Date et origine de Yom Kippour

Dates de Yom Kippour

Le Yom Kippour est prévu aux dates suivantes :

Yom Kippour (le jour du grand pardon) a lieu chaque année le 10 du mois de Tichri dans le calendrier Hébreu.

Yom Kippour, le Grand pardon

Aussi écrit : Kippour, Yom HaKippourim, Jour des Expiations.

Observée le 10 Tichri (septembre-octobre), la fête de Kippour est marqué par un jeûne intégral destiné à obtenir le pardon des fautes commises pendant l’année passée. C’est la fête la plus respectée du judaïsme.

Le rituel biblique du bouc-émissaire

La date du 10 Tichri, qui correspondait au 7e mois de l’année dans le calendrier de la Torah1, est pour la première fois mentionnée dans Lévitique comme un jour rendu solennel par l’accomplissement d’un rituel d’absolution :

Lévitique 16, 29-31 : « C’est pour vous une loi immuable : au septième mois, le dix du mois, vous affligez vos âmes et vous ne faites aucun ouvrage, tant l’indigène que l’émigré installé parmi vous. En effet c’est ce jour-là qu’on fait sur vous le rite d’absolution qui vous purifie. Devant le Seigneur vous serez purs de tous vos péchés. C’est pour vous un sabbat, un jour de repos, où vous affligerez vos âmes. Loi immuable. »

C’est seulement à cette occasion que le grand-prêtre pouvait pénétrer dans le Saint des saints, c’est-à-dire dans l’endroit du temple où résidait la présence divine2. L’origine de la fête réside donc dans un « rite d’absolution » particulièrement élaboré dont la description occupe la totalité du chapitre3 : outre le sacrifice d’un taureau et d’un bélier sur l’autel, le grand-prêtre transfère symboliquement tous les péchés du peuple d’Israël sur un second bouc « pour Azazel ». Celui-ci est ensuite conduit au désert où il est abandonné. C’est l’origine de la notion bien connue de bouc-émissaire, qui désigne une victime destinée à expier les fautes commises par d’autres.

Tableau de William Holman Hunt, <em>The Scapegoat</em> (Le Bouc Émissaire)<br />
Tableau de William Holman Hunt, The Scapegoat (Le Bouc Émissaire)
Public domain, via Wikimedia Commons

Néanmoins, le déroulement exact du rituel biblique reste assez mystérieux. On ne s’accorde pas sur le sens originel du nom « Azazel », qui désignait peut-être un démon dans le Proche-Orient ancien. D’autres interprétations du même ordre – ange déchu ou oiseau impie – figurent dans des textes apocryphes juifs4. Les rabbins du Talmud5 l’ont interprété comme le nom de la montagne d’où aurait été précipité le bouc-émissaire, alors même que la description biblique n’implique pas la mort de l’animal6. Quoiqu’il en soit, selon la Mishna, un recueil rabbinique compilé vers 200 de notre ère, ce rituel d’absolution continua à être accompli tant que fonctionna le temple de Jérusalem7, c’est-à-dire jusqu’en 70 de notre ère8.

Grands prêtres lors du Kippour
Grands prêtres lors du Kippour Public Domain / W. Struse Collection

Dans Lévitique, le verbe « expier » utilisé dans la description du rituel est repris quelques chapitres plus loin pour donner à la fête le nom de Yom HaKippourim, « Jour des Expiations », mais sans plus aucune mention du bouc-émissaire9.

Lévitique 23,26-32 : « Le Seigneur adressa la parole à Moïse : "En outre, le dix de ce septième mois, qui est le Jour des Expiations, vous tiendrez une réunion sacrée, vous affligerez vos âmes, et vous présenterez un mets consumé au Seigneur ; vous ne ferez aucun travail en ce jour précis, car c’est un jour d’expiations, où se fait sur vous le rite d’absolution devant le Seigneur votre Dieu. Ainsi, quiconque n’affligerait pas son âme en un tel jour serait retranché de sa parenté ; et quiconque ferait quelque travail en un tel jour, je le ferais disparaître du sein de son peuple. Vous ne ferez aucun travail : c’est une loi immuable pour vous d’âge en âge, où que vous habitiez. C’est pour vous un sabbat, un jour de repos, au cours duquel vous affligerez vos âmes. Depuis le neuf du mois au soir jusqu’au lendemain soir, vous observerez ce repos sabbatique". »

La signification exacte de la formule « affliger son âme », qui définit les principales modalités d’observance de la fête, n’est pas explicitée dans ce passage mais ailleurs dans la Bible, elle fait référence à des pratiques pénitentielles reprises des rites de deuil, parmi lesquels le jeûne10. A l’époque hellénistique, la traduction grecque d’un livre biblique, le Livre d’Isaïe ainsi qu’un texte deutérocanonique11 nommé Psaumes de Salomon confirment que la fête de Kippour était cette époque observée par un jeûne12. Après la destruction du temple de Jérusalem, le rite du bouc-émissaire ayant disparu, l’expiation des péchés dépend uniquement des pratiques individuelles.

