Un calendrier d'horizon : le calendrier hopi

Un peu d'histoire

Les Indiens hopis constituent le groupe le plus occidental des Indiens pueblos.

Leurs ancêtres seraient le peuple Anasazi qui, aux environs de 100-200 construisit des villages constitués de maisons contiguës de pierre ou d'adobe, à toit plat et souvent à plusieurs étages (les pueblos).

La Réserve hopi fut créée en 1882. Elle se situe sur les plateaux du nord-est de l’Arizona, au milieu de la réserve Navajo. Les plateaux, appelés Mésas, sont séparés par de larges vallées. La réserve, couvrant près de 6 500 Km², comporte trois mésas d'une hauteur moyenne de 1 500 mètres où sont plantés les différents villages hopis.

La température moyenne en été est de 30° et de -7° en hiver. Les précipitations oscillent entre 15 cm et 25 cm par an dans les périodes sèches et entre 25 cm et 35 cm durant les périodes humides (moyenne annuelle pour Paris : 58 cm) . Elles proviennent pour moitié des pluies d'été et pour moitié de la neige d'hiver.

La réserve hopi se situe au nord-est de l’Arizona sur 6 500 km2.

Les différents villages hopis sont installés sur les trois mésas de la réserve séparées par des vallées où « coule une rivière » (en bleu sur la carte de droite). Les routes sont indiquées en rouge.

La population totale hopi de la réserve s'élève à près de 10000 personnes essentiellement regroupées sur 12 villages. À titre de comparaison, la population Navajo, dont la réserve entoure (je n'ai pas dit « encercle » !) celle des Hopis, compte 94 000 personnes et celle de l'Arizona 4 950 000 personnes.

Encyclopédie Universalis : leur économie repose sur l’agriculture (maïs, haricots, courges, en particulier) et sur l’élevage des moutons. La descendance est matrilinéaire et la demeure matrilocale ; la position des hommes est donc assez inconfortable. Les kiva leur servent de lieu de réunions ; là, ils tissent, peignent, fument et prient.

Comme tous les autres Indiens Pueblo, les Hopi sont pacifiques et très religieux. Les garçons commencent leur cursus cérémoniel dès l’âge de six ans, lors de leur initiation au culte kachina (katcina). Les kachina hopi sont des représentations masquées de toute une variété de dieux, d’esprits, d’ancêtres morts. Les kachina infligent le fouet rituel aux jeunes garçons puis leur révèlent qu’ils ne sont pas des êtres surnaturels, mais des hommes du village déguisés. L’année hopi est réglée par différentes fêtes. La plus importante est la danse du serpent qui apporte la pluie.

Près de 300 poupées kachinas sont la représentation directe des esprits des ancêtres et jouent un rôle essentiel dans les cérémonies.
Près de 300 poupées kachinas sont la représentation directe des esprits des ancêtres et jouent un rôle essentiel dans les cérémonies. Public domain, via Wikimedia Commons

Près de 300 poupées kachinas sont la représentation directe des esprits des ancêtres et jouent un rôle essentiel dans les cérémonies.

Aujourd'hui, les Hopis essayent, vaille que vaille, de maintenir leur culture d'origine et leurs traditions parmi lesquelles une tradition orale (à défaut de langue écrite) de transmission de récits par le biais de la langue shoshone de la famille uto-aztèque. Chaque village a son propre chef et chacun contribue au cycle annuel des cérémonies.

Le calendrier

Comment déterminer le bon jour pour les travaux agricoles ou les cérémonies quand on n'a pas de langage écrit ?

On peut le faire en se fondant sur des événements climatiques répétitifs (pluies, neige, crues...) ou écologiques (passage d'oiseaux migrateurs, chute des feuilles). On se souvient d'Hésope et son poème Les travaux et les jours dont nous avons parlé dans la page consacrée au calendrier grec.

On peut aussi utiliser des repères astronomiques comme, par exemple, le mouvement apparent du soleil au cours de l'année. Et là, on va se souvenir de ce qui nous avons vu dans la première partie de l'étude consacrée aux instruments de mesure du temps et, plus particulièrement Stonehenge. On se positionne sur un poste d'observation précis et on regarde quelle est la position du soleil à un moment précis et par rapport à des points de repère qui sont, en ce qui concerne Stonehenge, des pierres dressées.

Les Hopis vont procéder sur le même principe : observer la position du soleil au fil de l'année par rapport à des repères fixes et à partir d'un poste d'observation fixe lui aussi. À la différence près que les Hopis vont utiliser les reliefs de l'horizon comme points de repère.

Avant de voir exactement ce qu'il en est de ces calendriers d'horizon, souvenons-nous de quelques principes d'astronomie.

Rappel de quelques notions d'astronomie

Nous allons reprendre notre sphère céleste locale telle que nous l'avons découverte dans la deuxième partie de l'étude consacrée aux instruments de mesure du temps.

L'observateur placé au centre du cercle va constater deux choses pendant l'année : - le soleil monte de plus en plus dans le ciel puis opère le même chemin dans l'autre sens. - La position du soleil sur l'horizon, à son lever comme à son coucher, varie entre deux points extrêmes.

Ces deux points extrêmes correspondent au solstice d'hiver et au solstice d'été.

