- Accueil
- Religion
- Fêtes juives
- Pourim
Dates de Pourim
Pourim est prévu aux dates suivantes :
- dimanche 24 mars 2024
- vendredi 14 mars 2025
- mardi 3 mars 2026
Pourim, de la fête de la Délivrance au Carnaval
La fête de Pourim, célébrée les 14 et/ou 15 Adar (février-mars) est instituée par le Livre d’Esther, un texte de la Bible hébraïque1. Elle aurait été fondée par la reine Esther, épouse juive d’un souverain perse désigné sous le nom d’Assuérus, ainsi que par son oncle Mardochée, au Ve siècle av. notre ère. Commémoration de Délivrance, elle se distingue par de nombreuses manifestations de réjouissances qui se diversifient au fil du temps.
Une commémoration d’un projet avorté d’extermination des juifs de la Perse antique
« Assuérus » est la prononciation hébraïque du nom perse du roi Xerxès, qui régna de 486 à 465 av. notre ère, mais aucune autre source ne vient corroborer les événements rapportés dans le récit biblique. Le vizir d’Assuérus, nommé Aman, aurait cherché à se venger de Mardochée, un membre juif de la Cour qui refusait de s’incliner devant lui, en ordonnant le massacre des juifs de tout l’empire, c’est-à-dire de tous les juifs ; en effet, les territoires contrôlés par la dynastie au pouvoir, les Achéménides, s’étendaient de l’Afrique du Nord jusqu’à l’Inde. L’extermination des juifs est annoncée pour le 13 Adar du calendrier judéo-babylonien.
Aidée par Mardochée, Esther parvient à convaincre le roi, qui ignorait jusque-là qu’elle est juive, de la duplicité de Aman. Celui-ci est pendu, tandis que les juifs sont autorisés par décret royal à se défendre contre ceux qui oseraient les attaquer. Partout dans l’empire, les juifs l’emportent sur leurs agresseurs et, conformément aux ordres d’Esther et de Mardochée, instituent une fête commémorative à célébrer le jour suivant leur victoire. Celle-ci est nommée « Pourim », un nom formé à partir d’une racine akkadienne signifiant « les sorts » ou « les destinées »2, car Aman avait choisi la date de l’extermination programmé des juifs par tirage au sort.
Esther 9,26-28 : « C’est pourquoi on a appelé ces jours-là : Destinées, du mot Destin. C’est pourquoi à cause de tous les termes de cette missive, de ce qu’ils avaient vu à ce sujet et de ce qui leur était arrivé, les Juifs en ont fait une institution et l’ont acceptée pour eux-mêmes, pour leur descendance et pour tous leurs adeptes : on ne manquera pas d’observer chaque année ces deux jours selon leurs prescriptions et selon leurs dates. Ces jours sont commémorés et observés de génération en génération, dans chaque famille, chaque province, chaque ville. Ces jours des Destinées ne s’effaceront pas du milieu des Juifs, et la commémoration en sera sans fin dans la race des Juifs ».
Les rabbins du Talmud3 ajoutent de la force légale à la création de Pourim : le contenu du Livre d’Esther aurait été révélé à Moïse sur le mont Sinaï4 et on y trouverait de nombreuses allusions dans la Torah5. Esther et Mardochée sont placés au rang des prophètes6. Par ailleurs, leur décision aurait été entérinée par les « sages » ancêtres des rabbins7. Par ailleurs, un lien théologique est établi entre Pourim et la fête de Pessah, qui a lieu exactement un mois plus tard et qui commémore également une Délivrance du peuple juif8.
Enfin, Pourim, comme Kippour, a acquis une dimension messianique, avec l’idée que dans le monde à venir, seules ces deux fêtes continueront à être célébrées9.
Une date de célébration différenciée selon les lieux
Si le Livre d’Esther mentionne deux jours de fête, c’est parce que la victoire n’aurait pas été remportée partout le même jour partout. La majorité des juifs combattirent uniquement le 13 Adar et se réjouirent le 14 mais ceux de Suse, la ville où résidaient le roi et les protagonistes du récit, poursuivirent le combat le 14 et célèbrent leur victoire le 15 :
Esther 9,18-19 : « les Juifs de Suse, qui s’étaient rassemblés le treize et le quatorze, se reposèrent le quinze dont on fit un jour de banquet et de joie. C’est pourquoi les Juifs ruraux, habitant les bourgades rurales, font du quatorze du mois d’Adar un jour de joie, de banquet, de fête ».
