Date et origine de Lag Ba'Omer

Dates de Lag Ba'omer

Lag Ba'omer (aussi écrit Lag ba-Omer) est prévu aux dates suivantes :

Lag ba-Omer ( 33ejour du Omer) est une fête célébrée le 18 Iyyar, date qui tombe généralement en mai, entre Pâque et la Pentecôte dans le calendrier grégorien.

Lag ba’omer, une fête de réjouissance en l’honneur des justes

L’origine de Lag ba’omer (« le 33e jour dans l’Omer »), célébrée le 18 Iyyar – une date qui tombe généralement au mois de mai – est relativement obscure. Si elle commémore divers événements réputés s’être déroulés dans l’Antiquité, cette fête de réjouissance n’est apparue que progressivement à partir du Moyen Age.

D’une période de deuil à un jour de réjouissance

Un simple marqueur calendaire

La formulation qui donne son nom à la fête, « le 33e jour dans l’Omer », est un marqueur calendaire calculé à partir de la date d’un rituel biblique nommé Élévation de l’Omer (littéralement, « gerbe »). Il s’agit de l’offrande collective des prémices de la nouvelle récolte de l’orge1 au temple de Jérusalem2. Ce rituel est décrit dans la Torah3 :

Lévitique 23,5-11 : « "Le premier mois, le quatorze du mois, au crépuscule, c’est la Pâque [Pessah] du Seigneur. Le quinze de ce même mois, c’est la fête des Azymes pour le Seigneur. Pendant sept jours vous mangerez des pains sans levain ; le premier jour vous aurez une réunion sacrée ; vous ne ferez aucun travail pénible. Chacun des sept jours, vous présenterez au Seigneur un mets consumé ; le septième jour il y aura une réunion sacrée ; vous ne ferez aucun travail pénible". Le Seigneur adressa la parole à Moïse : "Parle aux fils d’Israël ; tu leur diras : Quand vous serez entrés dans le pays que je vous donne, et que vous y ferez la moisson, vous amènerez au prêtre la Première Gerbe, prémices de votre moisson ; le prêtre offrira la gerbe devant le Seigneur pour que vous soyez agréés ; il l’offrira le lendemain du sabbat." »

La date de l’Élévation du la gerbe est donc déterminée à partir de celle d’une autre fête, Pessah et doit avoir lieu « le lendemain du sabbat ». Le sens à donner à cette formulation n’est clair pas et a donné lieu à de multiples interprétations dans l’Antiquité4. Néanmoins, les rabbins du Talmud5 considèrent unanimement que dans ce verset, le mot « sabbat » est un synonyme de Pessah, qui a lieu dans la nuit du 14 au 15 Nissan. Suivant cette interprétation, l’offrande de l’Omer devait donc avoir lieu le 16 du même mois.

Une fois le calendrier juif fixé entre l’Antiquité tardive et le début de Moyen Age, et malgré la disparition du rituel en question, l’Élévation de la gerbe reste un référent calendaire précis : le 33e jour dans l’Omer correspond au 18 Iyyar.

Un jour de deuil dans l’Antiquité tardive et au début du Moyen Age

Cette date du 18 Iyyar apparait comme une occasion de deuil dans les sources juives de l’Antiquité tardive. En effet, elle figure dans une inscription du VIe siècle listant une série de jours de jeûne6. Des poèmes liturgiques (piyyutim)7 placent à cette date la mort de Josué, successeur de Moïse, ainsi qu’un tremblement de terre8. On identifie ce séisme avec celui qui eut lieu à Jérusalem en 363 de notre ère et mit fin au projet de reconstruction du Temple initié par l’empereur Julien9. Par ailleurs, l’intégralité de la période de 7 semaines allant du 16 Nissan jusqu’à la fête de Chavuot, nommée sefirah et qui comprend le 18 Iyyar, est associée dans la littérature rabbinique antique à un événement tragique : la mort subite, au début du IIe siècle de notre ère, de plusieurs milliers de disciples du célèbre sage rabbi Akiva10.

