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En guise d'introduction
La phrase que vous lisez a été écrite en France le 20 mai 2006 à 8h00. Au même instant, dans les îles Samoa, dans l'océan Pacifique, nous sommes le vendredi 19 mai vers 19h30. Et, partout dans le Monde, on aura beau chercher, il n'y aura pas d'autres dates (du calendrier grégorien) pour le même instant que le 19 ou 20 mai 2006.
Par conséquent, si c'est le début de mois dans certains pays (1 octobre par exemple), ce peut être la fin du mois précédent dans d'autres (30 septembre pour l'exemple cité).
En revanche, dans le calendrier religieux musulman, on peut constater que le 1 shawwal 1426 (2005 du calendrier grégorien), jour de célébration de Idal-Fitr (ou Aïd el-Fitr), s'est produit le mercredi 2 novembre 2005 en Libye et au Nigeria, le jeudi 3 novembre dans 30 pays (Algérie, Égypte, Arabie Saoudite, une partie des USA...), le vendredi 4 novembre dans 13 pays (Afrique du Sud, Canada, une partie des USA, Iran...) et le samedi 5 dans une partie de L'Inde.
Pourquoi cette multitude de dates pour un même événement et qui ne peut s'expliquer par un simple décalage horaire ?
Nous allons, au fil de cette page, essayer de comprendre le problème (car c'en est bien un) en rappelant brièvement le principe des débuts de mois dans le calendrier religieux musulman et les interprétations qui en découlent.
Notre but n'est pas de prendre partie pour une école ou une autre mais seulement d'y voir plus clair dans la mesure du possible. Après, chacun se fera sa propre opinion.
Rappel des règles du début des mois
Ces règles sont simples, du moins à énoncer : L'année compte douze mois lunaires. Chaque mois commence au premier croissant visible de la Lune après la nouvelle Lune (N'oublions pas que le jour commence au coucher du Soleil) et dure jusqu'à la réapparition suivante de ce croissant. Cet intervalle ne peut excéder 30 jours ou être inférieur à 29.
Dans la suite de cette page, nous appellerons Hilaal ce « premier croissant visible ». D'abord parce que c'est plus rapide à écrire que « premier croissant de Lune visible » !! Ensuite, parce que c'est le nom arabe de ce moment privilégié.
Pour comprendre les problèmes causés par ces règles, il nous faut en passer par un peu d'astronomie sur la Lune et ses croissants. Comme nous ne sommes pas forcement des fanas de cette science, nous allons essayer de le faire avec le minimum de termes « savants ». Bien entendu, ceux qui sont versés dans l'astronomie se dispenseront le lire le chapitre qui suit.
Un peu d'astronomie : les phases de la Lune
Note : cette partie et la suivante ont été rédigées grâce aux précieux conseils de Patrick Rocher - IMCCE. Je l'en remercie vivement.
« Minimum » ne veut pas dire « aucun ». Aussi, nous allons nous autoriser un mot du vocabulaire des astronomes : écliptique.
Souvenons-nous de quelques notions apprises à l'école :
- Toutes les planètes, dont la Terre, tournent autour du Soleil
- La Lune, qui est un satellite naturel, tourne autour de la Terre
- De tous les corps du système solaire seul le Soleil est source de lumière. Et donc, la Lune, qui n'est pas lumineuse en soi, se contente de réfléchir la lumière du Soleil.
Le plan que constitue l'orbite de la Terre autour du Soleil est l'écliptique. Si nous nous positionnons à la verticale du Soleil par rapport à ce plan, le trio Soleil-Terre-Lune apparaît comme sur la figure 1.
Les proportions sont loin d'être respectées et ne le sont jamais, ni dans les livres ni sur les sites. En effet, pour reprendre les propres termes de Patrick Rocher de l'IMCCE, "si l'on voulait réaliser un dessin comportant les trois corps il serait impossible de le faire à l'échelle. Ainsi si la Terre est représentée par un cercle de 2cm de rayon, la Lune doit être représentée par un cercle de 0,55cm situé à une distance d'environ 1,20m de la Terre et si l'on voulait représenter le Soleil celui-ci aurait un rayon de 2,18m et serait situé à 469m de la Terre".
Dans le cadre de notre étude, nous allons rencontrer une première difficulté (nous verrons plus loin pourquoi c'en est une) qui est que ni la Terre ni la Lune ne parcourent un cercle. Il s'agit en effet d'une ellipse comme nous pouvons le voir sur la figure 2. Là aussi, les proportions ne sont pas respectées puisque ces ellipses sont très proches du cercle. Pour ce qui concerne la Lune qui nous intéresse particulièrement la distance Terre-Lune varie entre 356 400 km et 406 700 km.
Même si l'écart n'est pas très grand entre la distance mini et la distance maxi cela suffit à ce que sa vitesse autour de la Terre ne soit pas constante. En effet, selon une loi due à l'astronome Képler (1571-1630), elle va plus vite quand elle est proche de la Terre et plus lentement quand elle en est loin (30 % de la vitesse angulaire plus vite à la distance mini par rapport à la distance maxi). Notons cette particularité et continuons notre découverte.
Reprenons notre figure 1 à un autre instant (figure 3) :
À cet instant, la projection de la Lune dans le plan de l'écliptique se trouve exactement sur une ligne fictive passant par la Terre et le Soleil. Vue depuis la Terre, la face éclairée de la surface lunaire se trouve dans la direction opposée à la direction de la Terre. La Lune est donc complètement invisible pour un observateur. C'est la nouvelle Lune.
Faisons une petite expérience et tenons à bout de bras et en direction du Soleil une balle de tennis (Lune). La partie de la balle de tennis que nous voyons est entièrement à l'ombre.
