Date et origine du Yom HaShoah

Dates du Yom HaShoah

Le Yom HaShoah est prévu aux dates suivantes :

Cette fête a lieu le 27 du mois de Nissan dans le calendrier hébreu, excepté lorsque le 27 Nissan borde un shabbat, auquel cas on décale d'un jour avant ou après.

Yom HaShoah, une commémoration en mémoire des juifs assassinés pendant la seconde guerre mondiale

Un jour de deuil en mémoire des victimes des nazis est observé chaque année à la date du 27 Nissan, qui tombe au mois d’avril ou de mai du calendrier grégorien. Instituée en 1951 par le parlement israélien, le « Jour [du Souvenir] du génocide des juifs », au vu de sa signification, est actuellement observée dans la très grande majorité des communautés juives.

Des commémorations diversifiées observées dès la seconde guerre mondiale

Alors même que la seconde guerre mondiale faisait encore rage, les proches des victimes juives du nazisme, ainsi que différentes associations juives locales et internationales, mirent en place différentes formes de commémorations à la mémoire des défunts. Un projet de mémorial des juifs déportés depuis le ghetto de Varsovie vers le camp d’extermination de Treblinka (Pologne) fut ébauché dès que la nouvelle parvint dans ce qui était alors la Palestine mandataire, soit en août 19421. Quelques semaines plus tard, la mise en œuvre de ce que les nazis nommaient la « solution finale », c’est-à-dire la destruction systématique de tous les juifs d’Europe, conduisit Mordechai Shenhavi, l’initiateur du projet, à l’étendre à la totalité des juifs victimes du nazisme.

La multiplication des témoignages sur les exactions nazies et sur le nombre de victimes conduisit les autorités juives de Palestine à proclamer trois jours de deuil et de protestation entre du 30 novembre au 2 décembre 1942. Quelques jours plus tard, une période additionnelle de 10 jours de jeûne fut proclamée, laquelle devait débuter à la date hébraïque du 10 Tevet, qui correspondait cette année-là au 18 décembre2.

Le débat initial sur la signification religieuse et politique d’une commémoration officielle du génocide des juifs et sur sa date

Si la date du 10 Tevet avait été retenue, c’est parce qu’il s’agit dans le judaïsme d’un jour de jeûne traditionnel en mémoire du début du siège que le roi Nabuchodonor II mis à Jérusalem au début du VIe siècle av. n.è3. En effet, ce siège victorieux marqua la chute du royaume de Juda et la fin de l’indépendance politique des juifs au Proche-Orient pour plusieurs siècle. Son anniversaire était ainsi observé annuellement avec des manifestations d’affliction. Cependant, la commémoration des victimes du nazisme à la même date rencontra d’emblée une très forte opposition au sein de la population juive. En effet, dans la théologie biblique, la conquête babylonienne de Juda est interprétée comme une punition divine, le dieu des juifs les châtiant ainsi de leur impiété4 : il paraissait donc à beaucoup peu opportun d’associer à cet événement la mémoire de victimes d’un génocide. Pourtant, en 1949, le grand-rabbinat israélien décida d’instaurer officiellement le 10 Tevet comme « Jour du Kaddish commun » (en hébreu, Yom Kaddish Klali) pour les juifs assassinés lors de la seconde guerre mondiale. Même si cette initiative ne rencontra pas beaucoup de succès, de nos jours encore, en Israël, une partie des fidèles appartenant à des communautés juives dites « orthodoxes » et « ultra-orthodoxes »5 allument des bougies et récitent le kaddish, la prière en mémoire des défunts, le jour du 10 Tevet6.

Par ailleurs, certains rabbins appartenant aux courants du judaïsme dits des « orthodoxes modernes » et « massorti »7 militent pour intégrer la commémoration de la Shoah à un autre jour de jeûne commémorant la conquête babylonienne du royaume du Juda : le 9 Ab8, observé chaque année en mémoire de la destruction de Jérusalem et de son temple9. Certaines communautés insèrent donc parmi les poèmes liturgiques de lamentations récités à la synagogue le jour du 9 Av des compositions en mémoire des victimes des nazis.