Talmud de Babylone, Yebamot 62b : « Rabbi Akiva avait 12 000 paires d’élèves de Gibbethon jusqu’à Antipatris et tous sont morts pendant la même période car ils ne se respectaient pas l’un l’autre […] : Ils moururent tous entre Pessah et Chavouot. »11

Au début du Moyen Age, ces événements sont commémorés pendant toute la période par des rites de deuil : on s’abstenait notamment, dans de nombreuses communautés, de se couper les cheveux et de célébrer des mariages12.

L’apparition d’un jour de commémoration joyeux

C’est au XIIIe siècle qu’on trouve pour la première fois mention d’une interruption des rites de deuil le 33e jour de l’Omer, au motif que ce serait en réalité à cette date que les étudiants d’Akiva auraient cessé de mourir13. C’est cette explication qui est retenue dans les écrits postérieurs pour expliquer l’apparition d’un jour de réjouissance à Lag Ba’omer14.

Portrait de Shimon bar Yohai
Portrait de Shimon bar Yohai © judaica-art.com

Parallèlement, la date du 18 Iyyar est progressivement associée à la mémoire de Shimon bar Yohai, un sage fameux, actif au tournant des Ier et IIe siècles de notre ère, également disciple de rabbi Akiva. De nombreux épisodes de la vie de ce personnage sont rapportés dans les Talmuds et la littérature rabbinique. Pour avoir enfreint une interdiction d’enseigner la Torah promulguée sous l’empereur Hadrien dans la cadre de la deuxième révolte des judéens contre Rome15, il aurait été contraint se cacher pendant 13 ans dans une grotte avec son fils Éléazar, et n’aurait dû sa subsistance qu’à une série de miracles16. Par la suite, il aurait dispensé son enseignement dans la ville de Méron (Galilée)17 avant d’y trouver la mort, ou, selon les versions d’y être enterré18.

Diverses traditions existent pour expliquer l’apparition d’une commémoration joyeuse de ce sage en date du 18 Iyyar. C’est à cette date qu’il serait devenu rabbin, aurait quitté sa grotte19, ou, selon l’explication la plus communément avancée, qu’il aurait trouvé la mort20. Si cette mort fut, contrairement à l’usage majoritaire dans le judaïsme antique et médiéval, interprétée comme une occasion de réjouissance21, c’est en vertu d’une tradition cela laquelle Shimon bar Yohai aurait communiqué à ses disciples des secrets dont il aurait eu révélation à l’approche de sa mort. Ces secrets auraient par la suite été consigné dans le Sefer ha-Zohar Livre de la Splendeur »)22.

Ancienne édition du Sefer ha-Zohar, communément appelé Zohar, imprimée à Mantoue en 1558, dont Shimon bar Yohai serait l'auteur<br/>
Ancienne édition du Sefer ha-Zohar, communément appelé Zohar, imprimée à Mantoue en 1558, dont Shimon bar Yohai serait l'auteur
© Librairie du Congrès Américain

Une commémoration de la révolte de Bar Kochba

Au XIXe siècle, la tradition sur la mort des étudiants de Rabbi Akiba est réinterprétée comme une allusion à la deuxième révolte judéenne contre les Romains (130-135 de notre ère)23 dont le chef fut Simon Bar Kochba et qui fût légitimée par Akiva24. En conséquence, la fête acquit la dimension d’une célébration des luttes pour l’indépendance d’Israël.

Des rites de réjouissance multiples et variés

Lag Ba’omer se manifeste par la reprise des réjouissances jusque-là interrompues : chants, musique, danses y compris dans le cadre de cérémonies de mariage. La suspension de l’interdiction de se couper les cheveux a fait naître la coutume de procéder à cette date à la première coupe de cheveux rituelle des petits garçons de 3 ans.

Une des manifestations de réjouissances spécifiques à la fête consiste en l’allumage de feux de joie. La célébration de la fête est particulièrement importante à Safed, la ville où résidèrent à l’époque moderne de nombreux Kabbalistes ayant assuré la popularité de la commémoration de Shimon Bar Yohai. Dans certaines communautés, les enfants jouent avec des arcs et des flèches25.

Feu de joie et réjouissance pour Lag'BaOmer
Feu de joie et réjouissance pour Lag'BaOmer ronalmog / CC-by

Depuis les années 1950 et surtout des années 1980, des parades d’enfants sont organisées lors desquelles l’accent est mis sur la fraternité, en souvenir des étudiants de rabbi Akiva morts parce qu’ils ne se respectaient pas entre eux. En Israël, les enfants n’ont d’ailleurs pas école le jour de la fête.