Imaginons que nous sommes à Paris avec, pour horizon, un paysage naturel imaginaire. Les différents levers du soleil au fil de l'année nous apparaîtront comme dans le croquis suivant :

Un problème est que les déplacements sur l'horizon du soleil de jour à jour décroissent rapidement dès qu'on approche des solstices au point qu'il est impossible de discerner à l'œil le « vrai jour » du solstice. Des mesures ont permis de fixer à 4' (1' = 1/6 ème de degré) un changement détectable de position du soleil ce qui correspond à environ 8 jours avant les solstices. Pour connaître le vrai jour du solstice, il nous faudra donc de partir d'une position du soleil une dizaine de jours avant le solstice puis de compter les jours.

Autre chose à noter : les équinoxes ne seront pas à égale distance des solstices puisque le déplacement apparent du soleil sur l'horizon n'est pas d'une « vitesse » stable à cause l'excentricité de l'orbite terrestre autour du soleil. Si donc nous avons besoin de connaître l'endroit sur l'horizon où va se lever le soleil aux équinoxes, il nous faudra l'observer et non le calculer.

À l'évidence ces « calendriers d'horizon » ne pourront fonctionner qu'à la double condition que l'observateur se positionne toujours au même endroit et que le relief à l'horizon soit assez accidenté pour que les points de repère soient clairement identifiables.

Deux exemples de calendriers d'horizon dans deux villages hopis

C'est à plusieurs archéoastronomes, comme on les appelle maintenant, qu'on doit d'avoir des renseignements sur l'utilisation du calendrier d'horizon chez les Hopis. Ils ont pour nom McCloskey, Alexander Stephen ou Michael Zeilik.

Comme nous l'avons vu plus haut, chaque village a son propre chef et chacun contribue au cycle annuel des cérémonies. Heureusement (à moins que ce ne soit une conséquence du système de repères) car le paysage n'est pas le même d'un village à l'autre.

Certains calendriers hopis sont plus destinés à fixer le jour des nombreuses cérémonies et fêtes. D'autres ont plutôt une vocation agricole. Quoiqu'il en soit, n'importe qui ne peut pas décréter qu'il faut débuter une fête ou une tâche agricole. Cet honneur revient souvent à une personnalité qui est le « prêtre du soleil » ou « chef du soleil » (tawa-mongwi) ou encore « chef des cérémonies » du village.

Calendrier d'horizon du village de Shungopavi

Shungopavi (Songoopavi) est le village principal de la seconde Mésa. Il y fut installé après la destruction du premier village (old Shungopavi) lors d'une révolte Pueblo en 1680.

Le calendrier d'horizon de ce village est à la fois rituel et agricole.

Si on exclut les noms indiens des différents repères visuels, il ressemble à ce croquis :

Dans ce « calendrier » on observe les levers du soleil sur les différents points.

On peut y voir, à chaque extrémité, les points de repère des deux solstices qui donnent lieu à des fêtes. Tout au long de l'année, d'autres repères indiquent les travaux agricoles à exécuter. Bien entendu, il faut effectuer un aller-retour entre les deux points extrêmes pour couvrir l'année.

Calendrier d'horizon du village de Walpi

Le village de Walpi, Arizona, photo prise en 1941 et conservée par la NARA (National Archives and Records Administration).
Le village de Walpi, Arizona, photo prise en 1941 et conservée par la NARA (National Archives and Records Administration). Ansel Adams / Public domain, via Wikimedia Commons

Le village de Walpi (Waalpi) est planté en haut de la première Mésa.

Nous allons, cette fois, voir comment le « Chef du Soleil » détermine le solstice d'hiver grâce à son « calendrier d'horizon ».

Nous savons, par Alexander Stephen, qu'il s'installe sur le toit de la « Bear clan house » (certainement une maison commune où se rassemble la population du village. Si quelqu'un peut m'en dire mieux, merci de me passer un message) au coucher du soleil dès que celui-ci atteint approximativement le point sur l'horizon que j'ai indiqué sur le croquis. Chaque soir, il va regarder si le soleil est arrivé a son coucher au point connu comme étant Lü-Hà-vwü Chochomo. À partir de là, il sait que le solstice se situera 11 jours plus tard et que les cérémonies liées au solstice d'hiver pourront commencer.

Notons au passage que les habitants de Walpi utilisent à la fois les lever et coucher du soleil pour déterminer d'autres dates.

Ci-dessous, une photo du coucher du soleil vu du village où nous pouvons reconnaître une partie de l'horizon figurant sur le croquis.

Le calendrier hopi « moderne »

Ce serait peut-être s'avancer beaucoup que de croire que les Hopis utilisent encore souvent le calendrier d'horizon.

Ils ont maintenant, en effet, un calendrier qui ressemble beaucoup au nôtre.

Il débute en novembre et comporte douze mois. Regardons un peu à quoi il ressemble, quels sont les noms des mois et quelles fêtes y sont célébrées chaque mois.

Quelques observations : nous avons vu plus haut que les kachinas étaient des représentations physiques (ou sous forme de poupées) de dieux, d’esprits, d’ancêtres morts. Selon les croyances hopis, ils commencent à arriver dans les villages au solstice d'hiver et leur présence marque le début des cérémonies kachinas qui vont durer six mois. Après les cérémonies Niman, ils retournent chez eux sur les sommets des montagnes de San Francisco jusqu'au prochain solstice d'hiver. D'où les deux saisons que nous voyons au centre du schéma.

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