Il faut bien comprendre que la définition de la nouvelle Lune (et donc des phases lunaires) est une définition géocentrique, portant sur la valeur de l'angle défini par la direction centre du Soleil-centre de la Terre et la direction projection du centre de la Lune dans le plan de l'écliptique - centre de la Terre. Cette définition géocentrique des phases donne donc un instant particulier qui est unique pour la nouvelle Lune. Les astronomes publient en général cet instant en temps universel coordonné (UTC). Bien évidemment cet instant unique exprimé en heure légale d'un pays peut décaler le phénomène d'un jour en avant ou en arrière en fonction du décalage horaire entre le pays et le temps universel. Il en est de même pour tous les phénomènes géocentriques. Par exemple un phénomène géocentrique ayant lieu à 23h 10m UTC a lieu à 0h 10m le lendemain en heure légale française si on est en période d'hiver et à 1h 10m si on est en période d'été.
Combien de temps s'écoule-t-il en moyenne entre deux nouvelles Lunes ? Cette « révolution synodique moyenne » (ou lunaison moyenne) dure 29,530588 jours soient 29 j 12 h 44 mn 2,8 s. Bien que ce ne soit pas notre propos, notons que cette lunaison ne correspond pas au temps moyen que met la Lune pour faire le tour de la Terre et revenir au même point (par rapport à une étoile). Cette révolution, dite « sidérale moyenne » est de 27,321661 jours. Il convient d'insister sur le fait que ces durées sont des durées moyennes et que les durées vraies (celles qui nous concernent dans l'observation du premier croissant) peuvent varier de +/- 7h par rapport à ces durées moyennes.
Ceux qui suivent (!!!) sont en train de se dire que, puisque tous les 29,5 jours environ la Lune se trouve entre le Soleil et la Terre, il devrait y avoir quelque part sur Terre une éclipse du Soleil. Ils ont bien suivi et c'est pourtant faux.
En effet, si au lieu de nous imaginer à la verticale du plan orbital terrestre comme dans la figure 1, nous nous imaginons les pieds sur le plan de l'écliptique, nous allons découvrir ceci (figure 4a) :
On peut constater, même si les proportions et les angles ne sont pas respectés, que le plan-orbital de la Lune n'est pas sur le plan de l'écliptique puisqu'il est incliné d'environ 5°.
C'est la raison pour laquelle nous avons parlé plus haut de « projection de la Lune dans le plan de l'écliptique ». Il est très rare que la Lune se trouve exactement sur la ligne centre du Soleil / centre de la Terre. Ce qui ne change rien à l'apparence (du point de vue partie éclairée) de la Lune. Élevons ou abaissons un peu notre balle de tennis par rapport à une ligne Yeux/Soleil et nous constaterons que nous ne voyons toujours que la partie ombre de la balle.
On constate aussi que plan équatorial terrestre est incliné de 23° environ par rapport au plan de l'écliptique.
Comme on peut le voir sur la figure 4b, les deux plans se coupent sur une ligne (appelée ligne des nœuds)
Et, pour simplifier, ce n'est que lorsque la Lune se trouve au voisinage de cette ligne au moment de la nouvelle Lune que ceux qui suivent (!!!) ont raison de penser qu'il y aura éclipse de Soleil. Les autres éclipses se « perdent dans l'espace » puisque la Terre n'est pas dans le prolongement d'une ligne fictive Soleil-Lune.
Pour en rajouter une couche aux difficultés de notre compréhension du mécanisme de fonctionnement du trio Soleil-Terre-Lune il faut dire que le plan-orbite de la Lune, et donc la ligne des nœuds, tourne dans le plan de l'écliptique (dans le sens inverse des aiguilles d'une montre) en 18,6 ans.
Ceux qui sont pressés (!!!) se demandent ce qu'on a à fiche de la nouvelle Lune puisque l'objet de notre intérêt est le premier croissant. Même si j'ai envie de leur dire que c'est moi qui écrit cette page et que je fais ce que je veux, je vais plutôt leur dire « ça vient, ça vient... »
Nous avons maintenant compris (figure 5) qu'il y a nouvelle Lune chaque fois que la projection de la Lune dans l'écliptique se trouve dans la direction Terre-Soleil. On dit alors que la Lune et le Soleil sont en conjonction et la Lune se couche et se lève presque en même temps que le Soleil.
Sur la figure 5a, il y a nouvelle Lune puisque le projection de la Lune sur le plan de l'écliptique coupe la ligne Terre/Soleil.
Sur la figure 5b, non seulement il y aura nouvelle Lune mais, en plus, éclipse du Soleil.
En revanche, si la Terre est entre le Soleil et la Lune, c'est alors la pleine Lune. On dit alors que la Lune et le Soleil sont en opposition. La Lune se lève lorsque le Soleil se couche et elle se couche lorsqu'il se lève. La face éclairée de la Lune est donc du côté Terre et elle est vue quasiment sous la forme d'un disque entier.
Que se passe-t-il entre ces deux phases extrêmes ?
En fait, c'est toujours la moitié de Lune qui fait face au Soleil qui est éclairée. Mais, de notre position d'observateur, nous allons voir progressivement une plus grande partie de cette face éclairée et on passera par toutes les phases de la Lune (dites phases croissantes) comme le montre la figure 6 (due à Patrick Rocher de l'IMCCE). On note aussi les phases dites décroissantes pour la période entre la pleine Lune et la nouvelle Lune suivante.
Pour résumer, c'est la position relative de l'observateur terrestre par rapport à la Lune qui provoque les phases. Tournons sur nous-mêmes avec notre balle de tennis, nous voyons de plus en plus de surface de la balle éclairée. Le balle est entièrement éclairé quand nous tournons le dos au Soleil… à condition de tenir la balle plus haut ou plus bas que le Soleil. Sinon, on va droit… à l'éclipse.
Ajoutons que les phases telles qu'elles sont dessinées sont schématiques et que la partie éclairée ne se présente pas toujours de la même manière selon les lieux même si c'est bien toujours la même partie.
