- Accueil
- À ne pas manquer
- Calendriers Saga
- Études thématiques
- Période julienne et jour julien
Si vous avez lu quelques pages de ce site consacrées aux calendriers, vous vous êtes, comme moi, certainement dit qu'il est difficile de s'y retrouver dans la chronologie de certains événements datés dans différents calendriers. Difficile de compter les jours d'un événement à un autre. Difficile de savoir quel événement a précédé tel autre.
Et pourtant, il existe certains événements, astronomiques notamment, pour lesquels il n'est pas besoin de connaître l'année, le mois, le jour de la semaine ou le rang du mois où ils se sont produits. Il suffirait d'avoir une numérotation continue des jours à partir d'un jour « zéro » pour s'y retrouver indépendamment de tout calendrier.
Par exemple, une éclipse totale du soleil s'est produite à Paris le 2340880 ème jour à partir du jour zéro. Une autre s'est produite le 2437346 ème jour. J'en sais assez pour déterminer le nombre de jours entre les deux éclipses et laquelle a eu lieu la première.
Et bien, ce système de numérotation continue et décimale existe bel et bien : ce fameux « jour à partir de zéro » existe. C'est le Jour Julien.
Je vous propose, dans cette étude, de voir comment il est né et a évolué.
Bien entendu, nous avons déjà tous compris l'intérêt d'une telle numérotation pour concevoir des outils de conversion entre calendriers. Il suffit de convertir la date du premier calendrier en « jour julien » et de convertir ce « jour julien » en date du second calendrier. Et le tour est joué.
1) Première étape : la période julienne
On doit à Joseph Justus Scaliger d'avoir posé les premiers jalons de cette histoire.
Courtes biographies
J.J. Scaliger n'était pas le fils d'un inconnu. Il était, en effet, celui de Giulio Cesare Scaligero (Jules César Scaliger), immense érudit qui fit l'étonnement de ses contemporains.
Office du tourisme d'Agen : Giulio Cesare Scaligero est né le 22 avril 1484 à Riva au bord du lac de Garde. Il prétendait descendre de la famille Della Scala, qui domina Vérone aux XIIIème et XIVème siècles, ce qui reste encore très controversé. On sait peu de choses sur sa jeunesse et sa formation. Il quitta l'Italie et, accompagnant Léonard de La Rovere, évêque d'Agen et neveu de Jules II, séjourna une première fois à Agen. Il s'y fixe définitivement en 1525 en qualité de médecin d'Antoine de La Rovere, neveu et héritier du précédent, qui est nommé au siège épiscopal. Il se marie à la jeune Audiète de La Roque Loubejac et, par ce mariage, s'allie aux Secondat. Il est, tour à tour, consul en 1532 et jurat (1535-1536) de la ville. Rapidement, il s'impose par sa grande érudition et la finesse de son intelligence.
Il débuta sa carrière d'humaniste en 1531 avec la rédaction de deux discours (Oratio pro Cicerone contra Erasmus), violente controverse contre Erasme et ceux qui dénigraient le style de Cicéron. Il traduisit en latin des ouvrages scientifiques d'Hippocrate, Aristote et Théophraste. C'est à Agen qu'il rédigea plusieurs de ses œuvres fondamentales : De causis linguae latinae libri (1540), grammaire latine, et Poetices libri (1561), commentaire de la Poétique d'Aristote.
Botaniste éminent, il donnait beaucoup d'importance à la médecine par les plantes et partageait ses connaissances avec son confrère et concitoyen Nostradamus dont le savoir en la matière était davantage destiné à l'esthétique et à la beauté du corps. Scaliger exprima également la nécessité d'abandonner la classification des plantes basée sur leurs propriétés au profit d'une basée sur leurs caractéristiques distinctives.
Jules César Scaliger mourut le 12 novembre 1558 et fut inhumé selon sa volonté dans la chapelle du couvent des Augustins (église Saint Hilaire actuelle). En mai 1792, les révolutionnaires violèrent sa tombe et les restes furent recueillis par un médecin agenais, Rivière, et sa famille les conserva jusqu'en 1871. En 1951, la Société Académique d'Agen tranférèrent les reliques dans un mausolée toujours situé au cimetière de Gaillard.