Bien que Yom Kippour soit présenté dans la Torah comme une fête dont l’observance a été ordonnée par Dieu à travers Moïse, plusieurs historiens et exégètes contemporains proposent de placer son apparition historique à l’époque perse achéménide, au VIe siècle avant notre ère, à l’époque où se développe dans le judaïsme une véritable théologie pénitentielle13.

De l’affliction à la réjouissance

Initialement, Kippour appartenait à la catégorie des « fêtes tristes » puisque pour l’observer, les fidèles s’imposent une série de contraintes. Néanmoins, dès l’Antiquité, la fête a été interprétée comme une occasion de réjouissance qui n’était pas jugée incompatible avec le jeûne14. Dans la Mishna, la fête est ainsi présentée comme l’un des deux jours de l’année les plus fastes (yom tov) pour Israël15. Cette interprétation met l’accent sur le fait que l’expiation engendre le pardon divin, une théologie qui donne à la fête l’une de ses dénominations courantes, le « Grand pardon ». Ainsi, ce serait à Kippour que le sort de chaque individu, en suspens depuis Roch Hachana – une fête célébrée 10 jours plus tôt – serait finalement scellé16.

De plus, les rabbins du Talmud confèrent à la fête une dimension commémorative en en faisant le jour anniversaire du Don divin des secondes tables de la Loi, en remplacement de celles que Moïse détruisit après l’épisode du veau d’or17.

Enfin, la fête est associée à l’espoir d’une future reconstruction du temple de Jérusalem, et acquiert ainsi une dimension eschatologique18 : Kippour est réputée être l’une des rares fêtes qui seront encore célébrées dans le monde à venir19.

Dans l’Antiquité, l’aspect joyeux de la fête se manifestait par diverses pratiques, tels des danses dans l’espace public et le port de vêtement de fête, parfois blancs pour symboliser le pardon des péchés20. Très visibles, les réjouissances de Kippour suscitèrent l’incompréhension des observateurs chrétiens21.

La préparation à Kippour : les 10 jours de Techouva

De nombreux rites de repentance sont accomplis pendant les 10 jours qui séparent Roch Hachana de Yom Kippour – nommés Techouva, « retour » – et en particulier la veille de cette fête. Il est notamment d’usage de collecter des fonds pour des œuvres de charité, et divers événements sont organisés dans ce but.

Un rite d’expiation symbolique, nommé Kapparot (« Expiations ») et apparu au IXe siècle, est pratiqué par quelques communautés orthodoxes, bien que considéré comme une superstition par de nombreux rabbins22 : il nécessite des poulets, parfois remplacés par des poissons, lesquels sont remis à des associations de bienfaisance afin de nourrir des nécessiteux. On cherche à obtenir le pardon des personnes qu’on a offensé pendant l’année passée, sans quoi le pardon divin ne peut être accordé23. La veille de Kippour est l’occasion de repas de fête qui expriment la confiance des fidèles en la miséricorde divine24.

Le grand jeûne et les restrictions liées

Conformément aux prescriptions de la Torah, tous les interdits en vigueur le jour du sabbat le sont également à Kippour, qui est donc une fête intégralement chômée. Elle dure environ 25 heures, de la tombée de la nuit le 9 Tichri à la tombée de la nuit le lendemain25, pendant lesquelles un jeûne intégral – sans nourriture ni boisson26 – est observé. Ces restrictions alimentaires s’accompagnent d’une série d’autres interdits qui accompagnaient déjà les jeûnes pénitentiels ponctuels dans la Bible27. On les trouve inventoriés dans la Mishna :

Mishna Yoma 8,1 : « A Yom Kippour, il est interdit de manger, de boire, de se laver, de s’oindre, de porter des chaussures en cuir et d’avoir des relations sexuelles ».

D’autres interdictions ont été rapidement ajoutées, comme celle de se couper les cheveux. Certaines, prônées par une partie des rabbins, comme l’obligation de dormir par terre, n’ont pas été retenues, au motif qu’elles risquaient de mettre en danger la santé des fidèles. Les rabbins introduisent donc une série d’exceptions pour les personnes fragiles, notamment les malades, les personnes âgées, les femmes enceintes et allaitantes28. Quant aux enfants, ils ne sont concernés qu’à l’âge de la majorité religieuse, soit 12/13 ans, mais on recommande de commencer à les habituer progressivement au jeûne quelques années plus tôt29.