Imaginons un observateur placé sur un axe perpendiculaire au plan de l'écliptique. Comment va-t-il voir la Lune à son premier quartier par exemple selon qu'il est aux alentours du point H (qui n'est pas le pôle nord du fait de l'inclinaison de la Terre sur le plan de l'écliptique), du point O et du point B ?
- Pour l'observateur placé au point H, la moitié droite de la Lune est visible et la Lune est à l'horizon. C'est la photo de gauche.
- Pour l'observateur placé au point O, la moitié inférieures de la Lune est visible et la Lune est au zénith. C'est la photo du centre.
- Pour l'observateur placé au point B, la moitié gauche de la Lune est visible et la Lune est à l'horizon. C'est la photo de droite.
Là aussi, comme pour les phases, nous avons toutes les possibilités de vision intermédiaire selon l'endroit où nous sommes et nous voyons une portion de Lune plus ou moins inclinée. Mais n'oublions pas que, quelque soit cet endroit, la surface éclairée est toujours la même.
Encore un peu d'astronomie : le premier croissant
Nous allons, dans cette partie, faire un zoom sur une période de quelques heures qui couvre la nouvelle Lune et le premier croissant de Lune visible (Hilaal) en nous posant quelques questions d'astronomie « pratique ».
Qu'est-ce que l'âge de la Lune ?
C'est l'intervalle de temps compté en jours et heures depuis la nouvelle Lune. Par exemple, on dit que la Lune est âgée de 14 jours lors de la pleine Lune
Que faut-il entendre par Mahaq ?
C'est la phase de nouvelle Lune. Normalement la nouvelle Lune est un instant précis. Par exemple, la nouvelle Lune de mai 2006 a eu lieu le 27 mai à 05h27m UTC.
Il n'en reste pas moins vrai que, pour un observateur sur Terre, la Lune ne sera pas visible pendant un certain temps qui varie de 30 heures environ (15 heures avant la nouvelle Lune et 15 heures après) à 50 heures environ. C'est cette période de « disparition » complète de la Lune quel que soit le lieu d'observation qu'on appelle Mahaq.
« Nouvelle Lune » ou « Nouvelles Lunes » ?
Nous avons vu dans la partie précédente (astronomie théorique, figure 5) qu'il n'y a qu'une nouvelle Lune pour tout le monde. C'est l'instant précis où la projection de la Lune dans le plan de l'écliptique se trouve exactement sur une ligne fictive passant par la Terre et le Soleil (conjonction).
Mais, cette définition astronomique est géocentrique (observateur placé au centre de la Terre). En pratique, nous sommes à la surface terrestre. Ainsi pour un observateur terrestre, l'alignement observateur - Soleil, observateur -- projection du centre de la Lune ne se fera pas à l'instant de la nouvelle Lune géocentrique. La différence peut atteindre plusieurs heures. De plus à cet instant la Lune peut très bien ne pas être levée. Ce phénomène est dû à la proximité de la Lune (les astronomes appellent cela la parallaxe) la différence entre la direction de la Lune vue depuis le centre de la Terre et la direction de la Lune vue depuis la surface terrestre peut atteindre 1° soit deux fois le diamètre lunaire.
La différence entre la direction de la Lune vue depuis le centre de la Terre et la direction de la Lune vue depuis la surface terrestre peut atteindre 1° soit deux fois le diamètre lunaire (ce qui correspond à plusieurs heures). Les astronomes appellent ce phénomène la parallaxe. Elle peut être comparée à celle des photographes (appareil non reflex) qui veut que l'objectif ne « voit » pas la même chose que le viseur. En l'occurrence le centre de l'objectif est le centre de la Terre et le viseur est l'observateur
Pour s'en convaincre, il suffit de se rappeler qu'une éclipse du Soleil n'est pas visible de toute la surface terrestre où il fait jour.
Or, souvenons-nous qu'une éclipse totale du Soleil n'est pas autre chose qu'une « nouvelle Lune visible ». Le problème sera donc le même pour l'observation du premier croissant (Hilaal).
Où chercher à voir Hilaal ?
Nous avons vu plus haut que lorsque la Lune et le Soleil sont en conjonction, la Lune se couche presque en même temps que le Soleil. Pour voir le premier croissant de Lune, il nous suffira donc, après avoir consulté un éphéméride donnant la date et l'heure de la nouvelle Lune (le site de l'IMCCE par exemple) de regarder chaque soir, une quinzaine de minutes après le coucher du Soleil, à droite et à gauche de l'endroit où il s'est couché pour apercevoir le croissant qui marquera le début du mois.
N'oublions pas que la Lune elle-même est en train de se coucher et, qu'après le premier croissant visible, elle disparaîtra vite sous l'horizon.
Les mois peuvent-ils avoir une longueur différente ?
Bien entendu. Entre deux premiers croissants il peut se passe 29 ou 30 jours et il se peut même qu'on compte plusieurs fois 29 ou 30 jours successivement.
Peut-on calculer le moment de la nouvelle Lune avec précision ?
Oui, sans aucun doute. Même si La Lune est fantasque dans sa trajectoire et ses déplacements les raisons des perturbations de ces derniers sont parfaitement connues et calculables.
Quels sont les phénomènes qui empêchent de voir Hilaal ?
Ils sont nombreux et peuvent est dus :
- Au manque d'habitude de l'observateur et/ou à son manque d'acuité visuelle
- A l'environnement ambiant (trop de lumière dans une ville, pollution, température de l'air au sol, horizon caché...)
- Au temps (ciel nuageux ou couvert...)
Quel est l'âge de la Lune lors de la visibilité du premier croissant ?
Il n'y a pas de réponse précise. Cet âge dépend en fait de la valeur d'un angle virtuel qui est formé entre le Soleil, l'observateur et la Lune (l'observateur étant au sommet de cet angle). On estime que cet angle (élongation) doit être de plus de 9° environ pour que la Lune soit assez éloignée du Soleil et que le croissant ne soit pas « noyé » dans la lumière du Soleil.