Son œuvre immense exerça une influence capitale sur la formation, en France, de la doctrine littéraire classique, des règles de la tragédie et Boileau s'inspirera de son art poétique.
Puis, arrive celui qui nous intéresse, Joseph Justus Scaliger le 5 août 1540.
Il a mis un peu de temps pour venir au monde puisqu'il est le dixième enfant de la famille Scaliger et cinquième fils. C'est Agen qui le voit naître.
À 11 ans, son père l'envoie étudier au Collège de Guyenne, à Bordeaux, avec ses frères. Pendant trois ans, il y étudie le latin. Puis, il se rend à Paris où il apprend le grec, l'hébreu et l'arabe.
En 1563 il devient le précepteur de Louis de Chasteigner de La Roche-Posay d'Albian qui restera son protecteur pendant plus de 30 ans. Il voyage alors dans toute l'Europe et se convertit au protestantisme.
Après la Saint-Barthélemy, il part se réfugier à Genève ou il enseigne la philosophie pendant deux ans (1572-1574)
De retour en France, sous la protection de la famille d'Albian, il édite et commente des auteurs latins et de l'Antiquité (Catulle, Tiburce, Properce) et, entre autres les Astronomiques de Marcus Manilus.
En 1593, il est nommé professeur d'histoire à l'université de Leyde en Hollande. Il y enseigne jusqu'à sa mort le 21 janvier 1609.
Deux de ses ouvrages nous concernent dans cette étude : « De Emendatione temporum » (1583) où il définit sa notion de période julienne et « Thesaurus temporum » (1606) où il impose la chronologie comme science historique.
La période julienne de Scaliger
Quelle fut la contribution de J.J. Scaliger à la création du jour julien ? La réponse est simple : il imagina la Période Julienne.
Il partit de trois cycles dont deux étaient utilisés pour le calcul de la date de Pâques dans le calendrier julien.
- Le cycle solaire d'une période de 28 ans qui représente, dans le calendrier julien, l'intervalle de temps pour qu'une même date corresponde au même jour de la semaine.
- Le nombre d'or d'une période de 19 ans qui correspond au cycle de Méton. C'est, pour rappel, l'intervalle de temps qu'il faut aux phases de la lune pour se retrouver aux mêmes dates de l'année solaire.
- L'indiction romaine d'une période de 15 ans. Elle n'a aucune signification astronomique et doit son existence à l'empereur Dioclétien. À son issue, on révisait l’impôt foncier. Sous Constantin, l’indiction est devenue une période chronologique, désignant à la fois la période de 15 ans et le rang d’une année dans cette période. Elle n'est pas utilisée dans le calcul de la date de Pâques. Pourquoi alors Scaliger la prit-il en compte ? Certainement parce qu'elle était d'un usage courant et servait à dater les différents documents officiels de l'Église.
Au passage, remarquons que ces trois cycles apparaissent encore dans notre calendrier des postes.
Le cycle solaire, le Nombre d'or et l'Indiction romaine figurent encore dans notre calendrier de La Poste
Nous avons donc trois nombres : 28 - 19 - 15. Ces nombres sont premiers entre eux. Leur p.g.c.d est donc 1. Quand au p.p.c.m il est de 28 X 19 X 15 = 7980. Euh... n'hésitez pas à me dire si je me trompe parce que les p.g.c.d et les p.p.c.m, c'est un peu loin dans ma mémoire.
Nous tenons donc notre période julienne : c'est une période de 7980 ans au cours de laquelle une année exprimée dans les trois valeurs ne se retrouvera qu'une fois. Par exemple, pour 2003 (24,9,11) = 24 ème année du Cycle solaire, Nombre d'or = 9, 11 ème année de l'Indiction.
Il ne restait à Scaliger plus qu'à déterminer l'année julienne correspondant à l'origine du cycle (1,1,1) et celle correspondant à sa fin (28,19,15) pour tenir sa période julienne. Partant de l'année de naissance du Christ (9,1,3), il détermina l'année (1,1,1) était le 1 janvier 4713 av. J.-C. ce qui correspond maintenant à -4712.