L’injonction de la Torah selon laquelle celui qui ne respecterait pas Kippour sera retranché d’Israël30 a conduit à diffuser son observance même parmi les juifs par ailleurs peu pratiquants. Ce statut spécifique était déjà reconnu à l’époque romaine. Au début du Ier siècle de notre ère, l’écrivain juif Philon d’Alexandrie affirmait que même ses coreligionnaires qui n’accomplissaient aucun autre rite respectaient cette fête31. Dans le Talmud, son importance se mesure au fait qu’elle est parfois appelée « le Jour » (Yoma en araméen) ou « le Grand Jour ».

Une liturgie synagogale élaborée

Une des spécificités de Kippour est que les fidèles réunis à la synagogue portent leur châle de prière (tallit) en continu. L’office débute, le premier soir de la fête, par un chant traditionnel d’origine médiévale, nommé Kol Nidrei (« Tous les vœux »)32. La prière intègre une confession des péchés lors de laquelle on se frappe la poitrine au niveau du cœur.

Enluminures d’un manuscrit du XVe siècle (Mahzor toscan ~1490) intégrant les paroles du chant Kol Nidrei et une représentation du grand-prêtre ouvrant le voile du Saint des saints
Enluminures d’un manuscrit du XVe siècle (Mahzor toscan ~1490) intégrant les paroles du chant Kol Nidrei et une représentation du grand-prêtre ouvrant le voile du Saint des saints © Christie’s Images Ltd, 2012

Le lendemain, les plus pratiquants passent la quasi-totalité de la journée à la synagogue, puisque l’office y est célébré à 5 reprises au lieu de 2 pour les jours ordinaires et 3 pour la plupart des jours de fête. La confession des péchés est réitérée et on lit les passages de la Torah relatifs à la fête de Kippour ainsi qu’au temple de Jérusalem. De nombreux poèmes, chants et prières sont également récités. On demande notamment à Dieu de se souvenir avec bienveillance des parents défunts.

Illustrations de l’office de Kippour à la synagogue, Isidor Kaufmann, début XXe
Illustrations de l’office de Kippour à la synagogue, Isidor Kaufmann, début XXe Public domain, via Wikimedia Commons

L’office du 2e soir, le plus fréquenté de l’année, s’achève sur la sonnerie de la corne du bélier – le chofar – suivant la prescription du Lévitique :

Lévitique 25,9 : « Le septième mois, le dix du mois, tu feras retentir le cor pour une acclamation ; au jour des Expiations vous ferez retentir le cor dans tout votre pays. » La sonnerie du chofar signale la fin du jeûne. Yom Kippour katan

Chofar du Maroc, réalisé par la famille Barsheshet en 1920<br />
Chofar du Maroc, réalisé par la famille Barsheshet en 1920
© Collection Famille Gross / levoyagedebetsalel.org

Au XVIe siècle, les Kabbalistes33 introduisirent la coutume, par la suite diffusée dans un certain nombre de communautés34, de solenniser la veille de certaines nouvelles lunes, c’est-à-dire des premiers jours de mois hébraïques, sous le nom de « petit Yom Kippour », avec un jeûne ainsi qu’un office spécial composé de prières pénitentielles. Ils se sont fondé sur un passage du Talmud d’après lequel Dieu aurait ordonné le rite bouc-émissaire comme expiation pour avoir fait diminuer la taille de la lune35. En effet, la phase décroissante de la lune était interprétée par les Kabbalistes comme un symbole de l’amoindrissement de la présence divine quittant Jérusalem après la destruction du Premier temple en 586.

Maureen Attali

Références

  1. La Torah est l’ensemble des cinq premiers livres de la Bible – Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome – réputés écrits par Moïse.

  2. Lévitique 16,2-3.

  3. Lévitique 16,3-34.

  4. Livre d’Hénoch 10,8 ; Apocalypse d’Abraham XIII, 5-6. Les livres apocryphes sont des textes rédigés dans l’Antiquité et qui étaient considérés comme des textes sacrés par certaines communautés juives. Ils ont vraisemblablement été exclus du canon général de la Bible juive fixé à la fin du premier siècle de notre ère dans des circonstances mal connues.

  5. Le Talmud est un recueil composé par des rabbins de l’Antiquité et dont le but et de clarifier la législation biblique. Il existe deux Talmud : le Talmud de Jérusalem (achevé vers 400) et le Talmud de Jérusalem (achevé vers 600).

