appelée minute décimale ; la centième partie de la minute est appelée seconde décimale. Cet article ne sera de rigueur pour les actes publics, qu’à compter du I.er vendémiaire, l’an 3.e de la république.

12. Le comité d’instruction publique est chargé de faire imprimer en différens formats le nouveau calendrier, avec une instruction simple pour en expliquer les principes et l’usage.

13. Le calendrier, ainsi que l’instruction, seront envoyés aux corps administratifs, aux municipalités, aux tribunaux, aux juges de paix et à tous les officiers publics, aux armées, aux sociétés populaires et à tous les colléges et écoles. Le conseil exécutif provisoire le fera passer aux ministres, consuls et autres agens de France dans les pays étrangers.

14. Tous les actes publics seront datés suivant la nouvelle organisation de l’année.

15. Les professeurs, les instituteurs et institutrices, les pères et mères de famille, et tous ceux qui dirigent l’éducation des enfans, s’empresseront à leur expliquer le nouveau calendrier, conformément à l’instruction qui y est annexée.

16. Tous les quatre ans, ou toutes les franciades, au jour de la révolution, il sera célébré des jeux républicains, en mémoire de la révolution française.

Les fêtes républicaines

Ce ne sont ni Romme ni David qui proposèrent un projet sur les fêtes, mais un certain Mathieu, député de l'Oise, lors d'une séance du Comité d'Instruction publique du 9 ventôse an II (27 février 1794) :

Elle célèbrera tous les ans, les événements et les époques les plus mémorables de la Révolution. Cinq fêtes seront instituées pour les rappeler aux français. Ces fêtes seront : 1) le 14 juillet 1789; 2) le 10 août 1792 et 1793; 3) le 6 octobre 1789; 4) le 21 janvier 1793; 5) le 31 mai 1793

Il se rajoutait au projet : la fête de la révolution tous les 4 ans ( 6ejour des sans-culottides), les 5 autres sans-culottides et une fête tous les décadis de l'année.

Le projet fut retenu par le Comité de Salut public et les fêtes décadaires portèrent les noms suivants :

A l'Etre suprême et à la nature A l'héroïsme
Au genre humain Au désintéressement
Au peuple français Au stoïcisme
Aux bienfaiteurs de l'humanité A l'amour
Aux martyrs de la liberté A la foi conjugale
A la liberté et à l'égalité A l'amour paternel
A la République A la tendresse maternelle
A la liberté du monde A la piété filiale
A l'amour de la patrie A l'enfance
A la haine des tyrans et des traîtres A la jeunesse
A la vérité A l'âge viril
A la justice A la vieillesse
A la pudeur Au malheur
A la gloire et à l'immortalité A l'agriculture
A l'amitié A l'industrie
A la frugalité Aux aïeux
Au courage A la postérité
A la bonne foi Au bonheur

À la séance de la Convention nationale du 18 fructidor an II (4 septembre 1794), Thibeaudeau (vous connaissez, vous ?) présente un rapport qui fait suite à un projet présenté à la séance du Comité d'Instruction publique du 15 fructidor an II (1 septembre 1794).

Il propose de supprimer les 5 fêtes des sans-culottides pour ne faire un jour de repos que la cinquième qui serait à la fois fête de la vertu, du génie, du travail de l'opinion et des récompenses.

Ce projet est adopté par la Convention le 19 fructidor an II (5 septembre 1794).

Les Sextiles

Pour faire suite aux articles 4 et 10 du décret du 4 frimaire an II (en haut de cette page), il avait été joint au décret une table donnant les années sextiles pour les 13 prochaines années de la République : an III, an VII et an XI.

Mais, il s'avère, selon les calculs de l'astronome Delambre (non consulté en 1793), que les années sextiles ne reviennent pas si régulièrement que cela et que, trois fois en un siècle, l'intervalle entre deux années sextiles compterait... 5 ans. D'autre part, il constata que, compte tenu de l'imprécision des calculs de l'époque, il serait impossible de dire à l'avance si l'équinoxe tomberait avant ou après 24 heures lorsque l'heure calculée de l'équinoxe était trop proche de minuit.

Delambre propose d'en revenir au système grégorien d'intercalation, communique ses conclusions à Lalande et Laplace qui alertent Romme : il convient de revoir les articles 3 et 10 du décret.

Romme, à son tour, saisit le Comité d'Instruction publique qui le charge d'étudier la question et de s'entourer de toutes les compétences de l'époque. Elles ont pour nom Delambre, Lagrange, Pingré, Laplace, Lalande, Messier, Nouet.

Delambre leur expose son projet le 29 Germinal (18 avril 1795) qui est adopté.

Romme présente le 19 floréal an III (8 mai 1795) un projet de décret lors d'une séance du Comité d'Instruction publique :

ARTICLE PREMIER. La quatrième année de l’ère de la République sera la première sextile : elle recevra un sixième jour complémentaire, et terminera la première franciade.
ART. 2. Les années sextiles se succéderont de quatre en quatre ans, et marqueront la fin de chaque franciade.
ART. 3. Sur quatre années séculaires consécutives, sont exceptées de l’article précédent la première, la deuxième, la troisième années séculaires, qui seront communes : la quatrième seule sera sextile.
ART. 4. Il en sera ainsi de quatre en quatre siècles, jusqu’au quarantième, qui se terminera par une année commune.
ART. 5. Il sera annexé une Instruction au présent décret pour faciliter l’application de la règle qu’il renferme, et faire connaître les principes qui en font la base.
ART. 6. Tous les ans il sera extrait de la Connaissance des temps et présenté à l’Assemblée nationale un annuaire pour les usages civils : calculé sur des observations exactes, il servira de type aux calendriers qui se répandront dans la République.
ART. 7. La Commission d’instruction publique est chargée d’accélérer, par tous les moyens qui sont à sa disposition, la propagation des nouvelles mesures du temps.
Elle est autorisée à renouveler tous les ans la nomenclature des objets utiles qui doivent accompagner l’annuaire pour chaque jour, et sur lesquels il doit être fait des notices instructives pour l’usage des écoles.