Quoi ??? pensez-vous si haut que je l'entends. 4713 = 4712 ?? Eh oui ! je vous rappelle que, avant J.Cassini (1740), les astronomes n'utilisaient pas la notation algébrique des années et ne tenaient donc pas compte d'une année zéro. Un petit tableau pour illustrer ce que j'avance.
Avant Cassini | Après Cassini |
---|---|
5 av. J.-C. | année - 4 bissextile |
4 av. J.-C. | année - 3 |
3 av. J.-C. | année - 2 |
2 av. J.-C. | année - 1 |
1 av. J.-C. | année 0 bissextile |
1 ap. J.-C | année +1 |
2 ap. J.-C | année +2 |
La période julienne se terminera le 01/01/3268 (calendrier julien) soit le 23/01/3268 (calendrier grégorien).
On peut vérifier les limites des années de la période julienne dans Excel ou autre, sachant que :
- indiction = (reste le l'année +2) /15 + 1. ex. pour 2003 : (2003 + 2) MOD 15 + 1 = 11
- nombre d'or = (reste le l'année /19) + 1. ex. pour 2003 : (2003 MOD 19) + 1 = 9
- cycle solaire : (reste le l'année +8) /28 + 1. ex. pour 2003 : (2003 + 8) MOD 28 + 1 = 24
Vous allez me dire que c'est simple à faire et qu'il n'y avait pas besoin de J.J. Scaliger pour en arriver là. À quoi je répondrai que faire les calculs manuellement et en chiffres romains, c'est une autre paire de manches. C'est une des raisons pour lesquelles il a fallu attendre le XVI ème siècle et une bonne maîtrise du système décimal pour « inventer » la période julienne.
Ceci étant dit, J.J. Scaliger ne semble pas avoir été le premier à mentionner un cycle de 7980 ans. En effet, en 1176, Roger, évêque du Comté de Hereford (Angleterre) écrit dans son ouvrage Compotos que « ces trois cycles... ne reviennent pas ensemble avant 7980 années ». En revanche, il semble pas avoir donné l'année de début de la période.
Selon R. L. Reese et al. (« New evidence concerning the origin of the Julian period », Américan Journal of Physics vol.58), un précédent évêque de Hereford, Robert de Losinga, en 1086 aurait déjà combiné les trois cycles dans un « grand cycle [ciclum de magnum] » de 7980 ans ...En revanche, Robert de Losinga fait débuter le cycle en 1086 ap. J.-C.
Au fait, et pour en terminer avec J.J. Scaliger, pourquoi ce dernier a-t-il baptisé ce cycle « Période Julienne » ?
Contrairement à ce qu'on peut encore lire ici ou là, ce n'est pas en l'honneur de son père Julius mais bien par analogie avec l'année julienne puisque l'année de la période julienne est de même longueur que l'année du calendrier julien (365,25 jours) ce qui fait que la période julienne comporte 7980 X 365,25 = 2 914 695 jours.
Dans son « De Emandation e Temporum » Scaliger écrit lui-même : « Julianam vocauimus quia ad annum Julianum accommodata... », ce qu'on peut traduire approximativement par « Nous l'avons nommée Julienne parce qu'elle s'accorde avec l'année julienne ».
2) Le Jour Julien
C'est à l'astronome Anglais John Frederick William Herschel que l'on doit la création du Jour Julien tel que nous le connaissons aujourd'hui. Il le fait en 1849 dans un ouvrage qui fait référence chez les astronomes « Outlines of Astronomy ».
John Frederick William Herschel (1792-1871), créateur du Jour julien, n'était pas non plus le fils d'un inconnu.
Son père, sir William Herschel (1738-1822), d'origine allemande et naturalisé anglais le 30 avril 1793, est considéré comme le fondateur de l'astronomie stellaire moderne. On lui doit la découverte d'Uranus et de deux de ses plus gros satellites.
Le Jour Julien JJ (ou JD en anglais pour Julian Day) est la durée écoulée depuis le premier janvier (du calendrier julien) - 4712 à 12 h TU.
Pourquoi 12 h TU ? Certainement pour éviter aux astronomes de changer de« jour » en plein milieu de la nuit.
Le jour julien s'exprime en jours décimaux. La partie entière correspond au jour et la partie décimale correspond à l'heure étant entendu que 0,5 correspond au « minuit » du jour en question.