La visibilité du premier croissant dépend de plusieurs paramètres dont :
- L'angle de dépression du Soleil sur l'horizon (h sur le schéma)
- L'élongation (E sur le schéma)
- L'écart d'azimut Lune-Soleil (a sur le schéma)
- La distance Terre-Lune qui modifie le diamètre apparent de la Lune.
Or, nous avons vu plus haut que la vitesse de la Lune sur son orbite varie. Le temps mis par la Lune pour que l'élongation soit supérieure à 9° va donc aussi changer. On peut estimer que l'âge de la Lune à son premier croissant se trouvera dans une fourchette entre 17 heures et 23 heures. Il va, bien entendu, dépendre aussi des conditions d'observation signalées plus haut.
Pour la petite histoire notons que l'âge de la Lune lors de la visibilité du premier croissant fait l'objet d'un « livre des records », le « Records of Young Moon Sightings, Quarterly Journal of Royal Astronomical Society » (1993)
Hilaal est-il toujours de même surface ?
Entendons par « surface » le fait que le croissant pourrait être d'épaisseur variable. La réponse est NON.
Pour faire simple, oublions un instant ce que nous avons vu lors de la réponse précédente concernant la vitesse variable de la Lune sur son orbite.
Le jour 1, nous « ratons » le premier croissant de quelques minutes parce que, par exemple, l'élongation était trop faible. Il nous faudra donc attendre le jour 2 pour voir le premier croissant et, du coup, la partie de Lune visible sera plus épaisse que si nous avions pas attendu 24 heures de plus. Ce qui ne veut pas dire pour autant que nous serons au deuxième jour du mois mais bien le premier jour puisque le croissant ne sera vu que ce jour là.
Le premier croissant de Lune occupe-t-il un arc de 180 ° ?
La réponse est NON. Une expérience menée le 6 avril 1989 par Bradley E.Schaefer, Professeur de physique et d'astronomie au LSV (Louisiana State University) et portant sur 65 observations (dont 12 à l'œil nu) donne un arc moyen de 123°. Selon Bradley E.Schaefer cette visibilité partielle du croissant n'est pas due au relief de la Lune, ni à sa forme non parfaitement sphérique, ni aux turbulences atmosphériques troublant la visibilité des « cornes » mais au fait que la luminosité par unité de longueur est inférieure au seuil de la détection par des yeux humains.
Tout cela pour dire que l'observation de la visibilité de Hilaal sera rendue plus difficile puisqu'il ne faudra ne chercher à voir qu'une partie d'un croissant entier (68% environ).
Faut-il traiter ramadan de manière différente des autres mois ?
D'accord, ce n'est pas une question sur l'astronomie mais je ne savais pas où la mettre ailleurs.
La réponse est en théorie OUI. Ramadan est un mois qui débute et se termine selon les mêmes règles que les autres. Mais, en pratique, la réponse est plus nuancée parce que le début du mois marque le début du jeûne et que le début du mois suivant marque sa fin et la fête de l'Aïd el-Fitr. Ces deux événements étant des plus sérieux, nous verrons que le nombre de témoins de la visibilité du premier croissant en subi quelquefois des conséquences.
Coran, astronomie et Hilaal
Autant le dire tout de suite, ce n'est pas le Coran (al-Qur'an) qui va nous être très utile pour préciser la manière de définir le début des mois et les règles d'application. Et c'est normal : pour les musulmans, le Coran c'est la parole d'Allah au sens littéral et Allah ne va pas se mettre à définir des règles. Il dit le chemin à suive, pas comment on le suit.
C'est un peu comme demander au concile de Nicée de fixer les règles de la détermination de la date de Pâques (voir l'étude à ce sujet)
Nous allons quand même lire quelques versets de sourates (chapitres), justement pour voir le chemin à suivre et, surtout, ce qu'il dit de l'astronomie. Doit-on la rejeter ?
Souvenons-nous, pour commencer, des versets que nous avons déjà lus dans la page réservée au calendrier musulman :
Le Soleil est source de lumière et la Lune est juste éclairée
105-5 : C'est Lui qui a fait du soleil une clarté et de la lune une lumière, et Il en a déterminé les phases afin que vous sachiez le nombre des années et le calcul (du temps). Allah n'a créé cela qu'en toute vérité. Il expose les signes pour les gens doués de savoir.
25-61 : Que soit béni Celui qui a placé au ciel des constellations et y a placé un luminaire (le soleil) et aussi une lune éclairante !
La Lune est la mesure des mois
2:189 : Ils t'interrogent sur les nouvelles lunes - Dis : « Elles servent aux gens pour compter le temps, et aussi pour le Hajj [pèlerinage]... »
C'est donc bien la Lune qui va nous permettre de déterminer la longueur des mois.
Il y a 12 mois et il n'est pas question de mois intercalaires
9:36-37 : Le nombre de mois, auprès d'Allah, est de douze [mois], dans la prescription d'Allah, le jour où Il créa les cieux et la terre... Le report d'un mois sacré à un autre est un surcroît de mécréance. Par là, les mécréants sont égarés : une année, ils le font profane, et une année, ils le font sacré, afin d'ajuster le nombre de mois qu'Allah a fait sacrés. Ainsi rendent-ils profane ce qu'Allah a fait sacré. Leurs méfaits leurs sont enjolivés. Et Allah ne guide pas les gens mécréants.
Allah créa le Soleil et la Lune et ils en firent les sujets de hommes. Ni l'un ni l'autre ne doivent être vénérés
5-3 : . ... Aujourd'hui, J'ai parachevé pour vous votre religion, et accompli sur vous Mon bienfait. Et J'agrée l'Islam comme religion pour vous...
