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L’ère musulmane se base sur un calendrier lunaire et dont l’origine se rattache à un évènement historique qu’est l’exil du Prophète Muhammad de La Mecque vers Yathrib renommée depuis Médine (Cf. Raas as-Sana), en septembre 622. L’arrivée du Prophète et de Abû Bakr à Kubâ’, au sud de Médine, est fixée par Ibn Ishâq (704-767) auteur de la plus ancienne sirâ, biographie sur le Prophète, au lundi 12 rabîʿ 1er qui correspondrait au 24 septembre 622.
Cette ère, instituée par le calife ʿUmar ibn al Khattâb (584-644), ne commence pas à la date de l’arrivée de Muhammad à Médine, mais au premier jour de l’année lunaire au cours de laquelle cet évènement eut lieu, et que l’on s’est accordé à faire coïncider avec le 16 juillet 622.
Calendrier lunaire, calendrier hégirien, calendrier musulman
Le calendrier lunaire était utilisé depuis une époque reculée chez les Arabes et bien avant l’avènement de l’islam. Comme presque que tous les calendriers sémitiques, il est fondé sur les cycles de la lune et non sur ceux du soleil contrairement au calendrier julien et ultérieurement au calendrier grégorien.
Les mois des calendriers lunaires sont basés sur les phases de la lune (le mois synodique d’environ 29,53). Le début du mois est compté à partir de la première apparition du nouveau croissant dans le ciel vespéral, juste après le coucher du soleil (aussi le jour civil commence au coucher du soleil). Il se poursuit jusqu’à l’apparition suivante du nouveau croissant, en général 29 ou 30 jours. Douze mois lunaires font un total d’environ 354 jours et il manque 10 à 11 jours par rapport à l’année solaire. Pour en savoir plus sur les unités du calendrier musulman, consultez cette page.
Les anciennes inscriptions sud-arabiques révèlent l’utilisation de calendriers locaux qui suivaient un principe luni-solaire. Pour observer la succession des saisons les Arabes utilisaient le système des maisons de la lune qui consiste à diviser l’écliptique en 28 segments correspondant plus ou moins à l’emplacement de la lune au cours des diverses nuits successives du mois sidéral (et non synodique). C’est sur méthode que repose un grand nombre de calendriers traditionnels agricoles de la péninsule arabique.
Lors de l’expansion de l’islam, ce calendrier est venu trouver sa place à côté d’autres calendriers solaires ou luni-solaires déjà en usage dans ses nouvelles contrées : principalement calendrier julien, calendrier copte, calendrier persan, calendrier turco-mongol, calendriers du sub-continent indien… Le calendrier julien était déjà en usage dans les pays qui allaient constituer le monde musulman. Néanmoins le choix du début de l’année allait différencier ces pays. Si au Maghreb et en Andalousie l’année commençait, comme en Europe occidentale, au mois de janvier, elle s’amorçait pour les Chrétiens melkites (de Palestine et d’Égypte) au mois de septembre alors que pour les Jacobites et les Nestoriens au mois d’octobre. Parmi ces peuples, certains ont gardé l’origine latine des mois du calendrier julien (Afrique du nord) alors que d’autres vont garder la plupart des noms de mois de calendrier luni-solaire des anciens Babyloniens mais ils les redéfinirent pour faire correspondre chacun d’entre eux à un mois julien.
Mois musulmans et sacralité
Comme le rappelle le verset 36 de la Sourate 9, douze mois constituent l’année musulmane :
« Oui, le nombre des mois, pour Dieu, est de douze mois inscrits dans le Livre de Dieu, le jour où Il créa les cieux et la terre. Quatre d’entre eux sont sacrés. Telle est la Religion immuable. Ne vous faites pas tort à vous-mêmes durant ce temps… »
Ces douze mois sont les suivants : muharram « le mois sacré », safar « le mois vide », rabîʿ al-awwal « le premier printemps », rabîʿ ath-thânî, « le deuxième printemps », jumâdâ l-ûlâ « le premier mois de sécheresse », jumâdâ ath-thâniyya « le deuxième mois de sécheresse », rajab « le mois révéré », shaʿbân « le mois de la division », ramadân « le mois de la grande chaleur », shawwâl « le mois de la chasse », dhû l-kaʿda « le mois du repos » et dhû l-hijja « le mois du pèlerinage ».
Ramadan est le seul nom de mois qui figure dans le Coran (Sourate 2, verset 185). Les mois constituant le calendrier musulman ont une origine étymologique qui précède l’avènement de l’islam. Par ailleurs, et malgré la référence à l’année lunaire, qui exclut de fait le rythme des saisons, on observe dans la terminologie de certains de ces mois la prégnance du calendrier solaire et leur renvoi à des saisons comme le vocable rabîʿ qui signifie printemps.
Parmi ces douze mois, quatre sont considérés comme sacrés : muharram, rajab, dhû al-qiʿda et dhû al-hijja. Bien avant l’avènement de l’islam, la sacralité de ces mois était déjà une pratique en usage chez les Arabes du Hijâz. On distinguait les mois « permis » (halâl) des mois « interdits » ou « sacrés » (harâm), mois pendant lesquels on pouvait combattre ou non. Une source byzantine atteste que les Arabes respectaient un armistice de deux mois au moment du solstice d’été. L’année lunaire comprenait quatre mois sacrés, trois consécutifs, dhû al-qiʿda, dhû al-hijja et muharram, respectivement le onzième, le douzième et le premier mois. Le quatrième était isolé : rajab, septième mois. Durant cette période, les Arabes observaient une trêve au cours de laquelle les guerres et toutes formes de violence étaient prohibées. Par ailleurs un pèlerinage païen avait lieu pendant dhû al-hijja, mois de trêve, durant lequel pèlerins et commerçants pouvaient circuler sans danger. L’islam maintint les mois sacrés (Sourate 9, verset 36) pendant lesquels la vie et les biens étaient protégés et avalisa ainsi une coutume ancienne. Lors de ces mois, l’effusion de sang était prohibée, toute hostilité devait prendre fin et ne reprendre qu’après l’expiration de la période prescrite (Sourate 9, verset 5).