  6. Talmud de Babylone, Yoma 67b.

  7. Mishna Yoma 6,2-6.

  8. Le temple de Jérusalem est définitivement détruit en 70 par le général romain et futur empereur Titus.

  9. La fête est également décrite en Nombres 29,7-11, sans mention du bouc-émissaire.

  10. La similitude entre les rites de deuil et les rites de pénitence est explicite dans l’épisode de la maladie de l’enfant de David et Bethsabée en 2 Samuel 12,16-23.

  11. On appelle « deutérocanoniques » les écrits juifs ont été exclus du canon biblique mais conservés dans ceux des catholiques et des orthodoxes.

  12. Isaïe (version grecque dite des Septante) 1,13-14 et Paumes de Salomon 3,8.

  13. Voir Yair Hoffman, « The Fasts in the Book of Zechariah and the Fashioning of National Remembrance » in Oded Lipschits et Joseph Blenkinsopp (ed), Judah and the Judeans in the Neo-Babylonian Period, Winona Lake, Eisenbrauns, 2003, p. 169-218.

  14. Voir au début du Ier siècle de notre ère, Philon d’Alexandrie, Des lois spéciales II, 193-203.

  15. Mishna Taanit 4,8.

  16. Tosefta Roch Hachana 1,13.

  17. Talmud de Babylone, Taanit 30b ; Talmud de Jérusalem, Taanit 4,8 cf. Exode 34,1.27-28 et Deutéronome 10,1-2.10.

  18. Talmud de Babylone, Taanit 31a.

  19. Midrash sur Proverbes 9,2 cf. traduction anglaise de Burton Visotzky, The Midrash on Proverbs, New Haven, Yale University Press, 1992, p. 49.

  20. Mishna Taanit 4,8 ; Talmud de Babylone, Shabbat 119a.

  21. Voir Jean Chrysostome, Contre les chrétiens judaïsants I,2.4 ; Théodoret de Cyr, Questions sur Lévitique 32 col. 341b ; Léon de Rome, Sermons 76,1. Sur ce sujet, voir Daniel Stökl ben Ezra, The Impact of Yom Kippur on Early Christinanity, Tübingen, Mohr Siebeck, 2003.

  22. « Kapparot », Encyclopaedia Judaica, éditée par Michael Berenbaum et Fred Skolnik, 2e édition, vol. 11, Macmillan Reference USA, 2007, p. 781-782.

  23. Mishna Yoma 8:8-9.

  24. Talmud de Babylone, Berakhot 8b.

  25. Lévitique 23,32.

  26. Mishna Yoma 8,2.

  27. La similitude entre les rites de deuil et les rites de pénitence est explicite dans l’épisode de la maladie de l’enfant de David et Bethsabée en 2 Samuel 12,16-23.

  28. Mishna Yoma 8,4.6.

  29. Mishna Yoma 8,3.

  30. Le sens de cette prescription est discuté en Talmud de Babylone, Yoma 74a.

  31. Philon d’Alexandrie, Des lois spéciales I, 186.

  32. L’origine de ce chant, pour la première fois mentionné au VIIIe siècle mais qui n’était alors chanté que dans certains communautés et critiqué par certains rabbins, est inconnue. Voir Herman Kieval et Bathja Bayer, « Kol Nidrei », Encyclopaedia Judaica, éditée par Michael Berenbaum et Fred Skolnik, 2e édition, vol. 12, Macmillan Reference USA, 2007, p. 276-278

  33. Les Kabbalistes sont des interprètes des textes sacrés juifs caractérisés par leur mysticisme qui furent actifs à l’époque moderne.

  34. Yom Kippour Katan est notamment évoqué au XVIIe siècle par le rabbin Hezekiah da Silva, Peri Ḥadash, « Roch Hodesh ».

  35. Talmud de Babylone, Hullin 60b.

Photos de Yom Kippour

Ces photos illustrent Yom Kippour et ses prières.

Juifs priant à la synagogue pour Yom Kippour, Maurycy Gottlieb, huile sur toile, 1878
Juifs priant à la synagogue pour Yom Kippour, Maurycy Gottlieb, huile sur toile, 1878 Public domain, via Wikimedia Commons
Prieurs slichot
Prieurs slichot Mark Neyman / Government Press Office (Israel), CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons
Le Mur des lamentations à Yom Kippour
Le Mur des lamentations à Yom Kippour Yael Shilo יעל שילה, CC BY 3., via Wikimedia Commons

Nos pages à ne pas manquer