D’autres jours de deuil furent également observés, notamment le 19 avril 1944, à l’occasion du premier anniversaire l’insurrection du ghetto de Varsovie, la plus fameuse action coordonnée de résistance juive aux Nazis10. Dès la capitulation de l’Allemagne, un projet de commémoration annuelle de cet événement fut proposé. Cependant, celui-ci avait eu lieu en 1943, le 14 Nissan du calendrier hébraïque ; dans la mesure où cette date coïncide avec Pessah, une fête de réjouissance majeure qui débute le même jour à la tombée de la nuit, l’instauration d’un jour de deuil à cette date rencontra l’opposition du grand-rabbinat11.

Après de vifs débats, l’assemblée israélienne (en hébreu, Knesset) trancha en 1951 : après avoir affirmé que le génocide commis par les nazis n’était comparable à aucune des calamités ayant précédemment affecté les juifs dans l’histoire, les députés choisirent de placer la commémoration, nommée « Jour [du souvenir] du génocide des juifs et de l’insurrection du ghetto »12, à une date inédite : le 27 Nissan du calendrier hébraïque, soit une semaine après la fin de la fête de Pessah13 et une semaine avant le Jour du souvenir en l’honneur des soldats israéliens défunts14. En 1959, le nom de la commémoration fût modifié en Yom Hashoah Ve-Hagevurah, qui signifie en français « Jour [du souvenir] du génocide des juifs et de l’héroïsme » 15, afin de ne pas privilégier le souvenir des combattants armés sur celui des autres victimes16.

Comme les fêtes juives les plus solennelles, Yom HaShoah débute à la tombée de la nuit dans la soirée du 26 Nissan et dure jusqu’au coucher du soleil le lendemain. Pour ne pas que la commémoration empiète sur un sabbat17, les années où le 27 Nissan tombe un vendredi, Yom HaShoah est observé la veille ; si le 27 tombe un dimanche, Yom HaShoah est décalée au lendemain.

L’observance officielle du Jour de la Shoah en Israël

La commémoration débute le 26 Nissan au coucher du soleil par une cérémonie officielle qui a lieu à Jérusalem, à l’Institut international pour la mémoire de la Shoah de Yad Vashem, dans la cour du ghetto de Varsovie, où les drapeaux sont mis en berne. Devant des survivants et des enfants de survivants et de nombreuses personnalités publiques, les chefs de l’état et du gouvernement israélien prononcent des discours. 6 torches représentant symboliquement les 6 millions de victimes juives sont allumées, et le Kaddish, la prière des morts, est récitée.

Comme lors de Yom Hazikaron18, une sirène retentit pendant 2 minutes dans tout le pays à la tombée de la nuit puis le lendemain matin à 11h. La population observe alors deux minutes de silence et suspend son activité. Le trafic routier est ainsi arrêté. Tous les magasins, les lieux de divertissement et établissement publics sont fermés. Les chaînes de télévision et stations de radio diffusent des programmes documentaires sur le génocide des juifs, sans aucune coupure publicitaire. Des commémorations locales ont lieu dans les lieux dédiés à la mémoire du génocide, mais aussi les établissements scolaires, les bases militaires, les municipalités et les entreprises.

Sonnerie du shofar dans la communauté américaine de Pittsgrove
Sonnerie du shofar dans la communauté américaine de Pittsgrove © Cathy Cramer/South Jersey Times

Yom Hashoah dans les communautés juives : des rituels innovants et variés

Si beaucoup de synagogues organisent des offices spéciaux à l’occasion de Yom HaShoah, leur déroulement n’est pas standardisé et varie considérablement selon les communautés. Différents textes liturgiques correspondant notamment aux différents courants du judaïsme19 ont ainsi été composés. Elaborés à partir de témoignages de survivants du génocide accolés à des versets bibliques, ils sont lus dans certaines communautés20. Parfois, on sonne le shofar, la corne du bélier utilisée lors des fêtes de Roch Hachana21 et Yom Kippour22. Dans certains foyers, on allume également une bougie en mémoire des défunts. En outre, beaucoup de communautés organisent des événements éducatifs combinant de témoignage de survivants et projection de documentaires.

Sur le site de camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, des milliers de personnes commémorent ce jour par la marche des Vivants.

En France, depuis 1991, une lecture solennelle et publique des noms des plus de 76 000 juifs de France déportés et morts pendant la seconde guerre mondiale qui ont pu être identifié a lieu à Paris. Elle se déroule désormais au Mémorial de la Shoah (75004).