La distinction entre les communautés qui doivent célébrer Pourim le 14 ou le 15 est précisée dans la Mishna : tous les juifs résidants dans des villes qui étaient déjà fortifiées du temps de Josué fils de Noun10, le successeur de Moïse et chef militaire de la conquête par les Hébreux du pays de Canaan d’après le livre biblique qui porte son nom. Cette célébration du 15 Adar, en vigueur par exemple à Jérusalem, est nommée Pourim Shushan (« Pourim de Suse »).
Pour autant, si l’on en croit le double témoignage de l’historien juif Flavius Josèphe et du Rouleau des jeûnes (Megillat Taanit), une liste rabbinique de jours fastes (yom tov)11, Pourim pouvait dès la fin du Ier siècle de notre ère être considérée comme une fête durant deux jours, une situation d’ailleurs signalée dans le Talmud12.
La lecture du Rouleau d’Esther et les rites de réjouissances
Réputée avoir été fondée loin du temple de Jérusalem, la fête n’a jamais été l’occasion de sacrifices. Le Livre d’Esther ne mentionne que des banquets et l’ « échange de portions [de nourriture] » et de « cadeaux aux pauvres » 13 - des obligations maintenues dans le Talmud et toujours d’actualité - comme rites de réjouissance à accomplir lors de Pourim.
Le traité talmudique dédié à Pourim s’occupe principalement de définir les modalités d’accomplissement du principal rite de la fête, la lecture intégrale du Livre d’Esther, nommé Megillah (le « Rouleau ») parce qu’il est écrit, comme la Torah14, sur un support en forme de rouleau à l’antique. Cette lecture a en général lieu à la synagogue et se fait à deux reprises : la veille de la fête et le jour-même.
De nos jours, dans de nombreuses communautés, l’assemblée – notamment les enfants – a coutume d’agiter des crécelles et de huer le nom de Aman dès que celui-ci est prononcé par le lecteur. En outre, le jour de Pourim, la prière Al Hanissim (« Pour les miracles ») est insérée dans l’office.
Dès l’Antiquité tardive, la célébration de la fête fut l’occasion de mettre en scène l’exécution d’Aman : des effigies de ce personnage pouvaient été crucifiées, pendues aux toits des maisons ou brûlées15. Par ailleurs, un enseignement rapporté par le Talmud de Babylone affirme qu’il faut à Pourim « s’enivrer jusqu'à ne plus pouvoir distinguer Mardochée le béni de Aman le maudit » 16 ; si la plupart des autorités postérieures critiquent le fait de rechercher volontairement l’ivresse, la consommation d’alcool est d’autant plus fréquente qu’elle participe d’une volonté par les célébrants de reproduire lors de la fête les événements du Livre d’Esther, où la plupart des péripéties surviennent parce que le roi et son vizir agissent sur l’effet du vin. C’est dans cette même optique qu’à partir du XVe siècle, la coutume est apparue de se déguiser lors de la fête, en souvenir du fait que Mardochée avait reçu à deux reprises l’honneur suprême de porter les vêtements et l’équipement du roi17. En Israël, le carnaval de Pourim est appelé Adloyada. De nos jours, des fêtes déguisées sont organisées dans le monde entier.
La fête de Pourim a également fait naître un genre littéraire : des nombreuses œuvres (poèmes, monologues, pièces de théâtre) rapportant les événements du Livre d’Esther sont fréquemment récitées ou mises en scène pendant la fête. Depuis le XVIe siècle, les communautés ashkénazes désignent ces compositions sous le nom de Pourim-Shpil.
En Iran, dans la ville de Hamedan (nommée Ectabane dans l’Antiquité), il existe un monument identifié comme le tombeau d’Esther et de Mardochée18, à l’intérieur duquel se trouve une synagogue. Il s’agit d’un un lieu de pèlerinage majeur les juifs du pays mais aussi pour les étrangers, visité notamment pendant le mois d’Adar et la fête de Pourim19.