Si vous lisez attentivement la dernière phrase du projet, vous constaterez que Romme a enfin tenu compte des observations que je faisais dans la première page consacrée au calendrier républicain : on va enfin pouvoir changer de temps à autre les noms des plantes, animaux et autres objets ! On va pouvoir consacrer certains «dimanches» à Wolf, Ferguson ou autre Black et Decker (une fin de décade pour Black, une autre pour Decker).

Mais je plaisante et j'en ai honte parce que ce n'est pas trop le moment. Nous sommes en 1795. Romme est au nombre des 14 représentants décrétés d'arrestation par la Convention le 1 prairial. Il est emprisonné au château du Taureau en Bretagne et condamné le 29 prairial (17 juin 1795). Sa triste fin l'empêchera de mettre un point final à «son» calendrier.

Le 7 messidor (25 juin 1795) est créé le Bureau de Longitudes.

Ce Bureau débute sa carrière par un volte-face assez incompréhensible : le 8 thermidor an III (26 juillet 1795), il demande au Comité D'instruction publique de faire adopter le mode d'intercalation proposé par Romme et les astronomes. Le 14 thermidor an III (1 août 1795), il propose, au contraire, de ne rien changer aux dispositions existantes.

Le problème des sextiles fut donc enterré sans être jamais réglé.

La fin du calendrier républicain

Le calendrier républicain était né petit à petit à coup de décrets et de modifications. Il va mourir de la même façon, à coup de critiques. Sa mort sera aussi politique que sa naissance.

Nous allons voir tout cela, mais, pour ma part, je me pose une question : à part pour les actes civils, a-t-il vraiment été utilisé par le peuple français en si peu d'années ? Quand on voit les difficultés qu'éprouvent certains (dont je suis, j'en ai bien peur) pour passer à l'euro, on peut se poser la question.

En ce qui concerne les critiques, je vous livre quelques extraits de l'opinion de Lanjuinais, député, le 30 thermidor an III :

C'est d'abord un problème de savoir quel jour commence l'année dans le nouveau calendrier. [...] les nouveaux noms des mois sont vérité dans le nord, et perpétuel mensonge au midi. [...] Le décadi ne s'accorde point avec la nature. Il n'y a ni hommes, ni animaux qui supportent neuf jours de travail consécutif. [...] Pourquoi la plus solennelle des fêtes religieuses est-elle dans le calendrier de Romme et de Fabre d'Eglantine le jour du chien ? [...] Je vote donc pour que le calendrier des assassins de la France ne soit pas constitutionnellement le calendrier du peuple français.

L'idée de Bonaparte était de faire de la religion catholique une religion d'État.

Partant de là, il fallut bien, pour des raisons inverses que celles qui l'avaient imposé, démolir le calendrier républicain.

Et il commence cette destruction en tordant le cou au décadi : par arrêté des consuls du 7 thermidor an VIII, seuls les fonctionnaires sont soumis au décadi. Le 18 germinal an X, le repos des fonctionnaires est fixé au dimanche. La semaine devient à nouveau légale.

Le 28 floréal an XII (18 mai 1804) le Sénat proclame Napoléon Empereur des Français et Pie VII consacre l'événement le 13 frimaire an XIII (4 décembre 1804).

Et c'est le 22 fructidor an XIII (9 septembre 1805), un peu avant l'arrivée de Pie VII, que le Sénat décrète que "à dater du 11 nivôse prochain, le calendrier grégorien sera remis en usage dans tout l'Empire français". le 11 nivôse, c'était le 1 janvier 1806.

Ce fut Laplace lui-même qui présenta le rapport de la commission «pour l'examen du projet de sénatus-consulte portant rétablissement du calendrier grégorien».

Et, par sa voix, le calendrier républicain ne mourut pas «dans la honte» : "Il ne s'agit point d'examiner quel est, de tous les calendriers possibles, le plus naturel et le plus simple. Nous dirons seulement que ce n'est, ni celui qu'on veut abandonner, ni celui qu'on vous propose de reprendre..."

Bref, ni oui ni non. Laplace acceptera successivement le titre de Comte proposé par Napoléon et celui de Marquis proposé par Louis XVIII.

Le calendrier républicain fut remis en vigueur pendant la Commune du 6 au 23 mai 1871... et rentra dans l'Histoire de France.

«Remis en vigueur» est d'ailleurs peut-être excessif. En fait, on peut noter des dates formulées dans le calendrier républicain sur une affiche du début de la «semaine sanglante» du 23 mai 1871 (notée 3 prairial an 79) et trois autres dans le Journal Officiel (édition parisienne) concernant trois arrêtés du 6 mai 1781 :

Ces quelques événements marquent plus une volonté de «marquer le coup» que de remettre vraiment en vigueur le calendrier républicain.

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