14:32-33 : Allah, c'est Lui qui a crée les cieux et la terre et qui, du ciel, a fait descendre l'eau; grâce à laquelle Il a produit des fruits pour vous nourrir. Il a soumis à votre service les vaisseaux qui, par Son ordre, voguent sur la mer. Et Il a soumis à votre service les rivières. Et pour vous, Il a assujetti le soleil et la lune à une perpétuelle révolution. Et Il vous a assujetti la nuit et le jour.
41:37 : Parmi Ses merveilles, sont la nuit et le jour, le soleil et la lune : ne vous prosternez ni devant le soleil, ni devant la lune, mais prosternez-vous devant Allah qui les a créés, si c'est Lui que vous adorez.
La pleine Lune
84:18 : et par la lune quand elle devient pleine-lune !
La lune suit le soleil
91:1-2 : Par le soleil et par sa clarté ! Et par la lune quand elle le suit !
Maintenant, voyons ce que dit le Coran de l'astronomie :
Le Big Bang - Création des cieux et de la Terre
2:117 : Il est le Créateur des cieux et de la terre à partir du néant ! Lorsqu'Il décide une chose, Il dit seulement :« Sois », et elle est aussitôt.
A chaque corps céleste son orbite
21:33 : Et c'est Lui qui a créé la nuit et le jour, le soleil et la lune, chacun voguant dans une orbite.
A chaque corps céleste sa fonction
36:39-40 : Et la lune, Nous lui avons déterminé des phases jusqu'à ce qu'elle devienne comme la palme vieillie . Le soleil ne peut rattraper la lune, ni la nuit devancer le jour; et chacun vogue dans une orbite.
La Lune, le Soleil et les étoiles obéissent à des règles fixées par Allah
39:5 : Il a créé les cieux et la terre en toute vérité. Il enroule la nuit sur le jour et enroule le jour sur la nuit, et Il a assujetti le soleil et la lune à poursuivre chacun sa course pour un terme fixé. C'est bien Lui le Puissant, le Grand Pardonneur !
55:05 : Le soleil et la lune [évoluent] selon un calcul [minutieux]
29:61 : Si tu leur demandes : « Qui a créé les cieux et la terre, et assujetti le soleil et la lune ? », ils diront très certainement : « Allah ». Comment se fait-il qu'ensuite ils se détournent (du chemin droit) ?
L'univers est en expansion
51:47 : Le ciel, Nous l'avons construit par Notre puissance : et Nous l'étendons [constamment]: dans l'immensité.
Le Début du jour
2-187. [...] mangez et buvez jusqu'à ce que se distingue, pour vous, le fil blanc de l'aube du fil noir de la nuit. Puis accomplissez le jeûne jusqu'à la nuit. [...]
Le problème
On peut le décomposer en deux questions :
- Le premier croissant doit-il simplement être obligatoirement vu ou peut-il résulter de calculs astronomiques ?
- Lorsque le premier croissant a été vu par un musulman dans un lieu donné, le mois commence-t-il seulement pour les musulmans de ce lieu ou doit-il aussi commencer pour tous les musulmans du monde (compte tenu, bien entendu, du décalage horaire) ?
Nous n'allons pas répondre catégoriquement à ces deux questions. Plus modestement, nous allons, après les avoir posées, nous contenter de donner les arguments des uns et des autres en faveur de telle ou telle réponse. Après, chacun se fera sa propre opinion.
Avant de nous lancer dans l'étude des points de vue des uns et des autres, nous allons tout d'abord faire encore un peu de lecture.
En effet, nous avons vu que le Coran, s'il nous donne les règles de la structure du calendrier, ne dit absolument rien sur la manière de commencer un nouveau mois (ramadan en particulier). Où donc allons nous chercher les règles que les uns et les autres veulent appliquer ?
Tout simplement dans les Hadiths.
Nous n'allons pas ici nous lancer sur la composition et les échelles de classification des Hadiths (dans le sens « authenticité »). Ceux qui veulent en savoir plus sur les Hadiths liront avec profit les explications sur le sujet très claires qui sont données ici.
En ce qui nous concerne, nous allons nous contenter d'un descriptif donné dans l'Encyclopædia Universalis :
Mot arabe qui signifie récit, propos ou communication, hadith est utilisé pour désigner plus particulièrement les propos tenus par le prophète Mahomet. Au début, il avait son sens le plus étroit, se limitant aux communications orales faites par le Prophète. Ensuite, on l'employa pour désigner toute tradition rapportant les paroles (aqwal) ou les actes (af‘al) du Prophète ou son approbation tacite (taqrir) de paroles prononcées ou d'actes accomplis en sa présence. Al-hadith a donc fini par englober toute la tradition musulmane (sunna). Originellement les deux notions hadith et sunna ont des sens distincts. La seconde, dans la terminologie des jurisconsultes musulmans (al-fuqaha'), désigne l'usage en vigueur dans la communauté musulmane concernant un point de droit ou de religion, qu'il y ait eu ou non à ce sujet communication orale du Prophète ; la sunna, dans ce sens, s'oppose à la bid‘a (innovation hérétique).
Ceci étant fait, listons quelques hadiths (certains sont des doublons qui ne changent que par leur(s) rapporteur(s)) qui évoquent notre problème et ses deux questions.
Comme nous allons utiliser ces hadiths par la suite et qu'il serait fastidieux de les recopier, je les ai référencés H1, H2... Ces références n'ont aucune valeur en dehors de cette page.
H1 "Jeûnez quand vous voyez le croissant. Si vous ne l'apercevez pas, complétez donc à trente jours le mois de Sha'ban. Et rompez votre jeune à la vue du croissant. Si vous ne l'apercevez pas, jeûnez trente jours". Rapporté par Al-Bukhari (1220) et Muslim (2378-2379-...)