L’apparition progressive de commémorations additionnelles
Un dédoublement circonstanciel, conséquence du calendrier juif : Pourim katan (« le petit Pourim »)
Le calendrier juif est luni-solaire : structurée en 12 mois lunaires, l’année prend chaque année 11 jours de retard sur la révolution solaire. Pour rattraper ce retard, un système d’intercalation a progressivement été mis en place depuis l’Antiquité tardive, aboutissant à l’ajout d’un deuxième mois d’Adar certaines années. Tant que le calendrier juif était fixé de manière empirique, Pourim pouvait être célébrée à deux reprises durant la même année, lors du premier puis du deuxième mois d’Adar20.
Depuis que les années comportant un mois supplémentaire peuvent être prévues à l’avance21, Pourim est fêtée lors du deuxième mois d’Adar, afin de pouvoir continuer à être célébré exactement un mois avant Pessah22. Ces années-là, le 14 – ou le 15 – du premier mois d’Adar est nommé Pourim katan ; ce jour se distingue des jours ordinaires en ce que les manifestations de pénitence et de deuil sont prohibées23.
Le jeûne d’Esther, une coutume médiévale
Dans le Livre d’Esther, la reine et la communauté juive de Suse jeûnent pendant 3 jours à l’annonce du sort qui les attend. Si, à la fin du texte, un jeûne est mentionné parmi les commémorations futures24, cette pratique n’est jamais mentionnée dans les sources juives de l’Antiquité. Ce n’est qu’à partir du VIIIe siècle que l’usage s’est répandu d’observer un jeûne commémoratif en mémoire de cet épisode, de l’aube à la tombée de la nuit25. Ce jeûne se déroule en général le 13 Adar, soit la veille de Pourim pour la plupart des communautés26 ; lorsque cette date tombe un jour de sabbat, le jeûne est décalé au 11 Adar.
Les Pourim locaux dits « spéciaux » (Pourim sheniim, « seconds Pourim »)
Dès l’Antiquité, des communautés juives ont instauré des fêtes locales de Délivrance en mémoire de persécutions menaçantes auxquelles elles avaient échappées27 en se fondant sur l’obligation talmudique de prononcer une bénédiction lorsqu’on se trouve dans un lieu où « un miracle a eu lieu pour Israël »28. Cette pratique se développe considérablement à partir du Moyen Age et ces commémorations sont connues sous le nom de seconds Pourim29. Elles sont souvent également précédées d’un jour de jeûne et sont l’occasion d’un rappel des événements commémorés sur le modèle de la lecture de la Megillah.
Maureen Attali
Références
Les Anciens testaments catholiques et orthodoxes ajoutent à la version hébraïque du Livre d’Esther une version grecque qui est considérée apocryphes par les juifs.
Voir André Lemaire, « PR en araméen ancien et les origines de la fête de Pûrîm », in M. Bar-Asher et M.
Il existe deux Talmuds, le Talmud de Jérusalem (considéré globalement achevé vers 400) et le Talmud de Babylone (considéré globalement achevé vers 600). Chacun des Talmud est constitué de la Mishna, un corpus rabbinique achevé vers 200, et d’une Guemara, un ensemble de commentaires sur la Mishna formulés par des rabbins de l’Antiquité tardive.
Talmud de Jérusalem, Megillah 1,5 ; Talmud de Babylone, Megillah 7a.
Par exemple, dans Talmud de Babylone Hullin 139b.
Talmud de Babylone Megillah, 14a cf. Seder Olam Rabba 20-21,
Talmud de Babylone, Megillah 7a.
Talmud de Jérusalem, Megillah 1,5. Sur le lien entre Pourim et Pessah, voir Michael Wechsler, « The Pourim-Passover connection: A reflection of Jewish Exegetical Tradition in the Peshitta Book of Esther », Journal of Biblical Literature 117/2, 1998, p. 321-325.
Midrash sur Proverbes 9,2 cf. traduction anglaise de Burton Visotzky, The Midrash on Proverbs, New Haven, Yale University Press, 1992, p. 49.
Mishna Megillah 1,1 cf. Talmud de Jérusalem, Megillah 1,1.