Allumage des bougies lors de la cérémonie de Yom HaShoah 2019 à Paris
Allumage des bougies lors de la cérémonie de Yom HaShoah 2019 à Paris © memorialdelashoah.org

Maureen Attali

Références

  1. Sur ces commémorations initiales, voir Dina Porat, The Blue and Yellow Stars of David: The Zionist Leadership and the Holocaust (1939–1945), Cambridge, MA, Harvard University Press, 1990.

  2. Sur cette initiative, voir Mooli Brog, « In Blessed Memory of a Dream: Mordechai Shenhavi and Initial Holocaust Commemoration Ideas in Palestine, 1942–1945 », Yad Vashem Studies XXX, Jérusalem, 2002, p. 297-336, traduit de l’hébreu en anglais par Naftali Greenwood et consultable en ligne à l’adresse suivante https://www.yadvashem.org/odot_pdf/Microsoft%20Word%20-%205423.pdf

  3. Sur le jeûne du 10 Tevet, voir 10 Tevet.

  4. Jérémie 27,6.

  5. Pour une première approche des courants du judaïsme contemporains, on peut consulter :

  6. Sur cette pratique, voir Irving Greenberg, The Jewish Way : Living the Holidays, New York, Touchstone, 1988, réédition 1993.

  7. Sur les différents courants du judaïsme contemporain, on pourra consulter Martine Berthelot, « Approche des grands courants actuels du judaïsme religieux et laïc en Occident » dans Juifs de Catalogne et autres contributions à l’étude des judaïsmes contemporains, Presses universitaires de Perpignan, 2011 disponible en ligne à l’adresse suivante : https://books.openedition.org/pupvd/1396

  8. Sur cette tentative, voir Saul Friedländer, « The Shoah Between Memory and History », Jerusalem Quarterly 53, 1990, p. 115-126

  9. Voir Tisha beav.

  10. Sur cette épisode, on pourra consulter notamment le livre de Joël Kotek et Raul Hilberg, L'Insurrection du ghetto de Varsovie, Éditions Complexe, 1994, consultable en ligne à l’adresse suivante : https://books.google.fr/books?id=9QqGjE-TX8QC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

  11. Sur les débats à propos du choix de la date de la commémoration, voir James E. Young, « When a Day Remembers: A Performative History of »Yom ha-Shoah" », History and Memory, Vol. 2, n°2, 1990, p. 54-75, consultable en ligne à l’adresse suivante : https://berlinarchaeology.files.wordpress.com/2015/09/young-1990-when-a-day-remembers.pdf

  12. En hébreu, Yom HaShoah u-Mered ha-Geta'of.

  13. Voir Pessah.

  14. Voir Yom Haatsmaout, le « Jour de l’indépendance ».

  15. La traduction anglaise du texte de loi est disponible sur le site internet de la Knesset à l’adresse suivante : http://www.knesset.gov.il/shoah/eng/shoah_memorialday_eng.pdf

  16. Sur cette volonté, on pourra se référer à l’article du rabbin Irving Greenberg, « Setting a Date for Yom HaShoah », consultable en ligne à l’adresse suivante : https://www.myjewishlearning.com/article/setting-a-date-for-yom-hashoah/

  17. Voir sabbat.

  18. Voir Yom Haatsmaout.

  19. Sur les différents courants du judaïsme contemporain, on pourra consulter Martine Berthelot, « Approche des grands courants actuels du judaïsme religieux et laïc en Occident » dans Juifs de Catalogne et autres contributions à l’étude des judaïsmes contemporains, Presses universitaires de Perpignan, 2011 disponible en ligne à l’adresse suivante : https://books.openedition.org/pupvd/1396.

  20. On peut notamment citer, pour le mouvement libéral, les Six Jours de Destruction publiés en 1988 par le célèbre écrivain Elie Wiesel et le rabbin Albert Friedländer ; pour le mouvement massorti, le Rouleau de la Shoah composé sous la direction du professeur Avigdor Shinan ; pour les « orthodoxes modernes, une Haggadah de Yom HaShoah sur le modèle de la Haggadah de Pessah.

  21. Voir Roch Hachana.

  22. Voir Kippour.

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