H2 « Si deux témoins musulmans témoignent [qu'ils l'ont vu] alors jeûnez ou rompez votre jeûne » Rapporté par Ahmad, Nassa'i et ad-Daraquni.
H3 "Les gens cherchaient le croissant. J'ai informé le prophète -qu'Allah prie sur lui et le salue - que je l'avais vu. Il a donc jeûné et ordonné aux gens de jeûner". Rapporté par Abu Dawud et d'autres. Narrateur : Ibn'Umar.
H4 "Un bédouin vint au Prophète (Paix sur lui) et dit : j'ai vu le croissant de Lune. Al-Hasan ajoute dans sa version : celle de ramadan. Il demanda : certifies-tu qu'il n'y a pas d'autre dieu qu'Allah ?. Il répondit : oui. Il demanda à nouveau : Certifies-tu que Muhammaad est l'apôtre d'Allah ? Il répondit : Oui et il témoigna avoir vu le croissant de Lune. Il dit : Bilal, annonce aux gens qu'il doivent jeûner demain. Narrateur Abdullah ibn Abbas". Rapporté par Abu Dawud.
H5 "Nous sommes une Nation illettrée. Nous n’écrivons pas et ne comptons pas. Les mois sont comme ceci et comme cela, c’est-à-dire une fois 29 jours et une autre 30". Rapporté par Al-Bukhari et Muslim.
H6 "Abu Hurayra, `Aisha et d'autres ont rapporté que le messager – qu’Allah prie sur lui et le salue - a dit : « Le jeûne commence le jour où vous commencez à jeûner; Al-Fitr [‘Id] est le jour où vous rompez votre jeûne; Al-Adha [‘Id] est le jour où vous sacrifiez." Rapporté par Abû Dawud, At-Tirmidhi et d'autres
H7 Kurayb dit : 'Umm Al-Fadhl, fille de Harith, l’a envoyé (Fadl, son fils) en mission chez Mu`awiya à Damas. Il (Fadl) accomplit sa mission et était toujours dans le Sham quand débuta Ramadan. Il vit la nouvelle lune vendredi soir. Il retourna alors à Al-Madina, arrivant là-bas vers la fin du mois. Il rencontra Ibn `Abbas qui lui demanda quand était l’observation de la nouvelle lune de Ramadan dans le Sham. Kurayb dit : « Nous l'avons vu la nuit de vendredi. » Ibn Abbas demanda : « L'as-tu vu de toi-même ? » Kurayb répondit : « Oui je l'ai vu; et les gens aussi. Donc, ils jeûnèrent et Mua`wiya jeûna aussi. » Sur quoi Ibn Abbas dit : « Mais nous l'avons vu la nuit de samedi; et soit nous continuerons à jeûner trente jours, soit nous la verrons [la nouvelle lune de Shawwal]. » Kurayb demanda : « N’acceptes-tu pas l’observation de Mu`awiya et son jeûne. Ibn Abbas répondit : Non! C'est comme le messager d’Allah nous l’a commandés. ». Narrateur Abdullah ibn Abbas. Rapporté par Muslim.
Observation ou calcul ?
Pour préciser, il y a de farouches partisans de la seule vision directe (à l'œil nu) du premier croissant. D'autres, au contraire voudraient y substituer le calcul astronomique. Enfin, certains sont partisans de l'une et de l'autre, l'autre (le calcul) venant en aide à la vision pour confirmer sa validité.
1) Les arguments
a) pour la vision directe
Les partisans de la vision directe n'ont pas d'arguments. Tout simplement parce qu'ils estiment qu'ils n'ont pas à en avoir et qu'il suffit d'appliquer la Loi Islamique. Cette loi est basée sur des sources connues et exclusives : Coran, Sunna, ijmâ' as-sahâbas et qyâs.
Or, le calcul astronomique n'est évoqué dans aucune de ces sources.
H1 est précis et on ne peut plus clair : "... quand vous voyez le croissant". Et quand on lit dans la Coran « Aujourd'hui, J'ai parachevé pour vous votre religion » (5-3) le problème semble définitivement réglé et la Loi islamique « bouclée ».
b) pour le calcul astronomique
Les partisans de cette méthode font une lecture différente de H5. Selon eux, quand le Prophète dit « Nous sommes une Nation illettrée. Nous n’écrivons pas et ne comptons pas », il n'énonce pas une règle mais fait simplement le constat de la situation de l'époque.
De ce fait, un changement de contexte peut très bien entraîner un changement dans la règle. Comme le calcul astronomique est aujourd'hui parfaitement maîtrisé, il n'y aurait pas de mal à faire appel au calcul et aux tables pour déterminer le début des mois.
Sans oublier qu'un calendrier pré-calculé ne serait pas sans intérêt dans la vie religieuse comme dans la vie économique puisqu'il permettrait une meilleure organisation du temps.
c) Vision validée par le calcul
Il n'y a pas d'autre argument que de « déclarer nulle toute observation considérée comme impossible par la science » Assoubki XIVe siècle.
Et, pour citer un texte plus récent : "... le témoignage hypothétique de témoins ne peut s'opposer à des données scientifiques sûres, selon l'unanimité de tous les savants".
Bref, on prend ce qu'il y de meilleur (ou de pire !) dans les deux systèmes et on amalgame.
2) Les méthodes
a) Vision directe
La méthode est on ne peut plus simple et ne devrait causer aucun problème. Et pourtant...
Il suffit de se fier à ses yeux pour observer le premier croissant. Cette observation se fait à l'œil nu à l'exclusion de tout instrument (jumelles, télescope...)