Flavius Josèphe, Antiquités juives XI, 292 ; Il n’existe pas de traduction récente du Rouleau des jeûnes en français ; on se référera à Moïse Schwab, « La Meghillath Taanith : ou »anniversaires historiques" » in Actes du onzième Congrès international des orientalistes : Quatrième section, Hébreu-Phénicien-Araméen-Ethiopien-Assyrien, Paris, Ernest Leroux, 1898, p. 199-259, consultable en ligne à l’adresse suivante https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65802736. Pour une édition scientifique du texte avec une traduction anglaise, on consultera l’article de Vered Noam, « Megillat Taanit – The Scroll of Fasting », in Shmuel Safrai et alii (ed), The Literature of the Sages, tome 2, Assen, Minneapolis, MN Royal Gorcum, Fortress Press, 2006, p. 348-350, disponible en cliquant ici (miroir de http://www.verednoam.com/articles/Noam%20MegillatTaanit.pdf)
Talmud de Babylone, Megillah 5b.
Esther 9,19.22.
La Torah est l’ensemble des cinq premiers livres de la Bible hébraïque (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres Deutéronome) réputés écrits par Moïse.
Talmud de Babylone, Sanhedrin 64b. La coutume à laquelle ce passage fait allusion est explicitée par un texte rabbinique du XIe siècle ; voir Louis Ginzberg, Geonica, vol. 2, New York, The Jewish theological seminary of America, 1909, p.1-2. Ces coutumes sont connues et mentionnés par les observateurs chrétiens : Code Théodosien XVI, 8,18 ; voir également Jean Juster, Les juifs dans l’empire romain. Leur condition juridique, économique et sociale, Paris, Geuthner, p. 115-119.
Talmud de Babylone, Megillah 7b**.**
Esther 6,8-11 et 8,15.
On trouve pour la première fois mention de ce tombeau dans le récit de voyage de Benjamin de Tudèle, un rabbin du XIIe siècle originaire de Navarre (actuelle Espagne) ; on pourra en consulter une traduction française du XIXe siècle à cette adresse : http://remacle.org/bloodwolf/juifs/benjamin/table.htm
Houman Sarshar, « Hamadan. VIII: Jewish Community », Encyclopedia Iranica, ed. Ehsan Yarshater, 11, 2003, p. 615-23, consultable en ligne à l’adresse suivante : http://www.iranicaonline.org/articles/hamadan-viii
Mishna Megillah 1,4.
Ces années, dites embolismiques, sont déterminées sur la base du cycle métonique ; https://icalendrier.fr/calendriers-saga/etudes-thematiques/meton-cycle
Talmud de Jérusalem, Megillah 1,4.
Talmud de Babylone, Megillah 6b.
Esther 9,31.
Le jeûne d’Esther est mentionné pour la première fois Ahai de Shabha, She’iltot 67,18 ; voir Encyclopedia Judaica, vol. 6, 2007, p. 519.
Dans l’Antiquité, il était interdit de jeûner le 13 Adar car on célébrait ce jour-là une fête joyeuse aujourd’hui disparue, le Jour de Nicanor, cf. Talmud de Jérusalem, Taanit 2,12 et Megillah 1,4 ; Talmud de Babylone, Taanit 18b. La date du 13 Adar a été choisie afin de souligner le lien entre le jeûne et Pourim ; dans le Livre d’Esther, le jeûne a lieu pendant Pessah mais cela n’est possible que dans des situations de détresse extrême ; voir Louis Ginzberg, Les légendes des juifs, vol.6, Paris, Cerf, 2006 (1909), p. 340 n. 142.
On connaît notamment une fête de Délivrance des juifs d’Égypte, dont l’origine est rapportée par le Troisième livre des Maccabéees et à laquelle l’écrivain juif Flavius Josèphe assista à Alexandrie à la fin du Ier siècle de notre ère d’après Contre Apion II, 55, dont une traduction est consultable à l’adresse suivante : http://remacle.org/bloodwolf/historiens/Flajose/Apion2.htm
Mishna Berakhot 9,1 ; Talmud de Babylone, Berakhot 54a-b.
Voir Encyclopedia Judaica, Jérusalem, Keter, 1971 t.13, col. 1396-1400, qui fournit une liste des Pourim spéciaux, ainsi que Yosef Yerushalmi, Zakhor. Histoire juive et mémoire juive, Paris, La Découverte, 1984 (1982), p. 62-63.