Date et origine de Tou Bichvat

Dates de Tou Bichvat

Tou biShvat (ou Tou bi-Chevat) est prévu aux dates suivantes :

Tou Bishvat, le Nouvel an des arbres

Aussi écrit : Tu Bishvat, Tou bishevat, Tu’b shevat.

Tou Bishvat « le 15 du mois Shebat », qui tombe en janvier ou en février du calendrier grégorien, n’était à l’origine qu’un marqueur calendaire pour le calcul d’une redevance sur les arbres fruitiers à payer au temple de Jérusalem. Ce n’est que progressivement que cette date est devenue une fête des fruits et de la nature dont le statut reste celui d’une fête mineure.

La date de calcul de la dîme des arbres fruitiers

La Mishna associe aux deux jours de Nouvel an déjà connus par les sources juives antérieures – le 1er Nissan1 et le 1er Tishri2 – deux autres jours : le 1er Eloul et le 1er ou le 15 Shebat. Cette occasion est ainsi définie :

Mishna Rosh Hashana 1,1 : « Il y a quatre jours de Nouvel an […]. Le 1er Shebat a lieu le Nouvel an des arbres, suivant l’école de Shammai ; mais l’école d’Hillel dit que c’est le 15 du même mois ».

Cette date inédite est un marqueur calendaire destinée à clarifier les modalités de calcul et de perception des prélèvements agricoles destinés aux prêtres et aux Lévites du temple de Jérusalem ainsi qu’aux pauvres afin d’assurer leur subsistance. Ces redevances avaient été instituées par la Torah et sont nommées « dîmes » (en hébreu maaser), parce qu’elles étaient initialement fixées à 1/10e de la récolte3. D’après la Mishna, le 1er ou le 15 Shebat constitue la limite pour le calcul de la dîme sur les arbres fruitiers : c’est à l’une ou l’autre de ces dates, considérée comme marquant la fin de la saison des pluies4, qu’on considère achevée la récolte à partir de laquelle on détermine le montant de la dîme pour l’année passée.

L’attention portée par les sources juives de l’Antiquité tardive à la perception des dîmes semble indiquer que cette pratique ne disparut pas en 70 de notre ère lors de la destruction du Temple mais se maintint et fut vraisemblablement redirigée vers les rabbins5. Elles furent remises en vigueur en Israël dans les communautés juives orthodoxes. A la date de la compilation de la Mishna (vers 200 de notre ère), deux dates concurrentes existent pour le Nouvel an des arbres, mais les sources postérieures ne retiennent plus que le 15 Shebat6.

Les textes talmudiques ne prévoient aucun rite à accomplir à cette date, qui n’a donc pas encore le statut de fête dans l’Antiquité. En revanche, l’importance des arbres pour l’humanité est fréquemment soulignée dans la littérature rabbinique7.

La sacralisation progressive du Nouvel an des arbres à l’époque médiévale et au début de l’époque moderne

C’est en lien avec l’importance accordée aux arbres dans le judaïsme antique y compris de manière symbolique8, qu’à partir du Moyen Age, un nombre grandissant d’autorités rabbiniques prescrivent de s’abstenir de jeûner et de se livrer à tout rite pénitentiel le 15 Shebat. Cette évolution confère à cette date le statut de jour de réjouissance, ce que confirme la composition de poèmes liturgiques à insérer dans le rituel synagogal9. Les Kabbalistes – des interprètes des textes sacrés juifs caractérisés par leur mysticisme – soulignent la manière dont le Nouvel an des arbres illustre la succession entre les générations et leur solidarité10.

Par ailleurs, des coutumes spécifiques commencent à la même époque à être observées le jour du Nouvel an des arbres, notamment, dans les communautés ashkénazes, la consommation de 15 différents types de fruits, de préférence des fruits en provenance d’Israël, accompagnée de la récitation des psaumes 104 et 120 à 134. Par ailleurs, ce jour était souvent chômé pour les écoliers11.

Dans le monde sépharade, des poèmes de fêtes nommés coplas ou complas12 furent composés et chantés à l’occasion de ce même jour, nommé « Fête des Fruits » et donnant lieu à une multiplicité de coutumes spécifiques à chaque communauté13 : distribution d’aumônes spécifiques nommées « argent des fruits », sacs de fruits offerts en cadeaux aux enfants ou aux voisins voire distribution publique de fruits parfois exotiques et onéreux, mariages symboliques de jeunes filles nubiles avec des arbres etc.

Une fête de la nature aux interprétations variées

L’apparition et la popularité croissante de telles pratiques illustrent le fait que Tou Bishvat ait progressivement acquis la signification d’une fête du renouveau de la nature, une dimension approfondie depuis les années 1970 sous l’influence des mouvements politiques et sociaux environnementalistes. C’est dans cette optique que la célébration de Tou Bishvat est couramment assimilée à un Arbor Day.