À l’époque préislamique, une pratique était en usage chez les Arabes. Pour rattraper le comput de l’année solaire on rajoutait un mois intercalaire à l’année lunaire. Ainsi on avait coutume d’intercaler un mois pour aligner les années lunaires et solaires. Cette pratique fut interdite par le Coran qui condamne l’intercalation et rappelle que l’année ne comporte que douze mois et non treize.
Coran IX L’Immunité, 37 :
« Le mois intercalaire n’est qu’un surcroît d’infidélité ; les incrédules s’égarent ainsi : ils le déclarent non sacré une année, puis l’année suivante, ils le déclarent sacré, afin de se mettre d’accord sur le nombre de mois que Dieu a déclarés sacrés. Ils déclarent ainsi non sacré ce que Dieu a déclaré sacré… »
Cette mise à distance du calendrier luni-solaire et le choix d’un calendrier purement lunaire en islam s’explique pour diverses raisons. Il permet de ne pas avoir les jeûnes à la même saison, ainsi les croyants pourront expérimenter le jeûne dans différentes saisons et d’éviter la discrimination entre les fidèles des hémisphères nord et sud.
Cohabitation avec d’autres calendriers
Le décalage qui existe entre l’année hégirienne et l’année solaire occasionna des difficultés économiques particulièrement pour la levée des impôts sur les récoltes. Localement on observait un attachement traditionnel et persistant à des calendriers solaires qui étaient plus adaptés aux cycles annuels de la vie agricole. Aussi dans différents pays musulmans on assiste à la cohabitation de différents calendriers où chacun renvoie à des domaines spécifiques. Le calendrier musulman, calendrier lunaire et sans intercalation, est en vigueur concernant le domaine religieux, il régit les dates du jeûne, du pèlerinage et des fêtes canoniques. Il a aussi la préséance sur les documents officiels.
Pour les besoins particuliers de la vie quotidienne, les musulmans ont toujours eu recours à des calendriers solaires ou quasi-solaires plus adaptés à l’agriculture mais aussi à la taxation.
Au-delà du fait que les différents calendriers solaires soient plus adaptés aux affaires courantes, ils ont surtout permis la persistance et l’attachement à certaines fêtes et pratiques antérieures à l’islam. C’est le cas du calendrier iranien toujours en usage dans l’aire persane.
Ce calendrier solaire est directement hérité des calendriers zoroastriens de la Perse préislamique est constitué de d’années de 365 jours divisés en douze mois. Les six premiers mois de l’année comptent 31 jours, les cinq suivants, 30, et le dernier 29 ou 30 les années bissextiles. Ce calendrier est toujours utilisé en Iran. Il cohabite avec le calendrier de l’Hégire qui sert quant à lui à fixer les fêtes et cérémonies religieuses islamiques. Ce calendrier s’amorce avec Nawrûz, qui signifiait originellement en persan « lumière nouvelle » finit par signifier « nouveau jour » est le premier jour du nouvel an persan qui débute après l’équinoxe de printemps le 21 mars.
De nombreuses coutumes qui sont rattachées à Nawrûz, étaient déjà célébrées avant l’islam et persistent encore de nos jours. À l’occasion de la nouvelle année on étrenne de nouveaux vêtements, on s’asperge mutuellement d’eau, on met le feu sur lequel sautent la famille, les amis et les voisins…
Ces différentes festivités renvoient au calendrier agraire et à ses rites. On remarque la survivance de ces derniers en dehors des calendriers agraires, pour trouver une légitimité ils viennent se greffer à des évènements islamiques comme dans le cas des festivités liées à ʿAchoura au Maghreb et en Afrique sub-saharienne.
Soraya El Alaoui
Références
Encyclopédie de l'Islam, nouvelle édition, tome X, Leiden Brill Pays-Bas, 2002, Cf. entrée « Ta'rîkh », pp. 276-325
Pour le système des maisons de la lune ou mansions lunaires, Cf. Encyclopédie de l'Islam, entrée « Anwâ' » système de comptus des anciens Arabes, pp. 538-540, tome I, Leiden Brill, 1991 et entrée « Manâzil », mansions lunaires ou stations de la lune, pp. 358-360, tome VI
Pour « Nawrûz », Cf. Encyclopédie de l'Islam, pp. 1049-1050, tome VII, Leiden Brill, 1993
Tahar Gaïd, Encyclopédie thématique de l'islam, Éditions Iqra, Paris, 2010, Cf. entrée « Calendrier », pp. 447-448, Vol. 1 et entrée « Mois sacrés », pp. 1455-1457, Vol. 2
Cyril Glassé, Dictionnaire encyclopédique de l'islam, Bordas, Paris, 1991, Cf. entrée « Calendrier », pp. 71-74
Dominique et Janine Sourdel, Dictionnaire historique de l'islam, PUF, Paris, 1996, Cf. entrée « Calendrier », pp. 178-179