Ce qui n'empêche pas que certains, plus « modernes » ou moins « respectueux » selon le point de vue où l'on se place, utilisent ces instruments et on sait à quel point, dans le passé, musulman, l'observation astronomique avait une réputation que personne ne conteste. Citons, pour mémoire, des astronomes comme Ibn Tariq (796 av. J.-C.), al-Khawarizmi (752-821), al-Djawhari (VIIIe-IXe siècles),Thâbit Ibn Qurra (836-871), al-Batâni (848-888), Az-Zarqali (983-1050), Ibn Abi Ridjal (896-1031), Abu al-Wafa (897-959), Al-Biruni (942-1016), Ibn al-Haytham (965-1031), 'Atir ad--Din al Bahri (1012-1050), Nasîr al-Dîn al-Tûsî (1174-1242), Abû-Sukhr al-Maghribi, Ibn ach-Chatir (1277-1345).
Le problème ne vient donc pas des compétences mais d'une question marginale qui, curieusement, ne semble pas avoir de fondement historique : combien de témoins de la visibilité du premier croissant faut-il pour valider le début d'un mois lunaire ?
Nous n'allons pas passer en revue les différentes opinions admises qui sont trop nombreuses (un témoin, deux témoins, un témoins pour le début de ramadan mais deux pour le début de chawal, hommes, femmes...).
Il semble, d'après les hadiths H1 (Jeûnez quand vous voyez le croissant... Et rompez votre jeune à la vue du croissant) et H4 (Un bédouin vint au Prophète (Paix sur lui) et dit : j'ai vu le croissant de Lune. Il [le prophète] dit : Bilal, annonce aux gens qu'il doivent jeûner demain.) qu'il n'y ait pas lieu de traiter de manières différentes le début d'un mois et celui d'un autre (même si c'est pour rompre le jeûne) et qu'un seul témoin suffise. Si on lit de près H4, on constate que le fait que ce témoin soit un « homme juste » est plus important que le nombre minimum de témoins sachant que les témoins doivent prononcer la chahâda (attestation de foi) lors de leur témoignage.
Ce que pratiquent et décident les religieux d'ici ou là est un autre problème qui n'est pas de notre ressort. Comme il n'est pas de notre ressort de décider s'il faut ou non suivre un ordre étatique pour commencer ou finir le jeûne. Seul le calendrier est l'objet de cette étude, pas le jeûne de ramadan.
b) Calcul astronomique
Cette notion de « calcul astronomique » tend à nous faire penser que ces calculs vont nous donner la date et l'heure exactes du premier croissant.
Ce n'est pas exact. Le calcul astronomique peut nous donner l'heure exacte (à quelques minutes près) de la conjonction Lune/Soleil pour un observateur qui se trouverait au centre de la Terre.
Mais, nous avons vu plus haut que l'observation de hilaal fait appel à des critères météorologiques (ciel couvert, nuages...) et physiologiques (quand un œil humain est-il capable de discerner un fin croissant lumineux ?)
Le seul moyen pour tenter d'arriver à des résultats est de multiplier les expériences et d'essayer de créer des modèles comme on crée des modèles météorologiques pour tenter de savoir quel temps il fera demain ou plus tard.
C'est pourquoi il serait plus exact de parler de « prévisions de visibilité du premier croissant » que de « calculs astronomiques ». Le but, en fait, est de simuler l'œil humain en fabriquant un œil artificiel moyen qui s'affranchirait de toute notion de temps au sens météorologique du terme.
Et, bien entendu, selon les critères physiologiques retenus, on arrivera à différentes méthodes dont nous allons brièvement suivre l'évolution au fil des siècles dans le tableau suivant.
Époque et/ou nom du critère | Date | Critère |
---|---|---|
Époque Babylonienne | 500 ap. J.-C. | Age de la Lune > 24 h délai coucher Lune/coucher Soleil > 48 m |
Astronomes musulmans : Ibn Tariq, Habash, Al-Khwarizmi, Al-Farghani, Al-Battani | 700-1100 | Création de tables de calculs. Critères basés sur l'altitude de la Lune au coucher du Soleil et au délai coucher Lune/coucher Soleil |
Fotheringham | 1910 | Altitude de la Lune au coucher du Soleil. Azimut relatif entre Lune et Soleil |
Maunder | 1911 | Affine la méthode Fotheringham |
Scientifiques indiens | 1970 | Affinent la méthode Maunder |
Bruin | 1977 | Altitude de la Lune au coucher du Soleil. Épaisseur du croissant |
Ilyas A | 1984 | Altitude de la Lune au coucher du Soleil. Séparation angulaire entre la Lune et le Soleil |
Ilyas B | Variante de la méthode babylonienne avec compensation des latitudes | |
Ilyas C | 1988 | Modification de Ilyas A |
RGO (Royal Greenwich Observatory) | 1980 | basé sur le meilleur moment et le meilleur lieu pour observer le premier croissant. |
SAAO (observatoire astronomique d'Afrique du sud) | ???? | Altitude de la Lune. Azimut relatif entre Lune et Soleil |
CFCO (Committee for Crescent Observation Intl.) | 1979 | Altitude, Élongation, délai couchers |
Shaukat | 1995 | Altitude topocentrique de la Lune. Épaisseur du croissant |
Yallop | 1997/1998 | Altitude géocentrique relative de la Lune. Épaisseur du croissant |
Mohammad Odeh | 20?? | Altitude topocentrique relative Lune/Soleil ? Épaisseur du croissant ?. |
Logiciels associés
Il existe quelques logiciels qui permettent d'appliquer ces critères et de visualiser, sous forme de courbes colorées, les possibilités de voir ou pas... ou peut-être... le premier croissant selon la date, l'heure et le lieu de l'observation. Attention, les préférences ne sont pas évidentes à paramétrer.
Nous allons nous contenter d'en citer deux :
Mooncalc (sous DOS) de Monzur Ahmed est certainement le plus connu. Il intègre tous les critères du tableau précédent sauf Odeh. Cliquez ici pour télécharger la version 6.0, vous aurez besoin de DOSBox pour lancer ce vieux programme. Téléchargez DOSBox ici ou bien le logiciel LaunchBox qui contient DOSBox.