Dans le contexte politique mais également géographique de la proclamation de l’État d’Israël, Tou Bishvat fait également figure de célébration des fronts pionniers assurant la mise en culture des espaces désertiques.

La fixation d’un rituel spécifique à partir XVIe siècle

C’est à partir du XVIe siècle, au sein du mouvement kabbaliste centré sur la ville de Safed (Israël), qu’un rituel de Tou Bichvat a été élaboré sur le modèle de celui de Pessah. Il inclut, en plus de la consommation de différentes espèces de céréales – sous forme de gâteaux – et de fruits nouveaux, celle de 4 coupes de vin, la récitation de poèmes spécifiques et la lecture de d’extraits de la Bible et des commentaires portant sur le rôle des arbres et réunis dans la compilation Peri ets hadar14. Son déroulement, qui varie selon les communautés et les traditions, est consigné dans un texte de référence nommé Haggada (« récit »).

Depuis le XIXe siècle, le 15 Shebat est l’occasion de grandes manifestations de plantations d’arbres en Terre d’Israël, une coutume qui s’est diffusée dans de nombreuses autres communautés juives.

Maureen Attali

Références

  1. Exode 12,2 ; Lévitique 23,5 ; Nombres 9,1 et 28,16 ; Deutéronome 16,1. La nouvelle lune du mois de Nissan marque le début du calendrier cultuel dans la Bible.

  2. Lévitique 23,24 ; Nombres 29,1 ; il s’agit de la fête désormais connue sous le nom de Rosh Hashanah.

  3. Nombres 18,21 ; Lévitique 27,30-32 ; Deutéronome 14,22-29.

  4. Talmud de Babylone, Rosh Hashanah 14a; Talmud de Jérusalem, Rosh Hashanah 1,2.

  5. Talmud de Jérusalem, Shebiit et Demai 6 ; Tosefta Shebiit 4, Sifre sur Deutéronome 51. Le contenu de ces passages est reproduit dans une inscription datée du VIe siècle ; voir Chaim Ben David, « The Rehov inscription : a Galilean halakhic text formula? » in Albert I. Baumgarten et alii, Halakhah in light of epigraphy, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2011, p. 231-240. Sur le maintien des dîmes après la destruction du Temple, voir Adolf Buechler, « The Patriarch R. Judah I and the Graeco-Roman Cities of Palestine » in I. Brodie et J. Rabbinowitz (ed), Studies in Jewish history: the Adolph Büchler memorial volume, Londres Oxford University Press, 1956, p. 179-245. Sur l’attribution de la dîmes des prêtres aux rabbins, voir par exemple Aharon Oppenheimer, The 'Am Ha-Aretz. A Study in the Social History of the Jewish People in the Hellenistic-Roman period, Leyde, Brill, 1977, p. 45-46.

  6. Talmud de Babylone, Rosh Hashanah 10a-b.

  7. Talmud de Babylone, Taanit 23a ; Sifre sur Nombres 203 ; Midrash Rabbah sur Lévitique 25,3 ; pour une première approche, voir l’article de Stephen Arnoff, « What The Talmud Teaches About Trees » sur le site myjewishlearning.com disponible à l’adresse suivante https://www.myjewishlearning.com/article/trees-and-their-new-year-in-rabbinic-judaism/

  8. En particulier à partir de Deutéronome 20,19 : « Car l'homme est un arbre des champs ».

  9. Deux piyyutim traditionnels de Tou Bishvat sont ainsi attribués à Juda Halevi, un célèbre rabbin et poète originaire d’Espagne et actif au tournant des XIe et XIIe siècles.

  10. Voir Miles Krassen, « New Year's Day for Fruit of the Tree » in Lawrence Fine (éd.), Judaism in practice from the Middle Ages through the early modern period, Princeton University Press, 2001 p.81-96.

  11. Meir Ydit, « Tu Bi-Shevat », Encyclopaedia Judaica, éditée par Michael Berenbaum et Fred Skolnik, 2e édition, vol. 20, Macmillan Reference USA, 2007, p. 167.

  12. Sur les complas en général, voir Paloma Díaz-Mas, Sephardim: The Jews from Spain, University of Chicago Press, 2007, p. 105-112.

  13. Voir l’article de Lesli Koppelman Ross, « Eating Fruit on Tu Bishvat » publié sur le site myjewishlearning.com et disponible à l’adresse suivante : https://www.myjewishlearning.com/article/eating-fruit-on-tu-bishvat/

  14. Ce texte fût pour la première fois publié à Salonique (Grèce) en 1753.

Plantation d'arbres fruitiers dans un kibboutz, 1946 <br />
Plantation d'arbres fruitiers dans un kibboutz, 1946
© Zoltan Kluger / Israel GPO
Plantation d'arbres par l'armée israélienne en bordure de Gaza, janvier 2014 <br />
Plantation d'arbres par l'armée israélienne en bordure de Gaza, janvier 2014
Israel Defense Forces / CC-by-nc

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