Parade organisée par le rabbin Schneerson à Brooklyn, New York, le 17 mai 1987
Parade organisée par le rabbin Schneerson à Brooklyn, New York, le 17 mai 1987 Mordecai baron / CC BY 3.0, via Wikimedia Commons

Le pèlerinage à Méron en Galilée

A partir du XIIe siècle apparut, à Méron, un pèlerinage au monument réputé comme le tombeau de Shimon bar Zohai26, lequel a progressivement été prioritairement associé à Lag Ba’omer27. Des pèlerins, dont on estime le nombre actuel à 500 000, campent et allument des feux de joie sur le site.

D’autres monuments de Méron soient également identifiés comme les tombeaux de sages juifs de l’Antiquité, notamment d’Élézar, le fils de Shimon bar Yohai, ainsi que de Hillel et de Shammai, des sages illustres réputés actifs au Ier siècle av. notre ère. La mémoire de ces « justes » (tzadikim) a donc été associée à la fête.

Les pélerins se réunissent à Méron
Les pélerins se réunissent à Méron

En dehors de Méron, des pèlerinages joyeux sur les tombeaux traditionnels d’autres « justes » ont également lieu lors de la fête, notamment sur celui du grand-prêtre Simon le Juste à Jérusalem. Ces pèlerinages sont nommés hiloula noces »).

Le pèlerinage de la Ghriba à Djerba

A l’occasion de la fête, les juifs originaires de Tunisie, qui font remonter l’origine de leur communauté à la plus haute antiquité, ont coutume de se rendre en pèlerinage dans la synagogue de l’île de Djerba, nommée Ghriba (« étrange »). Bien que ce nom soit porté par plusieurs synagogues d’Afrique du Nord, il est interprété comme le nom d’une jeune fille qui aurait été exclue de la communauté avant d’être reconnue comme une sainte après sa mort.

Ce pèlerinage est l’occasion de divers rites, parmi lesquels l’allumage de bougies, des cortèges, de vœux, et de multiples prières et bénédictions pour Shimon bar Yohai et des rabbins tunisiens28.

L'intérieur de la synagogue de Ghriba à Djerba, Tunisie
L'intérieur de la synagogue de Ghriba à Djerba, Tunisie Citizen59 / CC-by-sa
La menorah entre dans la synagogue de Ghriba <br />
La menorah entre dans la synagogue de Ghriba
PilotGirl / CC-by-nc-sa

Maureen Attali

Références

  1. Bien que l’espèce de céréales composant la « gerbe » ne soit jamais précisée dans la Torah, le contraste avec le blé (ḥiṭāh) dont l’offrande des prémices est fixée à Shavuot (Exode 34,22) indique que l’Élévation de la gerbe correspond à l’offrande des prémices de l’orge, une interprétation confirmée par l’intégralité des sources juives de l’Antiquité : voir Philon d’Alexandrie, Des Lois spéciales II,17 ; Flavius Josèphe, Antiquités juives III, 250, Mishna Sotah 2,1 ; Talmud de Babylone, Menahot 68b.

  2. Sur ce rituel, voir Jacob Milgrom, « The Firstfruits Festivals of Grain and the composition of Leviticus 23,9-21 » in M. Greenberg (éd.), Tehillah le-Moshe, Winona Lake, Eisenbrauns, 1997, p. 81-89.

  3. La Torah est l’ensemble des 5 premiers livres de la Bible – Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome – réputés écrits par Moïse.

  4. Sur les différents interprétations et les différentes dates retenues dans l’Antiquité pour l’Élévation de l’Omer, Yigal Yadin, « The Temple Scroll », The Biblical Archaeologist 30/ 4, 1967, p. 135-139.

  5. Il existe deux Talmud : le Talmud de Jérusalem (achevé vers 400 de notre ère) et le Talmud de Babylone (achevé vers 600).