Exemples :
- 25 mai 2003 00 h 00 TU = 2452784,5
- 25 mai 2003 12 h 00 TU = 2452785
- 25 mai 2003 18 h 00 TU = 2452785,25
Remarques :
- Certains parlent de « date julienne » pour désigner le nombre décimal, réservant la dénomination « jour julien » à la seule partie entière de ce nombre. Cette désignation, qui amène la confusion avec la date julienne du calendrier julien, est à proscrire. De plus la notion de date suppose un jour, un mois, une année dans un calendrier, ce qui n'est pas le cas dans la période julienne qui est un simple décompte.
- Ce qui est bon pour les uns (astronomes) ne l'est pas forcement pour les autres (personnes qui travaillent à tous titres sur les calendriers) : je veux parler du changement de jour à midi.
On a donc tout naturellement vu naître une variante chronologique du jour julien astronomique où le début du jour se situe à minuit. Le premier jour julien chronologique serait donc le 01/01/- 4712 à 00 h.
3) Le Jour Julien Modifié
Une autre variante vit le jour en 1976 (?) avec la bénédiction de l'Union Astronomique Internationale : Le Jour Julien Modifié (JJM) ou Modified Julian Day (MJD). L'opération consistait à prendre comme origine de temps le 17 novembre 1858 00 h 00 TU.
Pourquoi ? Je passe sur le 00 h 00 qui consiste à faire débuter le jour à minuit ce qui est plus pratique à beaucoup mis à part les astronomes.
Si on fait les calculs, on constate que tous les jours julien entre le 16/11/1858 et le 31/08/2132 commencent par 24. Si donc,dans le travail que l'on fait, on peut se contenter d'une période 1858-2132, on peut s'affranchir de l'utilisation de grands nombres en utilisant le jour julien modifié qui, lui, ne possède que 5 chiffres.
Le passage du jour julien au jour julien modifié se fait facilement. Il suffit d'enlever 2 400 000,5 au premier pour obtenir le second.
En fin de compte, c'est le même principe que d'enlever 1900 à 1999 pour noter une année 99. Je ne vous rappelle pas ce qui se passa l'année suivante. Je vous donne donc rendez-vous en 2133.
En attendant, je vous livre une partie du texte de la XXI ème Assemblée générale de L’Union Géodésique et Géophysique Internationale du13 Juillet 1995 qui semble montrer que l'adoption du MJD ne se passe pas sans mal :
"...Résolution 3 L’Union Géodésique et Géophysique Internationale notant: - que la Résolution C3 adoptée par l’Union Astronomique Internationale au cours de la XXIIème Assemblée Générale tenue à La Haye (1994), recommande de retirer la Résolution No. 4 de sa XVème Assemblée Générale (1976) qui établissait le système du Jour julien Modifié (MJD) et d’utiliser les Jours juliens comme unique échelle de temps pour l’archivage et l’échange de données relatives à des phénomènes astronomiques dépendant du temps, reconnaissant:
1) que le Jour julien n’est pas défini en tant qu’échelle de temps reconnue internationalement;
2) que le Jour julien Modifié est largement utilisé en géodésie et en géophysique, particulièrement pour les paramètres lentement variables en Sciences de la Terre, et que tout changement provoquera de la confusion et des risques d’erreur;
3) que les Sciences de la Terre requièrent l’échange de données géodésiques et géophysiques aussi bien que de données astronomiques, demande à l’Union Astronomique Internationale
1) de reconsidérer sa résolution C3 de 1994 relative à l’utilisation des Jours juliens et de maintenir l’échelle des Jours juliens Modifiés, dans les domaines de la géodésie et de la géophysique où son usage est habituel.
2) de préparer une recommandation, commune à l’UAI et l’UGGI, pour la définition précise d’une échelle de temps incluant une convention pour le comptage continu des jours, et adaptée pour l’archivage et l’échange de données temporelles utilisés pour les analyses tant des phénomènes astronomiques que des phénomènes géodésiques et géophysiques..."
4) Conversions
Je vous laisse le soin de vous rendre sur la page Formules pour trouver celles qui permettent de passer du Jour Julien à .... et inversement.