Accurate Times de Mohammad Odeh intègre les critères Odeh, Yallop et SAAO. On le trouve ici https://www.astronomycenter.net/accut.html?l=en, vous pouvez aussi cliquer ici pour le télécharger directement.
c) Calcul et observation
Comme nous l'avons deviné, elle consiste à utiliser partiellement les « calculs astronomiques » pour déterminer les possibilités d'observation de hilaal et écarter les affirmations de vision fantaisistes.
Encore faut-il savoir quelle méthode de calcul est utilisée.
La France, par exemple, s'en tient à ce qui a été décidé par le Conseil Européen de la Fatwa sans qu'on sache trop quelle méthode est appliquée... et sans qu'il semble possible d'en savoir plus. En effet, un de mes correspondants internaute n'a obtenu aucune réponse à une question posée sur le sujet à l'UOIF. C'est bien dommage.
On peut lire sur un calendrier publié par l'UOIF pour le début des mois de Mouharam et Safar 1427 :
"Mouharam. Conformément aux données astronomiques universelles, la naissance de la nouvelle lune du mois de Mouharam aura lieu le 29/01/06 à 14h15 GMT(15h15 heure de Paris). De ce fait, la vision du croissant lunaire du mois de Mouharam ne sera pas possible le soir du 29/01/06.
Suivant l'avis du Conseil Européen de la Fatwa réuni les 19-21 mai 1999 à Cologne, l'UOIF annonce aux musulmans de France que le premier jour du mois de Mouharam sera le 31/01/06"
"Safar.
Conformément aux données astronomiques universelles, la naissance de la nouvelle lune du mois de Safar aura lieu le 28/02/06 à 00h33 GMT(01h33 heure de Paris). De ce fait, la vision du croissant lunaire du mois de Safar ne sera pas possible le soir du 28/02/06.
Suivant l'avis du Conseil Européen de la Fatwa réuni les 19-21 mai 1999 à Cologne, l'UOIF annonce aux musulmans de France que le premier jour du mois de Safar sera le 01/03/06".
On constate que cette méthode à la française semble n'utiliser aucun des critères dont nous avons dressé le tableau et se contente des date et heure de la conjonction (nouvelle Lune) géocentrique publiées (par L'IMCCE par exemple). Pour ma part, je trouve que c'est un peu tomber dans une facilité bien mystérieuse d'ailleurs puisque pour une nouvelle Lune le 29/01/06 à 14h15 GMT(15h15 heure de Paris) il faut attendre deux jours pour débuter un mois alors qu'il ne faut qu'un jour lorsque la nouvelle Lune est le 28/02/06 à 00h33 GMT(01h33 heure de Paris) ???
Un seul lieu ou plusieurs ?
Précisons un peu la question : la vision du croissant dans une contrée implique-t-elle que toutes les contrées du monde doivent commencer le mois ? Bien entendu, le décalage horaire n'est pas en cause et doit être régulièrement pris en compte.
Cette question concerne le début du mois et, par conséquent, le début du jeûne. Notre sujet étant consacré aux calendriers, nous nous en tiendrons à l'aspect « début du mois ».
Nous n'allons certainement pas trouver une réponse à ce débat qui n'en finit pas et n'est pas près de se terminer. Nous allons juste poser le problème au travers d'un texte dont l'interprétation est délicate. Il s'agit de H7 que nous citons à nouveau :
... Kurayb dit : « Nous l'avons vu la nuit de vendredi. » Ibn Abbas demanda : « L'as-tu vu de toi-même ? » Kurayb répondit : « Oui je l'ai vu; et les gens aussi. Donc, ils jeûnèrent et Mua`wiya jeûna aussi. » Sur quoi Ibn Abbas dit : « Mais nous l'avons vu la nuit de samedi; et soit nous continuerons à jeûner trente jours, soit nous la verrons [la nouvelle lune de Shawwal]. » Kurayb demanda : « N’acceptes-tu pas l’observation de Mu`awiya et son jeûne. Ibn Abbas répondit : Non! C'est comme le messager d’Allah nous l’a commandés. »
Comment faut-il interpréter cette dernière phrase « Non! C'est comme le messager d’Allah nous l’a commandés. » ?
- Première interprétation : Ibn Abbas voulait dire que le Prophète avait déclaré que chaque région doit avoir sa vision du croissant.
- Deuxième interprétation : Ibn Abbas rappelait la règle qui veut qu'il faut voir le croissant pour que le mois débute et en aurait fait sa propre interprétation qui serait que, si le mois débute quand on a vu de ses yeux le croissant, on ne peut pas le faire commencer un jour où nous ne l'avons pas vu dans notre région.
On peut donc en tirer deux avis :
- Soit on retient la première interprétation, soit en est d'accord avec Ibn Abbas sur le sujet dans la seconde interprétation et il faut en conclure que la vision du croissant en un lieu donné n'est valable que pour les musulmans de la région.
- soit on n'est pas d'accord avec Ibn Abbas dans la seconde interprétation et on considère que le Prophète, lorsqu'il disait « Commencez en le voyant... », s'adressait à toute la communauté musulmane. Il faut donc en conclure que la vision du croissant par des musulmans d'un lieu donné est valable pour les musulmans de toute la terre.
Et les deux avis coexistent aujourd'hui. S'agissant d'interprétations, il est quasi impossible de dire qui a raison.
En guise de conclusion
Problèmes dus à la détermination de la date de visibilité du premier croissant.
Problèmes dus à au caractère local ou universel de cette date.
Reconnaissons qu'il est délicat d'utiliser un calendrier qui ne débute pas forcement ses mois le même jour. Pour un calendrier civil, c'est même plus que délicat.
Et pour un calendrier religieux ?... Euh... petite question : Même si le contexte est un peu différent, les Chrétiens ont-ils toujours fêté et fêtent-ils toujours Pâques le même jour ? (voir l'étude sur Nicée)