  6. Il s’agit d’une inscription retrouvée dans la synagogue du Rehov, sur laquelle on pourra consulter Misgav, Haggai, « The List of Fast Days from the Synagogue of Rehov », Israel Museum Studies in Archeology 7, 2015, p. 14-23, accessible à l’adresse suivante http://museum.imj.org.il/journal/archive/images/Haggai%20Misgav.pdf

  7. Il s’agit de deux poèmes d’Éléazar Kalir et Pinhas de Kafra, vraisemblablement composés au VIIIe siècle.

  8. Ezra Fleischer, « Haduta-Hadutahu-Chedweta: Solving an Old Riddle Concerning the Celebration of Rosh Hashana in Erez Israel nbsp;», Tarbiz 53, 1983–84, p. 71–96.

  9. Sebastian Brock, « A letter attributed to Cyril of Jerusalem on the rebuilding of the Temple under Julian », Bulletin of the School of Oriental and African Studies 40, 1977, p. 267-286.

  10. Sur ce personnage, voir Barry W. Holtz, Rabbi Akiva. Sage of the Talmud, Yale University Press, 2017.

  11. Voir également Midrash Rabba sur Genèse 61,3 ; Midrash Rabba sur Ecclésiaste 11,6.

  12. Halakhot pessoukot, 94.

  13. On trouve cette mention chez les rabbins Abraham de Lunel et Joshua Ibn Shuaib ; voir Eliezer Brodt, « Lag Ba'omer Upsherins and the sources of customs », Ami Magazine, 18 mai 2011, disponible à l’adresse suivante : https://www.academia.edu/12271408/Lag_Baomer_Upsherins_and_the_sources_of_customs

  14. Choulhan Aroukh Orah Hayim 493,1-2.

  15. Sur la persécution hadrianique, voir Moshe Herr, « Persecutions and Martyrdom in Hadrian’s days », Scripta Hierosolymitana 23, 1972, p. 85-125.

  16. Talmud de Babylone, Shabbat 33b.

  17. Tosefta, Demai 4,13.

  18. Pesikta de Rav Kahana 11,23.

  19. David. M. Feldman, « Omer », Encyclopaedia Judaica, editée par M. Berenbaum et F. Skolnik, 2e édition, vol. 15, Macmillan Reference USA, 2007, p. 419-422

  20. Les sources fixant la mort de Shimon bar Yohai au 18 Iyyar ne sont pas antérieures au XVe siècle.

  21. Eric Werner, The Sacred Bridge: The Interdependence of Liturgy and Music in in synagogue and church during the first millennium, vol. 2, New York, Ktav, 1984, p. 81-82.

  22. Zohar 3,287b-296d. Le Zohar, dont la paternité est traditionnellement attribuée à Shimon bar Yohai, un ouvrage mystique appartenant au courant de la Kabbale et composé au XIIIe siècle.

  23. Joseph Derenbourg, Essai sur l'histoire et la géographie de la Palestine : d'après les thalmuds et les autres sources rabbiniques. 1, Histoire de la Palestine depuis Cyrus jusqu' à Adrien, Paris, Imprimerie impériale, 1867, p. 420, note 2.

  24. G.S. Aleksandrov, « The Role of `Aqiba in the Bar Kokhba Rebellion », in Jacob Neusner, Eliezer ben Hyrcanus. The Tradition and the Man. Part Two: Analysis of the Tradition - The Man, Leyde, Brill, 1973, p. 422-436. Sur cette interprétation de la fête, on pourra par exemple consulter https://www.haaretz.com/jewish/.premium-bar-kochba-revolt-utter-disaster-1.5358629

  25. Sur l’origine de cette coutume, voir Mair Ydit, « Lag Ba-Omer », Encyclopaedia Judaica, éditée par M. Berenbaum et F. Skolnik, 2e édition, vol. 12, Macmillan Reference USA, 2007, pp. 436-437.

  26. On a supposé que le rassemblement de Méron à cette date avait une toute autre origine et n’aurait été que dans un second temps associée à la mémoire de Shimon bar Zohai.

  27. L’association de pèlerinage à Lag Ba’omer n’est pas antérieure au XVIe siècle ; voir. Sur la chronologie, voir Eliezer Brodt, « Lag Ba'omer Upsherins and the sources of customs », Ami Magazine, 18 mai 2011, disponible à l’adresse suivante : https://www.academia.edu/12271408/Lag_Baomer_Upsherins_and_the_sources_of_customs

  28. Paul Nicolas, La Ghriba, pèlerinage juif en terre d'Islam, Carthage, MC-Editions, 2010.

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